Les « 12 salopards », ce sont les 12 polluants organiques persistants (POPs) de la liste de la Convention de Stockholm, adoptée en 2001 et en vigueur depuis 2004. Cet accord international vise l’élimination pure et simple des POPs. De 12, on passe aujourd’hui à 21, 9 nouveaux POPs complétant la liste initiale, 21 substances donc sur une liste qui entrera en vigueur le 26 août 2010.
Ce sont des pesticides et des produits chimiques industriels. Salopards, ils le sont assurément. Ils sont d’une toxicité et d’une persistance affolantes; leur diffusion est planétaire.
En ce moment se tient à New-York la 18ème Session de la Commission du Développement Durable (CSD-18) des Nations Unies. Le secrétariat de la Convention de Stockholm y propose un atelier sur les POPs, occasion de poursuivre la mission d’information indispensable à l’application du texte fondateur.
La lecture du texte de la convention est éclairante pour qui veut toucher à l’art de la circonlocution, ou celui, fort prisé en droit environnemental, de l’insertion de clauses dérogatoires.
Une des sessions qui se tient en ce moment à New-York titre « Débarrasser le monde des POPs ». Derrière ce titre sans équivoque, se dissimulent des négociations très dures, conduisant à un effet attendu sur l’environnement plus que réduit, sans parler de l’injustice flagrante que représente l’interdiction d’utilisation en Europe de certains POPs sciemment autorisés dans les pays du sud.
Le cas du DDT illustre à merveille les errements que ne laisse pas entrevoir le titre annoncé. Banni dès les années ’70 face au constat de ses conséquences dramatiques sur la vie, il fut réintroduit par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en 2006, qui en préconise la pulvérisation à l’intérieur des habitations. Le communiqué de l’époque (pas très lointaine !) titrait « Lutte antipaludique: l’OMS estime que l’utilisation de DDT à l’intérieur des habitations est sans danger pour la santé[A propos des conséquences avérées pour la santé humaine, lire, parmi d’autres, [la synthèse des travaux du Pr. Bourguignon.]] ». Les défenseurs de l’environnement et de la santé se sont étranglés en découvrant l’argumentaire. Parfaitement conscients du gigantesque problème du paludisme, les mouvements d’ONGs n’ont cependant eu de cesse de pousser les alternatives à l’usage du DDT. Victoire en 2009, enfin… une victoire partielle puisqu’elle s’exprime avec autant de précautions oratoires que le texte de Stockholm, parlant d’« une réduction progressive de la dépendance aux pesticides synthétiques DDT ». Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) et l’OMS ont communiqué ensemble cette nouvelle volonté, et informent au passage que 136 tonnes de DDT ont été localisées et seront détruites. Les deux organismes visent une disparition complète du pesticide d’ici… 2020.
Victoire tout de même. Là où, en 2006, on lisait « de nombreux tests et travaux de recherche ont montré que la pulvérisation de DDT à l’intérieur des habitations dans le cadre de programmes bien gérés n’est dangereuse ni pour l’homme ni pour la faune et la flore. », on trouve aujourd’hui : « Ces initiatives (alternatives, NDLR) interviennent alors que les inquiétudes vis-à-vis de l’utilisation des DDT ne cessent de croître. De plus, dans plusieurs pays, il est prouvé que les moustiques développent des moyens de résistance face au pesticide. »
En 2006, l’argument de base était de rapport coût/efficacité du DDT. En 2009 : « Le succès des projets pilotes sur cinq ans démontre que les substituts durables au DDT ne sont pas onéreux et sont réalisables régionalement et mondialement. »
2009, grande année donc pour le Secrétariat de la Convention, qui voit la liste s’allonger et le DDT rejoindre la place qu’il n’aurait jamais du quitter.
Précision importante : la réglementation européenne qui transpose la Convention est plus stricte que ne le sont les dispositions internationales : elle prévoit la suppression pure et simple de ces substances toxiques.
Revenons à la terminologie très choisie de la Convention de Stockholm. Saviez-vous qu’il existe une « production non intentionnelle » de POPs ? « Oups, pardon, je savais pas, j’ai fabriqué sans le faire exprès une molécule persistante« .
Oui ça existe, et vous l’avez probablement déjà fait vous-même. Peut-être même le faites-vous tous les jours ! Non, il n’y a pas que les incinérateurs de déchets des intercommunales qui produisent sans le vouloir des POPs ; sachez que les feux des particuliers qui brûlent leurs déchets au fond de leur jardin sont des sources de production non intentionnelle de POPs, tout comme toute installation de combustion. Autrement dit votre poêle à bois ! Il est possible de réduire considérablement les émissions par la conception même. De nombreux progrès ont été réalisés, les émissions sont réduites de plus de 90 % dans un poêle avec combustion des gaz et vitesse de combustion optimisée.
Pour apporter votre contribution personnelle à la cause, utilisez votre pouvoir de consommateur. Refusez d’utiliser des pesticides, refusez d’en faire utiliser (favorisez l’agriculture bio), utilisez votre droit de savoir ce que contiennent les produits que vous achetez. Le règlement REACH donne en effet aux consommateurs européens le “droit de savoir” quelles sont les substances chimiques les plus nocives présentes dans les produits (voir également la niews de ce même numéro).
Parce que bien-sûr, ce ne sont pas 21 salopards mais plus de 1000 salopards qui se baladent dans la nature.
Crédit photographique : ManicBlu – Fotolia.com
Extrait de nIEWs (n°75, du 29 avril au 13 mai 2010),
la Lettre d’information de la Fédération.
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