L’absence de prise en compte des questions liées aux dérèglements climatiques et à la perte générale de la biodiversité lors des élections en Belgique et en Europe nous amène à la question du déni quasi généralisé de l’urgence qu’il y a à agir si l’on veut éviter le pire. Le déni serait-il le symbole d’une évolution mortifère de notre société et le socle sur lequel se sont construites les dérives vers les politiques d’extrême droite ? Et si c’est le cas, comment en sortir ? Pistes de réflexion1.
En guise d’introduction
« Blendecques (Pas-de-Calais) a été l’épicentre des inondations qui ont frappé le nord de la France tout au long de l’automne et de l’hiver 2023-2024. La petite ville a aussi été l’épicentre d’un paradoxe. Alors que ses habitants ont fait de première main l’expérience éprouvante des effets conjugués du réchauffement et d’un aménagement du territoire désastreux, ils ont massivement voté pour le Rassemblement national (RN) – le parti le plus « écolosceptique » de l’échiquier politique – aux élections européennes »2.
C’est le constat de Stéphane Foucart, dans sa chronique « Planète » du Monde du 24 juin 2024 intitulée « Voter contre soi-même ». Il y indique aussi que des travaux d’épidémiologie conduits en France et aux Etats-Unis suggèrent que les épreuves de la vie, et en particulier les maladies chroniques, alimentent un ressentiment qui nourrit les populismes d’extrême droite. Il est plausible dit-il que la détresse provoquée par les calamités environnementales à répétition produise le même genre d’effet. Et l’ultradroite n’a d’autre intérêt que de laisser s’enkyster les maux sur lesquels elle prospère. En mentant. En faisant croire que c’est la faute aux Ecolos quand c’est la faute aux politiques traditionnelles réformistes mises en places depuis des décennies. Il est impératif d’endiguer le mensonge qui colonise l’espace public. Comme il est impératif de « démonter » le déni qui gangrène nos démocraties.
Pour mieux comprendre le déni qui sévit sur toute une série d’enjeux, dont les enjeux environnementaux, il est intéressant de faire appel aux acquis des psychothérapeutes et, parmi eux, plus particulièrement de celles et ceux qui se sont mis à l’écoute des formes diverses de résistances auxquelles l’Humain était capable de recourir pour échapper à la réalité. Et, en étant confronté·es aux formes exacerbées (pathologiques) de ces résistances, ces thérapeutes nous fournissent, une explication assez originale de cet évitement via le concept de désaveu, soit le déni propre à la structure perverse de la personnalité. Par structure perverse, on entend un positionnement particuliers par rapport à la loi et au réel que nous pouvons toutes et tous adopter à certains moments mais qui devient problématique quand il est figé, « chronifié » ou quand il devient tellement répandu qu’il en vient à être ce qui détermine le lien social dans une société.
Je sais bien, … mais quand même !
La particularité de ce désaveu/déni est de maintenir sciemment deux pensées ou croyances contradictoires qui se juxtaposent comme s’il n’y avait entre elles aucune contradiction. Ce qui se condense dans l’affirmation Je sais bien, mais quand même… Face à la réalité qui dit « C’est ainsi », certain·es disent : « oui, mais non », « je sais bien, mais quand même…. ».
Le désaveu met radicalement en cause la réalité et les lois, donc les limites. L’objectif final étant, en interrogeant le caractère arbitraire de toute loi, d’imposer la sienne propre, donc, de faire de son désir la Loi.
Souvent, pour ce type de personnalité, la distinction entre le vrai et le faux n’a plus vraiment d’importance, et la multiplication de ce type d’attitudes en arrive à une configuration de la réalité dans laquelle les faits objectifs influencent moins l’opinion publique que les appels à l’émotion et les croyances personnelles.
