On ne badine pas avec la réalité climatique

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En 20 ans, la Wallonie est devenue une « économie de consommateur » qui a délocalisé une part importante de la production des biens et matériaux ainsi que les pollutions qui y sont liées. Nous pouvons regarder le cœur léger la courbe des émissions de GES qui en 2022 a chuté de 43% depuis 1990 et prétendre « faire notre part » en matière de climat… 

Graphe officiel de réduction des émissions de GES wallonnes. Qui illustre le lien avec l’histoire de la désindustrialisation (source AWAC)

 Cette vision est en grande partie fausse. En pratique, seul un tiers de la chute des émissions de GES est attribuée à des actions climatiques… Il s’agit principalement des améliorations d’efficacité au niveau de l’appareil industriel, de la croissance du renouvelable et de la rénovation thermique des bâtiments. Mais bon an mal an, ces améliorations indéniables de la manière dont nous produisons et consommons ont été compensées par une augmentation des consommations de biens manufacturés, de nourriture, de transport, ou par la taille des voitures ou des logements.  

Un indicateur permet de regarder non seulement nos productions industrielles mais aussi les importations, c’est l’empreinte carbone. D’après les estimations du shift project, l’empreinte carbone du Belge est restée plus ou moins la même depuis les années 1990… Autour de 14 Tequ CO2 en 1995 contre 13,4 Tequ en 2019…. A la lecture de ce chiffre, on serait tenté de questionner le fait de savoir si nous vivons dans une société plus vertueuse au niveau du climat qu’il y a 30 ans…  

En 2019, d’après les évaluations du shift project, notre empreinte carbone, c’est-à-dire les émissions de GES liées à notre consommation ont augmenté avant de revenir à leur niveau de 1995. 

Devant ce constat amer, il est plusieurs conclusions qui peuvent être tirées  

  • A moins d’un saut technologique majeur et sans commune mesure avec les « révolutions technologiques » dont celle du web et de l’IT que nous avons connu sur les 30 dernières années, il est tout à fait illusoire de compter sur les technologies pour sortir de l’impasse. Nous devons plus que jamais investir dans le développement technologique qui a apporté les principales améliorations constatées… Mais ce ne sera pas suffisant comme l’histoire l’a montré… Et surtout nous devons faire attention à ne pas déplacer le problème… On pense au risque nucléaire, à la consommation de matériaux liée à l’électrification et à l’IT, à la surexploitation agricole à des fins de productions énergétiques. On pense surtout à d’autres variables environnementales comme la biodiversité. (Par exemple en déforestant pour produire des agrocarburants…).   
  • L’évaluation des politiques climatiques est trop déconnectée de la réalité et trop peu lisible.  

Avec des objectifs trop peu ambitieux, des présupposés très optimiste (comme celui que les états vont implémenter totalement leurs plans climat) et des évaluations des effets des politiques trop optimistes (comme l’impact des marchés du carbone…), la Commission européenne mais aussi l’agence européenne de l’environnement envoient régulièrement le signal que « nous y sommes presque ». Cela nous berce dans une illusion trompeuse… D’autant que la nouvelle Commission risque de vouloir encore davantage jouer cette carte du “sur-optimisme” pour se présenter en championne du climat sans implémenter les réformes nécessaires… 

Dernière évaluation des émissions de GES de l’UE hors industrie en avril 24 de l’agence européenne de l’environnement. L’agence admet que nous ne sommes pas sur une trajectoire en ligne avec nos objectifs… Mais nous estimons qu’elle sous-estime la taille de l’effort qu’il reste à faire.
  • Surtout, cela nous ramène à l’urgence d’une politique climatique revisitée. C’est l’ensemble du système qui doit être revu. De la production agricole et industrielle aux habitudes de consommation ou pour le dire autrement, de la fourche et de l’usine à l’assiette… Nous devons produire des biens utiles, solides, réparables et facilement recyclables et ce, de la manière la moins impactante possible pour le climat et la nature. Cela pose la question légitime d’une réindustrialisation… A l’autre bout de la chaine, il est tout à fait illusoire d’imaginer que la course à un avenir durable est compatible avec la course à la surconsommation déraisonnée dans laquelle nous sommes enfermés.  

Ce discours semble inaudible pour le moment, tant au niveau de beaucoup d’électeurs consommateurs que des dirigeants qu’ils viennent de se donner pour 5 ans. Mais que cela leurs plaise ou non, la réalité est là, de plus en plus tangible avec ces inondations (voir les alpes du nord ces derniers jours) et la sècheresse (Afrique de l’ouest, du Sud, Brésil, Inde…) qui se généralisent jusqu’à générer des crises migratoires et géopolitiques… Et on ne badine pas avec la réalité…  

Crédit image d’illustration : Adobe stock

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