Le climat tue et les Belges regardent leur portefeuille

Les Belges ont laissé le climat en dehors de leurs préoccupations lors des votes ; garder une planète habitable pour leurs enfants, ça devrait compter aussi.

Les nouvelles du climat se suivent et se ressemblent : mai 2024 était le 12ème mois consécutif le plus chaud au niveau global. La température de surface des océans, tout aussi inquiétante, bat, elle, des records depuis 14 mois.

**Température quotidienne moyenne de l’air à la surface du globe**

**Température quotidienne moyenne à la surface de l’eau**

Pour comprendre pourquoi l’année 2023 était si anormale, voir le résumé de Xavier Fettweis

Vous avez du mal à y croire, avec la météo qui règne sur la Belgique depuis quelques semaines ? Oui, mais comme dit Serge Zaka, agroclimatologue français, on ne constate pas l’évolution du climat depuis son jardin. Revenons à nos moutons : nos modes de vie insoutenables tuent¹. Les scientifiques ont déterminé que des événements climatiques extrêmes (canicules, précipitations intenses, cyclones,…) sont rendus plus probables et plus dévastateurs par le dérèglement climatique. Meurt-on beaucoup de ces événements climatiques extrêmes ? Et comment ?

Par noyade pour cause de précipitations intenses

En bonne Liégeoise toujours traumatisée de l’été 2021, ma liste ne pouvait commencer autrement. Les inondations de 2021 ont coûté la vie à pas moins de 39 personnes en Wallonie, impactant au moins 100.000 autres. Aujourd’hui encore des maisons restent insalubres tandis que les impacts sur la santé mentale des survivants sont encore bien présents. De telles inondations peuvent se reproduire d’ici dix à vingt ans seulement. Ne reste qu’à sérieusement s’attaquer à l’aménagement de notre territoire pour s’y préparer. Mais si on lève le nez, les chiffres donnent le tournis. Au Brésil, l’Etat de Rio Grande do Sul a été affecté par des inondations il y a quelques semaines. Au moins 170 personnes décèdent, 150.000 sont blessées et 80.000 sont déplacées de chez elles. À Derna, en Libye, ce sont plus de 10.000 personnes qui perdent dramatiquement la vie lors d’inondations en septembre 2023. La rupture de deux barrages, mal entretenus, en amont de la ville a provoqué d’énormes coulées de boue. De nombreuses morts auraient pu être évitées, démontrant bien à quel point les catastrophes climatiques impactent de façon disproportionnée les pays à la gouvernance instable et aux capacités d’adaptation bien plus limitées. Ces pays ne sont pourtant, rappelons-le, que très marginalement responsables de cette situation climatique. Dans les trois cas, les scientifiques ont établi un lien clair avec le dérèglement climatique².³ ⁴.

Par manque d’accès à de l’eau potable

Après une inondation, l’eau potable des puits a de grands risques d’avoir été contaminée par des pathogènes, et le système de distribution d’être à l’arrêt ou non fiable pour différentes raisons. C’était le cas dans certaines communes wallonnes en 2021. Même bouillie, l’eau du réseau ne pouvait pas être consommée ! En Belgique, on a pu rapidement distribuer de l’eau potable à toutes et tous. Mais ailleurs ? En 2023, six mois après de grosses inondations au Pakistan, plus de dix millions d’habitants restaient privés d’eau potable selon l’UNICEF. Or, un sixième des décès d’enfants dans le monde est lié à des infections causées par un manque d’accès à l’eau potable, à des installations sanitaires adéquates et à une bonne hygiène, toujours selon l’UNICEF. Des inondations plus fréquentes et plus intenses ne vont décidément pas aider ces populations.

Par coup de chaleur

En trois jours,au moins 50 personnes sont mortes en Inde lors des élections début juin, en raison d’une vague de chaleur. Les températures y sont montées jusqu’à 50°C. La plupart de ces personnes étaient impliquées dans l’organisation de ces élections. Mourir en faisant son devoir citoyen, c’est acceptable ? Plus récent encore : il y a quelques jours, plus de 550 personnes sont décédées à cause de la chaleur durant le grand pèlerinage musulman à la Mecque. Une étude de mai 2024 soulignait d’ailleurs l’aggravation des risques sanitaires liés au climat pendant ce pèlerinage annuel. Combien de temps ces événements de grande ampleur pourront-ils être encore organisés ? Et à quel prix ?

En Europe, les températures extrêmes de l’été 2022 ont entraîné la mort de plus de 60.000 personnes selon une étude publiée dans la revue Nature.

De malnutrition à cause de la sécheresse

Une sécheresse prolongée transforme le paysage en désert. Elle dessèche tout sur son passage, empêche la végétation de grandir et tue le bétail. C’est le cas par exemple en Somalie, où un animal sur trois a péri entre mi-2021 et mai 2022 dans les zones les plus touchées. La sécheresse y est dès lors responsable de la mort de 43.000 personnes en 2022 selon l’OMS et l’UNICEF. La moitié de ces décès concerne des enfants de moins de 5 ans. Oui, des enfants. Et c’est le dérèglement climatique qui en est la cause.

À cause d’incendies

2023 a été une année difficile en Grèce, avec plusieurs incendies importants, ce qui a lancé un vaste débat au parlement sur le manque de préparation et de prévention du pays face aux incendies de plus en plus fréquents. Sur un seul jour d’août, les pompiers ont découvert 27 corps, a priori de migrants sans-papier. Peut-être ces personnes fuyaient-elles la sécheresse somalienne, qui affame et déplace ? Le climat n’a vraiment aucune éthique, punissant les plus faibles tandis que les responsables ferment leurs portes.

Sans parler des ouragans, de certaines maladies dont les vecteurs (moustiques par exemple) se déplacent et atteignent de nouvelles zones, sans parler non plus de l’exacerbation de certains conflits à cause de raisons climatiques, ni du coût pour notre système des soins de santé…⁵

L’ensemble des pays du globe est touché. Personne n’est épargné. Pour certains, ce sera des inondations au menu. Pour d’autres, il sera composé plutôt de vagues de chaleur, de sécheresses ou de cyclones de plus en plus violents et dévastateurs. Pour d’autres encore, un joyeux mélange de tout cela. Est-ce que tous les événements cités sont attribuables uniquement au dérèglement climatique ? Non, des événements extrêmes, il y en a toujours eu. Mais comme dit au début de ce texte, ils sont aujourd’hui déjà plus fréquents et dévastateurs, et le seront encore plus à l’avenir. Il n’y a aucun doute possible à ce sujet. D’autre part, les conséquences de ces événements dépendent grandement du niveau socio-économique et de la stabilité politique des pays touchés. Une grave inondation en Belgique n’aura pas les mêmes conséquences qu’une inondation dans un pays moins riche, instable et dont les infrastructures sont en mauvais état.

Les morts s’enchaînent et s’additionnent à travers le globe. Et pourtant, on parvient à mener une campagne électorale sans parler d’environnement, en Belgique. L’immigration, par contre, a eu “la chance” d’obtenir une large tribune des partis de droite, qui nient que les deux sujets sont souvent étroitement liés. Il serait criminel de la part de nos gouvernements de ne pas mettre en place tout ce qui est possible pour réduire rapidement nos émissions de gaz à effet de serre ? Le dérèglement climatique est un grand assassin impuni. Condamnons par procuration nos gouvernements à mettre en place tout ce qui est possible pour réduire rapidement nos émissions de gaz à effet de serre⁶ !

Crédit image d’illustration : Adobe Stock

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