Il existe, depuis le début du XXIè siècle, une nette augmentation des déclinaisons de cette forme particulière de déni. On la retrouve par exemple dans les affirmations de personnalités en vue, d’horizons variés, qui, alors qu’il existe un nombre incalculable de preuves relatives à des phénomènes (changements climatiques, pertes de biodiversité, inefficacité des politiques d’austérité, accroissement des inégalités, atteintes à la santé dues aux substances chimiques, dégradation des conditions de travail, etc.) continuent de manière décomplexée à affirmer des erreurs avérées.
Ainsi, savoir que les défis du climat et de la biodiversité sont cruciaux à moyen et long termes (je sais bien) mais (quand même) réclamer une pause environnementale relève de cette attitude.
Savoir que 400 000 Européen·nes meurent de manière prématurée chaque année à cause de la mauvaise qualité de l’air mais quand même refuser d’agir à la source, relève aussi de cette attitude.
Savoir qu’il y a quantité de morts prématurées dues à l’omniprésence de substances chimiques dans notre environnement et dans nos corps, mais, ici également, refuser d’agir à la source, aussi.
Savoir que le permis à point, adopté dans 23 États membres permettrait de diminuer le nombre de morts sur nos routes mais refuser de l’adopter en Wallonie, aussi3.
Savoir qu’un milliard de personnes devront se déplacer en raison du dérèglement climatique d’ici 2050 et quand même adopter un pacte sur la migration et l’asile qui est plus restrictif et qui aggrave les violations aux droits fondamentaux, aussi !4
La liste pourrait être longue.
Le lien social structuré par le déni ?
Mais le tableau ou le raisonnement serait trop simpliste si nous nous contentions de cette facette, la plus visible, de la structure perverse. Il y a d’autres parallèles ou analogies entre celle-ci et des modes de fonctionnement propres à notre société. Passons en revue quelque-uns d’entre eux, en forçant le trait pour bien faire comprendre l’analogie entre le niveau individuel et le niveau social. Ils permettront d’appuyer une hypothèse selon laquelle la structure perverse déterminerait désormais de manière importante le lien social dans notre société capitaliste occidentale avancée et hégémonique. Et cela expliquerait en partie le succès des partis les plus à droite de l’échiquier politique. Précaution : il ne s’agit pas de diagnostiquer comme pervers toute personne ayant recours au mécanisme de désaveu, mais bien d’attirer l’attention sur une augmentation de l’occurrence de ce type d’attitude notamment dans les sphères du pouvoir ainsi qu’une forme de banalisation dans la société qui se laisserait happer/duper par le jeu relationnel mis en place.
L’objet-fétiche
L’objet fétiche occupe une place centrale dans la structure perverse. En tant qu’il est l’objet qui seul permet l’accès à la jouissance, il prend une importance que l’on peut aisément imaginer. La place prise par le concept de croissance (et son pendant, la consommation), son caractère incontournable dans toutes les politiques économiques qui ont aujourd’hui cours dans la majorité des États du monde, le rendent aisément éligible à ce statut d’objet fétiche. La perte de ce fétiche est proprement inconcevable, comme l’est tout scénario « sans croissance » pour les acteurs économiques et politiques du système capitaliste tel que décliné aujourd’hui. Pour l’un comme pour l’autre, cette perte est synonyme de chaos5. La hargne déployée notamment sur les réseaux sociaux contre les décroissants ou les tenants de la sobriété par certains membres de partis traditionnels (et celles et ceux qui les suivent), plus spécifiquement, mais pas exclusivement de droite, témoigne de cet attachement pathologique. Des objets fétiches potentiels ont émergé durant les élections : « pouvoir d’achat », « sécurité », « immigration »…
La « désubjectivation/subjectivation » perverse
