1ère commission délibérative wallonne : rétroactes, recommandations et… DPR

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De novembre à mars 2024 a eu lieu au Parlement wallon (PW) la première commission délibérative mixte. Cinq journées intenses durant lesquelles 30 citoyen·nes tiré·es au sort et 10 député·es ont réfléchi ensemble à cette question : “Comment impliquer les Wallonnes et les Wallons dans la prise de décision de manière permanente, en s’inspirant notamment du dialogue citoyen permanent existant en communauté germanophone qui procède par tirage au sort ?”

Contexte

Le collectif CaP Démocratie composé d’une dizaine de bénévoles s’est constitué en 2022 autour de la volonté de construire « un monde où chacun·e peut participer de façon équitable aux réflexions et aux décisions politiques en faveur du bien commun présent et futur en s’appuyant sur la sagesse collective ».

Pour tendre vers cette vision, un des objectifs du collectif est de plaider pour la mise en place d’une assemblée permanente composée de citoyen·nes tiré·es au sort adossée au Parlement Wallon comme il en existe une en communauté germanophone. Pour faire avancer leur idée, le collectif s’est appuyé sur l’article 130 bis du règlement du Parlement wallon qui définit la mise en place de commissions délibératives mixtes en son sein. La composition, le déroulement et le suivi de ces commissions sont régis par ce texte ainsi que par le vade-mecum attaché à l’article 130 bis qui précise les modalités de mise en œuvre de ces commissions. 

Le processus en résumé

  • De juin 2022 à avril 2023 : Le collectif CaP Démocratie collecte les 2000 signatures nécessaires pour l’organisation de la 1ère commission mixte.
  • Avril-juillet 2023 : Le Parlement Wallon valide le 1er sujet de la commission à l’unanimité lors d’une séance plénière le 14 juin. Le greffe organise la sélection du facilitateur des réunions de la commission et constitue le comité d’accompagnement (4 experts de la participation citoyenne).
  • D’aout à octobre 2023 : la sélection des panélistes citoyens parmi 3000 personnes est réalisée par tirage au sort par le politologue Christoph Niessen.  
  • De novembre 2023 au 25 février 2024 : 5 rencontres et 1/2 journée d’information ont été organisées par le facilitateur Dreamocracy et le greffe du Parlement wallon.  Durant ces 5 dimanches, le panel a écouté une quinzaine d’experts, a délibéré pour construire les recommandations, a amendé celles-ci puis a voté recommandations et amendements lors de la dernière séance.
  • Le 8 avril 2024, la commission parlementaire permanente « des affaires générales  et des relations internationales» a examiné les recommandations et a proposé un suivi relativement concret pour chacune des recommandations. 
  • Le rapport a ensuite été examiné au cours de la séance plénière du 24 avril et chacune des familles politiques s’est exprimée. L’enregistrement se trouve ici.    

Pour en savoir plus sur les temps forts du dispositif, les personnes qui ont été impliquées de près dans l’organisation, le nom des experts interviewés etc,  vous pouvez lire le compte-rendu de Dreamocracy qui a accompagné la commission délibérative.

Pour le rapport complet du processus rédigé par le greffe du parlement wallon, voyez ici.

Les recommandations proposées

Cette première Commission délibérative Wallonne a abouti à 30 recommandations qui apportent des solutions fortes et précises pour renforcer l’implication des Wallonnes et des Wallons dans les prises de décisions. Elles sont réparties en 4 axes : 

  1. Instaurer un dialogue citoyen permanent en Wallonie. Le modèle proposé se situe à la croisée d’une part, du modèle existant en Communauté germanophone dont le caractère permanent permet un suivi à long terme et d’autre part, des commissions délibératives mixtes bruxelloises, composées d’élu·es et de citoyen·nes tiré·es au sort.

Concrètement, ce dialogue-permanent sera constitué d’un conseil mixte incluant 30 citoyen·nes tiré·es au sort renouvelés partiellement tous les 6 mois et 10 député·es. Il aura la charge de mettre en place les assemblées citoyennes ou mixtes délibérantes composées de citoyen·nes tiré·es au sort également. Le texte précise plusieurs modalités de mise en œuvre.

