L’annonce faite par Proximus de proposer un réseau 4G+ (rebaptisé 5G pour des raisons commerciales) a soulevé un vent de protestation. Pour ses promoteurs, il permettra une connexion beaucoup plus rapide et surtout une augmentation des possibilités de connexions. Cette question du « toujours plus, toujours plus vite » est au cœur d’un débat sociétal qu’IEW considère comme crucial. Derrière la question de la 5G se cache un débat bien plus profond sur la société durable et résiliente que nous souhaitons construire.
Les promoteurs de la 5G promettent un débit 10 à 100 fois supérieur à l’ancienne génération. Et surtout, elle permettrait de franchir un nouveau palier dans la digitalisation de nos quotidiens. Grâce à elle, il sera théoriquement possible de connecter un nombre quasi illimité d’objets (montres, tables, réfrigérateurs, mais aussi voitures). Les applications commerciales potentielles espérées par ses promoteurs paraissent infinies. Elles seraient une machine à créer de nouveaux désirs de consommation à assouvir dans la foulée, machine au service de l’hyperconsommation donc. Bref, l’ambition de la 5G est bien celle d’initier la « quatrième révolution industrielle » c’est à dire, comme ce fut le cas pour les 3 précédentes, la création de nouveaux marchés.
Petit hic. La société civile européenne (au moins) questionne plus que jamais cette création infinie de nouveaux besoins. A la suite du rapport “les limites de la croissance”, publié il y a bientôt 50 ans, la société de consommation de masse a progressivement pris un coup dans l’aile et apparaît clairement comme un véritable cul de sac d’un point de vue social et environnemental : fléau de l’endettement d’un côté, et de la gabegie de ressources et d’énergie de l’autre, sans parler de la gestion des déchets et des pollutions multiples induites.
A l’instar des précédentes « révolutions » consuméristes, la révolution 5G n’échappera pas à la logique d’augmentation de l’empreinte environnementale. En termes d’énergie, ses promoteurs assurent pouvoir améliorer drastiquement la consommation d’énergie à usage constant. Mais le but même de la 5G est justement de multiplier les usages de services et de produits connectés. Leur objectif est une multiplication par 1000 du trafic de données dans les 10 prochaines années ! Si on ajoute à cela l’énergie nécessaire à la production des hardware (smartphone, réseau, serveurs…), le secteur numérique devrait passer de 3% à 5% de la consommation énergétique mondiale en 2025 et 7,5% des émissions de gaz à effet de serre, soit une augmentation de 9%/an. De plus, ces consommations n’incluent pas celles d’autres secteurs, comme celui de la mobilité, par exemple. La 5G apparaît en effet comme un jalon essentiel de la voiture autonome qui fait rêver les technophiles mais laisse sceptiques nombre de spécialistes en mobilité.
A cette consommation énergétique s’associe la consommation de ressources. Si comme le prévoit le secteur, 22,3 milliards d’objets seront connectés d’ici 2024, dont les trois quarts seront liés au déploiement de la 5G, les impacts en terme de minerais, mais aussi d’eau ou d’autre ressources plus ou moins rares, promettent d’être exponentiels. D’un point de vue environnemental (et sans même aborder les questions sanitaires), il y a largement de quoi appliquer un principe de précaution plutôt que de s’engouffrer dans cette nouvelle technologie tête baissée. Hélas, demander un débat démocratique sur la question semble, comme toujours, difficile sans être traités de khmers verts rétrogrades voulant précipiter l’Europe dans la barbarie face aux lumineux systèmes chinois ou américains qui ne s’embarrassent pas de tant de réflexions. La question de la 5G est donc avant tout un question démocratique. En démocratie, les citoyens devraient avoir leur mot à dire sur des sujets sociétalement aussi impactants . En tout cas, ces choix ne devraient pas être laissés au seules mains d’opérateurs télécom.
Ne serait-il pas opportun d’inverser la logique : en questionnant les besoins qui doivent être remplis avant de développer les outils nécessaires pour les remplir ? De penser ces évolutions en terme d’objectif commun plutôt que d’outil ?
Si la 5G s’avérait inévitable pour des questions géopolitiques ou de santé – nous sommes, vous l’avez compris, très dubitatifs à cet égard -, un débat permettrait en tout cas de fixer un cadre préalable pour limiter les effets les plus néfastes. Ainsi, pour réduire les impacts en terme de ressources, il serait crucial de fixer un cadre plus strict pour améliorer la réparabilité des objets connectés ou leur durée de vie minimum. Il faudrait aussi intégrer ce développement dans une trajectoire en matière de fiscalité, notamment sur le carbone mais aussi sur l’utilisation de ressources rares. Enfin, ce débat devrait aborder la question des usages : la généralisation du HD, notamment pour le porno (22% de la bande passante en 2019), est-elle une avancée sociétale ?