La désubjectivation perverse renvoie à une exacerbation de l’individualisme, au repli solipsiste, à une normalisation systématique, à un estompement de toute différence (monoculture), à la réduction d’un individu au statut de « consommateur lambda » soit à toutes des tendances lourdes largement constitutives de notre société. Elle est par exemple à l’origine du concept, cher à Cynthia Fleury, de remplaçabilité des individus dans les entreprises et le système économique en général. Elle explique : « L’individuation et la démocratie fonctionnent à mes yeux comme un ruban de Möbius, comme les deux faces d’une même réalité. Bien sûr, l’État de droit produit les conditions d’émergence d’un individu, mais il ne perdure qu’à la condition d’être revitalisé, réinventé, réformé par les sujets libres. Si l’État de droit ne demeure qu’une réalité formelle, il entraîne une déception considérable qui le met en danger. Il doit donc s’incarner, et ce corps de l’Etat de droit, c’est celui des différents individus qui le composent. Mais, ces dernières années, le néolibéralisme a défiguré l’État de droit et désingularisé les sujets. L’État de droit signe là son arrêt de mort : car seul un sujet bien individué se soucie de le protéger, et non pas le sujet aliéné que l’on côtoie actuellement. » (souligné par nous) Elle poursuit : « depuis une trentaine d’années, les démocraties occidentales sont traversées par une dynamique de travestissement, de marchandisation délirante et sans précédent, qui fait de nous des entités interchangeables, remplaçables, mises au service de l’idole croissance. (…) Les principes démocratiques se changent en passions ; ainsi, la passion du principe d’individuation, c’est l’individualisme. Le sujet individualiste est passionné par lui-même, autocentré, replié, grisé par l’ivresse de soi, alors que le sujet individué met en place un regard sur le monde extérieur, déploie et assure un socle, une assise, qui lui permet d’entrer en relation avec ce qui l’entoure. L’aventure de l’irremplaçabilité, la voie de l’individuation, ressemble ainsi sous maints aspects à celle de la dépersonnalisation. Il ne s’agit pas de devenir une personnalité, d’être dans la mise en scène de l’ego. L’enjeu est au contraire relationnel : il s’agit de se décentrer pour se lier aux autres, au monde, au sens ».
La publicité commerciale, machine manipulatrice par excellence, fait entièrement partie du système pervers et de cette désubjectivation et sert d’outil de propagande du système dominant. C’est également le cas des réseaux sociaux.
La subjectivation renvoie quant à elle à l’identification nécessaire pour une personne fonctionnant selon la structure perverse, d’un spectateur qui devient de facto l’allié du fonctionnement pervers. Les personnalités relevant de cette structure s’exhibent et ont un absolu besoin d’être vues, et donc d’avoir un·e spectateur·trice qui, même si c’est à son corps défendant, est partie prenante de la structure. C’est là la grande force des partis politiques qui s’inscrivent dans la démagogie et le populisme : ils réduisent les citoyen·nes à ce rôle de spectateur en leur faisant croire que, eux, ils vont changer les choses. Et tout vote en leur faveur constitue, une acceptation de cet état de spectateur impuissant et passif qui délègue son destin à ceux qui vont in fine les maltraiter.
Trop souvent, le désir légitime d’être reconnu (affirmation d’une dignité humaine universelle) se heurte à des promesses généralement non tenues, ce qui fait dire à Cynthia Fleury que « nos sociétés sont devenues des fabriques systémiques de situations indignes ». Cette situation est le levain du ressentiment qui amène tant de citoyen·nes désemparé·es à déléguer l’orientation de leur vie à des personnages au narcissisme hypertrophié animés du désir exclusif d’avoir le pouvoir (tel par exemple Trump, Milei, Le Pen, Wilders, Van Grieken… pour les plus représentatifs).
Autre caractéristique du désaveu : la résistance aux changements (psychorigidité/sociorigidité)
Pour illustrer cette résistance cynique aux changements de notre système sociétal on évoquera simplement les nombreux reculs en matière d’écologie et de santé environnementale depuis un an. Le report sans date de la révision du règlement sur les produits chimiques dangereux (REACH) est emblématique de cette attitude. Le monde industriel renâcle, fait de la résistance et de l’obstruction et une partie du monde politique, en recherche de visibilité et avide d’accéder au pouvoir ou de le conserver, lui emboite le pas.
