Véhicules autonomes : pourquoi faire simple…

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Ce 06 juin 2024, le Service Public Fédéral Mobilité et Transports organisait, dans le cadre de la Présidence belge du Conseil de l’Union européenne, une conférence intitulée « Transporting the future: how automation is transforming society? » Canopea a eu l’opportunité d’y présenter son point de vue.

L’objectif de cette conférence était de favoriser une compréhension globale des implications sociétales de l’automatisation dans les différents modes de transport. Quatre panels rassemblaient des représentant·e·s des autorités belges et européennes, des acteurs économiques, des universitaires différents stakeholders. Canopea intervenait dans le quatrième panel intitulé « Transition vers l’automatisation : défis et stratégies ». Voici donc, très brièvement (nous aurons l’occasion d’y revenir) les éléments que nous y avons mis en avant, centrés sur les véhicules routiers.

Too much of a good thing

« Trop d’une bonne chose ». Cette expression anglophone résume parfaitement notre système de mobilité. Mais, plus exactement, qu’est-ce qui est trop, quels sont les défis de la mobilité, comment pouvons-nous les relever et les véhicules autonomes peuvent-ils nous y aider ?

D’un point de vue environnemental, les principaux effets négatifs de la mobilité sont : les émissions de gaz à effet de serre, les atteintes à la biodiversité, la pollution des sols, de l’eau et de l’air, le bruit, les victimes de la route, le manque d’activité physique, le manque de convivialité dans l’espace public … Et les principaux moteurs de ces effets négatifs, déjà identifiés par l’OCDE en 1996, sont : la croissance soutenue des flottes de véhicules, la taille, le poids et la puissance des véhicules et le nombre croissant de kilomètres. Tous ces « moteurs » concourent à intensifier l’extraction des matières premières, la consommation d’énergie, la génération de déchets et l’allocation d’un espace démesuré aux voitures et aux camions.

Des évolutions délétères

Entre 2001 et 2020, le parc automobile belge est passé de 4,7 à près de 6 millions d’unités. Dans le même temps, la masse des voitures neuves vendues dans notre pays a augmenté de 11%, leur vitesse de pointe de 9% et leur puissance de 42%.

Aujourd’hui, une voiture peut contenir 150 unités de contrôle électronique (ECU), voire plus. Son logiciel peut contenir 100 millions de lignes de code, voire plus. Une voiture peut également contenir jusqu’à 5 km de fils de cuivre pesant plus de 60 kg. L’Agence internationale de l’Energie (AIE) nous apprend également qu’une voiture électrique contient 25 kg de manganèse, 9 kg de lithium, 40 kg de nickel, 65 kg de graphite, 13 kg de cobalt et 0,5 kg de terres rares. Tous ces chiffres sont destinés à augmenter, notamment en raison de l’automatisation. Cela entraînera inévitablement des effets indésirables tant en termes de consommation d’énergie que de besoins en matières premières. En résulteront donc des dégradations de la biodiversité, des pollutions des sols, de l’eau et de l’air – et des dommages pour les communautés humaines concernées par les activités extractives.

Un bilan énergétique incertain

De nombreuses études soulignent les avantages potentiels que pourraient apporter les voitures autonomes : une conduite plus souple, une meilleure optimisation des itinéraires, le platooning (voitures roulant « en peloton »), un partage de véhicules plus aisé, etc.

Voilà pour le beau côté des choses. Mais il y a également un côté un peu plus sombre … Concentrons-nous sur deux inconvénients potentiels associés à l’automatisation.

Le premier est l’énergie nécessaire au traitement des données – à bord et à distance, dans les plates-formes informatiques périphériques et dans les centres de calcul. Certaines études établissent qu’elle pourrait dépasser les gains énergétiques dus à l’automatisation, à moins que nous n’augmentions de manière significative le taux de réduction de la consommation d’énergie du traitement des données.

Le deuxième inconvénient est l’effet rebond : que se passerait-il si, demain, chaque citoyen – même ceux qui ne sont pas en mesure de conduire une voiture – pouvait utiliser un véhicule autonome capable de l’emmener de chez lui à n’importe quel endroit ? Si l’on observe les tendances passées, il est clair que, sans contraintes publiques très strictes, le nombre de voitures continuera à augmenter, de même que leur taille et le nombre de kilomètres parcourus.

ASI et LISA

Depuis des décennies, les experts répètent que la stratégie à suivre pour limiter les impacts négatifs de la mobilité s’appelle ASI : Avoid, Shift, Improve, (moins, autrement, mieux, par ordre de priorité).

La priorité absolue est donc la réduction de la demande de transport, suivie du transfert modal (vers les modes actifs et les transports en commun). Ces deux priorités nécessitent d’énormes investissements publics.

Il convient donc, surtout dans un contexte budgétaire difficile, de réfléchir à deux fois avant d’allouer d’importants budgets au développement de la mobilité dite autonome, qui relève de la troisième priorité.

D’autant que, au sein de cette troisième priorité, il serait plus bénéfique à tout point de vue (sauf au point de vue des constructeurs d’automobiles) de consacrer nos efforts à sortir de la surenchère décrite ci-dessus et de s’engager dans la voie de la sobriété. Ceci en suivant les recommandations du concept de LISA Car (ligh and safe car).

Le lave-vaisselle

Il était une fois, dans une entreprise, une cuisine dont l’évier était toujours encombré de vaisselle sale.

On avait tout essayé, mais rien n’y faisait : les employé·e·s laissaient toujours leurs tasses, leurs verres, leurs assiettes, leurs couverts dans l’évier sans les laver, sans les ranger.

C’est alors qu’un génie apparut et dit : « J’ai trouvé la solution. Nous allons installer un lave-vaisselle. » Ce qui fut fait. Mais au bout d’une semaine… le lave-vaisselle était plein de vaisselle (parfois propre, parfois sale …) et l’évier commençait à se remplir dangereusement …

La leçon à tirer de cette histoire est la suivante : il ne sert à rien d’essayer de résoudre un problème comportemental par une solution technologique.

Bien sûr, le lave-vaisselle peut aider, mais il ne changera pas l’empathie, le respect et la solidarité des utilisateurs de la cuisine.

Pour limiter les effets négatifs des transports sur l’environnement, nous n’avons pas besoin de véhicules autonomes. Nous avons besoin de moins nous déplacer, de nous déplacer autrement, avec moins de voitures sur les routes et des voitures plus petites.

Les solutions techniques nous empêchent souvent de voir et de mettre en œuvre des solutions plus structurelles et comportementales.

Il est donc à craindre qu’en l’absence de restrictions publiques très strictes, l’automatisation n’accroisse les incidences négatives des transports sur l’environnement.

Crédit image d’illustration : Adobe Stock

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