Fonctionnement du conseil mixte permanent tel que proposé par la 1ère commission mixte (tiré du site de Deamocracy)
  1. Améliorer les Commissions délibératives telles que régies par l’article 130bis. En s’appuyant sur leur expérience, la commission propose une série de mesures pour encourager une participation continue des mêmes citoyen·es et député·es tout au long du processus. D’autres sont également proposées pour améliorer le débat et équilibrer le temps de paroles entre député·es et citoyen·nes, ces dernier·ères étant en général moins habitué·es à l’exercice oratoire. Pour renforcer l’impact des recommandations auprès de l’ensemble de la population, une page dédiée sur le site web du Parlement est proposée.
  2. Renforcer l’ensemble des processus de participation citoyenne.  Des propositions sont ainsi formulées pour lever les freins à la participation dont une réflexion à la mise en place d’un congé démocratique. Epinglons également le fait de rendre obligatoire la motivation du rejet ou de l’acceptation des recommandations des citoyen·nes par les élu·es, dans tous les processus participatifs en impliquant les participant·es dans le processus de suivi.  
  3. Optimiser les consultations populaires qui sont aujourd’hui peu opérationnelles et non contraignantes. Ainsi par exemple, le panel propose d’abaisser le nombre de signatures requises à leur déclenchement. Il propose un vote gradué de 1 à 6 (ou “préférendum”) qui apporte plus de nuances qu’un simple oui/non. Il recommande d’évaluer la possibilité et la pertinence d’une modification de la Constitution pour un effet contraignant des consultations populaires.

De façon générale, les recommandations formulées par la commission mettent explicitement en avant les constats et difficultés des démarches participatives régulièrement pointées par les citoyen·nes et les acteur·rices de la participation. Les mesures formulées pour y répondre nous semblent globalement bien réfléchies et balancées. Evoquons cependant quelques points d’attention. Le collectif CaP démocratie a émis des réserves sur le caractère mixte du conseil permanent. L’expérience concrète nous permettra de voir si la formule doit évoluer vers un conseil non mixte. Les mesures permettant l’articulation entre les assemblées délibératives et le grand public devront probablement être étoffées pour une meilleure connaissance de ces dispositifs, et le renforcement des liens élu·es-citoyen·nes.

Que dit la DPR  sur ces recommandations ?

J’ai eu l’occasion d’assister aux rencontres autour de cette commission ouvertes au grand public. L’ensemble des député·es issu·es des différentes familles politiques participant à la commission m’ont paru particulièrement enthousiastes sur le processus et ses résultats.  « Sachez que, où que nous soyons après ces élections, nous serons les gardiens des recommandations que nous venons tous ici d’approuver concluait lors de la dernière séance, fin février la députée présidente de la Commission délibérative, Marie-Martine Schyns.

Quelques mois plus tard, la nouvelle majorité « Engagés- MR » sort la Déclaration politique régionale. Rationalisation, optimisation, simplification… sont les leviers principaux d’une meilleure gouvernance pour le nouveau Gouvernement wallon. Pour améliorer la démocratie participative, le Gouvernement wallon fait certes référence aux travaux de la commission délibérative mais ne mentionne que les consultations populaires à “opérationnaliser”. Aucune mention n’est faite des 3 autres blocs de recommandations incluant la mise en place d’un conseil citoyen permanent et les mesures pour améliorer les commissions délibératives et les autres processus participatifs…

A l’heure où la défiance des citoyens vis-à-vis des politiques ne fait qu’augmenter, cet « oubli » nous interpelle à plusieurs titres. Malgré un enthousiasme général des différents partis pour le processus, les recommandations de la commission ont peu percolé dans les cercles « décideurs » de la DPR.  Ce qui nous interroge sur la manière dont se construit celle-ci : qui la rédige ? comment ? Davantage de transparence sur le processus de rédaction de ce document, boussole de la nouvelle législature, serait particulièrement nécessaire. 

Quoi qu’il en soit, avec le collectif CaP démocratie, nous allons poursuivre le travail pour que la Wallonie mette en place l’ensemble de ces recommandations. En attendant, nous encourageons les citoyens et collectifs à utiliser l’article 130 bis du règlement du Parlement wallon pour démultiplier les expériences de commission mixte en Wallonie.

Crédit image d’illustration : Adobe Stock

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