Un autre destin est-il possible ? Éloge du furtif !
La structure perverse se caractérise donc par le désir de dénier les limites que le réel impose.
La particularité de structure perverse est qu’elle possède une autre face qui, tout en lui étant intimement liée est son exact contraire : la sublimation.
La sublimation, s’inscrit dans un profond désir de changement :
- elle réintroduit la possibilité de l’individuation qui recrée le lien social (c’est l’exact contraire de la désubjectivation décrite plus haut) et interroge les modes de gestion des relations humaines;
- elle réinjecte une éthique et donc de nouvelles limites, inédites, adaptées aux défis, et respectant les limites de la planète ainsi que toutes les formes de vie;
- elle est intimement liée à l’art, donc à l’imagination, la créativité, les histoires ;
- elle ne se satisfait pas d’améliorations cosmétiques, exige du neuf…
Mais, dans notre société en dérive, y avoir recours n’est pas sans risque. Cynthia Fleury explique : « A chaque fois que quelqu’un tente d’habiter le monde un peu différemment, il est mis en danger, soit dans sa vie ou dans son métier. Il faudrait donc le faire de façon furtive. Le furtif devient une technique d’habitation du monde qui essaye de sortir du panoptique, ces systèmes de surveillance généralisée que nous avons mis en place, soit par les outils techniques, soit par nos normes sociales. »6
Aussi, la philosophe nous propose-t-elle 10 éléments susceptibles de réarmer le désir d’agir et d’arpenter les chemins d’une « vie bonne »7. Nous allons les reprendre ici, considérant qu’ils constituent un cadre général de réflexion pour toute action concrète visant cette « vie bonne ». Nous vous renvoyons au texte de la Charte, relativement court (37 pages, police de caractère grande) et très accessible financièrement (4,9 euros) pour approfondir chacun d’entre eux.
La perspective. Accéder à une vue (réflexions intéressantes sur l’urbanisme, notamment).
Extrait : « Les mondes urbains et ruraux ne peuvent se transformer en prison où tout édifice arrête le regard : murs et bêtise ont ceci de commun qu’ils tuent les perspectives ».
Le silence et ses quatre fonctions (spirituelle, cognitive, thérapeutique, citoyenne).
Extrait : « A l’inverse (de ses 4 fonctions essentielles), le silence est capté par les milieux socio-économiques et culturels les plus privilégiés en demeurant une arme au seul service du maintien du pouvoir en place. Il n’est dès lors plus partagé comme espace commun et s’assimile à une mise sous silence des plus démunis ».
La générativité du vulnérable.
Extrait : « Nos vulnérabilités ne sont ni des hontes ni des fatalités. »
Le climat de soin ou le passage à l’échelle.
Extrait : « Pas de soin du climat sans climat de soin. (…) Confier l’art des règles à ceux qui les vivent est également un point important. (…) Là il y a une forme d’alliance thérapeutique entre le bâtisseur, l’usager, celui qui prend soin. »
Le soin aux morts
Extrait : « Nous avons désacralisé la reconnaissance due au non-humain, en croyant sans doute, à tort, que cette ingratitude serait la marque de notre supériorité alors même qu’elle signe notre indignité. »
La vita furtivae.
Extrait : « Cultiver l’art de produire des issues relève de cette appétence à la vita furtivae, qualité anti-ressentimiste majeure lorsqu’on sait que le ressentiment est précisément une puissance d’empêchement, une dynamique de rumination toute tournée vers la production de non-solutions ».
L’homéostasie.
Extrait : « La furtivité, oui, mais avec toujours cet objectif de force vitale ancrée, autrement dit, de stabilité dans le monde actuel parcouru par de multiples failles systémiques ».
