En décembre dernier un groupe de citoyens plantait des arbres à Namur, sans autorisation. En février, ils remettaient le couvert… végétal.
Le point de départ remonte à plus de 10 ans. Un projet de centre commercial en lieu et place d’un parc est annoncé à Namur. Les associations de défense de l’environnement et des collectifs de riverains se mobilisent au sein du « Collectif pour le Parc Léopold » avec comme intérêt premier la protection d’arbres centenaires.
De mobilisations citoyennes en consultations populaires, d’actions de sensibilisation dans le parc en ateliers de concertation, de campagnes facebook en campagne électorale, le projet change … si peu – d’un centre commercial on arrive à un bâtiment multi-fonctionnel (commerces, logements, bureaux pour 40 000 m²) – mais sans que ce projet ne préserve la majorité des arbres du parc actuel.
L’intérêt du collectif pour l’ensemble des arbres de la commune s’amplifie lorsqu’ils observent la façon dont les arbres sont ou ne sont pas préservés dans le cadre d’autres projets.
De guerre lasse avec les élus, le Collectif, accompagné de Student for Climate, de citoyens, d’Action Rebellion, de Gilets Jaunes et des Amis de la Terre se lancent dans une opération de plantation « sauvage » d’arbres en Ville.
Rencontre avec Marcel Guillaume, fer de lance de l’action.
« Depuis très longtemps, les citoyens demandent à ce que la biodiversité et les arbres soient pris en compte à Namur. Ce n’est manifestement pas le cas, puisque les gros projets immobiliers s’enchaînent et les arbres disparaissent en même temps. Ce sont plusieurs centaines d’arbres, dont des arbres très grands qui ont un rôle écologique et social très important, qui disparaissent et c’est surtout ça qui est traumatisant.
Il y a plusieurs motivations à ces plantations. La première est de se dire, qu’on ne va pas continuer à critiquer et supporter l’abattage de ces arbres mais qu’on on va entrer dans des actions concrètes et constructives. On agit sur des terrains qui peuvent recevoir des arbres et qui offrent tous les intérêts pour la biodiversité : l’ombrage, les supports pour la nidification, le buttinage pour les arbres à fleurs, etc.
La deuxième motivation est qu’on donne une image de notre mouvement contestataire qui est nettement plus positive parce qu’on peut difficilement ne pas adhérer à des gens qui plantent des arbres dans le contexte climatique dans lequel nous sommes.
La troisième motivation, c’est la communication, en disant que nous sommes toujours là, dans des actions constructives. Cette image est positive. Et c’est dire aussi que non seulement on se bat pour défendre ce qui est possible dans l’existant mais qu’aussi on essaie de remettre de la biodiversité là où il n’y en a pas.
On retrouve chez les gens qui plantent, le plaisir de replanter. On sait qu’on ne le fait pas pour nous, que ce sera pour la génération suivante. »
Comment financez-vous les plants ?
« Tous les arbres nous ont été offerts. Des propriétaires de massifs forestiers nous donnent des rejets naturels, d’autres nous ont donné de l’argent. Et la main d’œuvre, c’est du bénévolat. On a planté des arbres de petite taille parce qu’on a peu de moyens financiers pour acheter de grands arbres. »
Comment choisissez-vous les parcelles sur lesquelles effectuer les plantations ? Quelle attention aux impétrants ?
« C’est difficile, même s’il existe une cartographie du sol. Jusqu’à présent, nous n’avons pas travaillé sur des endroits où il y a des impétrants. Nous n’avons pas planté sur des bords de voiries ou sur des trottoirs. Par contre la dernière fois il y avait une conduite de gaz à 20-30 mètres donc a pris les distances qu’il fallait. On a aussi planté des arbustes. Maintenant si le choix avait été mal fait, s’il y avait une contre-indication qui nous était signalé, les arbres sont facilement déplaçables parce qu’ils sont jeunes. Ce serait de la perte, mais on peut très bien les déplacer ou les enlever. »
Quelles sont vos compétences pour choisir les essences à planter ?
« Il y a des passionnés d’arbres, des ingénieurs diplômés, des guides nature, des agronomes et des forestiers. Les personnes qui nous fournissent les arbres et dont c’est le métier, nous conseillent. »
Etes-vous prêt à une collaboration avec les élus ?
« Oui, évidemment. L’échevine de la Transition trouve dommage que nous ne collaborions pas, elle regrette que les messages passent par les médias. Mais c’est la résultante assez normale de 8 années d’incompréhensions et d’affrontements. Pour le moment il n’y a pas de proposition de la Ville de Namur pour collaborer avec nous. Le SPW (Service Public de Wallonie), à qui appartient un des sites de plantation, a très bien réagi, nous devons les rencontrer. Nous sommes preneurs d’une convention d’entretien, d’amélioration et aussi de fleurissement des endroits qui ont été plantés, puisqu’on a les gens pour le faire. Ce qui nous intéresse c’est de travailler en centre-ville, parce que c’est là qu’on manque de couverture végétale. Mais les inventaires que nous avons fait en Ville, montrent qu’il n’y a pas d’endroits où il y a encore, actuellement, des possibilités de planter. Parce que c’est trop minéralisé ou que les endroits libres font l’objet de projets immobiliers. Donc c’est inutile d’aller y planter quelque chose. »
Quelle est votre message aux élus ?
« Tous les projets immobiliers quels qu’ils soient, doivent absolument prendre en compte, dans un premier temps, la végétation existante. Par exemple ça coûtera 174 000 euros pour replanter les 8 marronniers du Grognon, alors qu’il aurait suffi de les protéger pour pouvoir les maintenir. Pour retrouver le même rôle fonctionnel avec la replantation il faudra 22 ans. Par négligence on a perdu 22 ans et beaucoup d’argent.
Après avoir préservé l’existant il faut favoriser une vraie biodiversité en centre-ville. Parce que notre combat, pour nous, ce n’est pas uniquement le plaisir de l’arbre, mais c’est son intérêt en terme de biodiversité. »
Bien que la déclaration de politique générale de la Wallonie affiche une volonté de renaturer le territoire (4000 kilomètres de haies, un million d’arbres), les projets d’aménagements se multiplient dans certaines villes comme ici à Namur mais également à Arlon. La logique de construction et de bétonisation est toujours à l’œuvre alors même que la préservation du vivant devrait être au cœur de chaque projet communal.
La Wallonie est en train de préparer une stratégie biodiversité. Il est indispensable que cette stratégie soit transposée dans les communes. Les communes doivent pouvoir se ré-approprier cette stratégie en se référant à un socle d’actions incontournables et ambitieuses à mettre en œuvre, en y adjoignant des actions optionnelles adaptées à leur territoire.