Enquêter. Les humanités démocratiques.
Extrait : « Nos enquêtes sont donc davantage qu’à l’accoutumée tournées vers la vulnérabilité, vers ce qui s’est effondré, ce qui s’effondre, le traumatique, le stigmatisé, alors même qu’il est souvent un « avant-poste » des modes dégradés futurs, ou simplement le symptôme de dysfonctionnements plus collectifs qu’il serait bon de cesser de nier ».
Le compagnonnage. Faire institution.
Extrait : « En évoquant les poètes pour dessiner les contours de la communauté des compagnons, on laisse entrevoir les formes secrètes et silencieuses qui les unissent, les formes créatrices, les formes libres surtout, car tel est peut-être l’enjeu plus spécifique des compagnonnages futurs à élaborer, précisément qu’ils soient plus cléments avec la séparation, l’émancipation individuelle, qu’ils n’assimilent pas celles-ci à la désaffilitation, ce qu’elles ne sont nullement. (…) Le compagnonnage définit tout autant un bâtisseur qu’un voyageur, qu’un enquêteur, qu’un représentant des humanités médicales, qu’un être qui tente de développer son ethos soignant, qui cherche à penser le soin comme une fonction, politique et symbolique, en partage ».
La fresque. Demeurer et devenir (cartographier et inscrire dans le temps).
Extrait : « Les hotspots de la vulnérabilité ne sont pas des lieux ou des milieux « déficitaires » mais proprement des points pionniers qui sont aux avant-postes du réel et des conséquences liées à nos choix collectifs mondiaux. Ils font l’épreuve, irréductible, de nos dénis, de nos cécités, de notre refus de refonder une philosophie de la croissance plus humaniste ».
L’enquête est donc un des outils essentiels dans la démarche. Et cette enquête porte plus précisément sur les vulnérabilités et consiste à cesser de nier ces vulnérabilités pour s’en servir comme des leviers au service d’une clinique du politique : « Au lieu de considérer que les dysfonctionnements sont des fatalités, on utilise ces points de vulnérabilité comme des lieux d’innovation sociale, thérapeutique, politique, etc. La générativité du vulnérable, c’est comment produire une théorie de la conception à partir de la situation la plus vulnérable. C’est ça, notre proposition pour habiter le monde aujourd’hui.»
Ces propositions s’inscrivent dans la philosophie du soin qui peut se définir comme une phénoménologie du politique au sens où elle donne à voir ce que la société tend à cacher, elle rend visibles les invisibilités politiques, autrement dit tous ceux que les systèmes socio-économiques, politiques et culturels ont rendu « invisibles », plus vulnérables qu’ils ne le sont inauguralement, précisément par désaveu de leur singularité, dévalorisation et stigmatisation de leur dépendance.
Crédit image d’illustration : Adobe Stock
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- Cet article est une mise à jour adaptée aux circonstances actuelles (résultats des élections en Belgique et en Europe) de deux articles : un sur le désaveu pervers paru en 2017 et l’autre sur le furtif paru en 2023.
- Stéphane Foucart, Voter contre soi-même, Le Monde, Planète, 24/10/2024, p.30.
- Pierre Courbe, La décence et le courage, oubliés de la sécurité routière
- Plusieurs exemples sont repris de l’excellent édito de notre infolettre spéciale élection commis par Agathe Defourny : https://www.canopea.be/edito-elections-2024/. Voir aussi le billet d’Eva Joskin : Le climat tue et les Belges regardent leur portefeuille.
- Voir par exemple les courtes vidéos de Denis Meadows, Jean Gadret et Dominique Méda dans la série « Sacrée croissance » sur Arte
- Interview dans France Culture, Tracts, le podcast, Cynthia Fleury, habiter furtivement le monde
- Cynthia Fleury et Antoine Fenoglio, Ce qui ne peut être volé, Charte du verstohlen, Tracts Gallimard, 2022