L’avenir nous rendra justice : nous avons joué à plein notre rôle. Nous avons tiré la sonnette d’alarme, crié sur la place publique, lobbyé en coulisses, promis, tempêté, pleuré, imploré, menacé, … Hélas, ces piètres politiciens européens bornés (pléonasme !) ont tout de même adopté le règlement 2023/851. Même s’il a été savamment affaibli par nos soins, ce règlement reste imbuvable. Il nous impose de ne plus vendre, en Europe, que des voitures « zéro émissions de CO2 » à partir de 2035. Mais l’heure de la revanche a sonné …
Une Racine « billet d’humeur » à prendre au 2d degré !
Clarifions d’abord un point essentiel : les objectifs de décarbonation qu’on nous impose sont irréalistes et leur atteinte demanderait des investissements colossaux. Co-los-saux ! Notamment les fameux moins 15% d’émissions de CO2 entre 2021 et 2025. Oui, bon, d’accord, on pourrait les atteindre sans investissements en vendant des petites voitures peu polluantes, des LISA cars (light and safe cars) comme ils disent les bobos-bisounours. Mais faut garder les pieds sur terre ; ce n’est pas comme ça qu’on fait son beurre, toute personne sérieuse vous le dira. Nous, on veut vendre des BIDA cars (big and dangerous). Des SUV lourds, puissants, suréquipés. Des machines à cash !
Autre point essentiel : les outils choisis par le politique sont les pires qu’on puisse imaginer. La contrainte et le contrôle/sanction. Non mais, pour qui se prennent-ils ? Nous réclamer des amendes parce que nous ne parvenons pas à atteindre des objectifs 2025 qui ne sont connus que depuis 2018 ? Faudrait se calmer, quand même ! Et sortir de ce dogmatisme anti-marché nuisible tant à la croissance, à l’économie qu’à l’écologie.
Heureusement, l’heure de la revanche a sonné … La saine évolution du contexte politique européen a permis la mise en place d’une Commission plus réceptive encore à notre message que par le passé (ce qui n’est pas peu dire). Et on ne s’est pas privé d’en profiter ! En novembre 2024, nous avons claironné haut et fort que les Etats devaient agir pour nous aider à atteindre les objectifs 2025. Nous avons aussi, bien sûr, lobbyé de manière plus discrète – et avec succès : en décembre, le groupe le plus important du Parlement européen (le PPE) appelait à un assouplissement de la législation. La réaction de notre belle et grande fédération européenne, l’ACEA est évidemment enthousiaste. Ca s’annonce bien, je vous dis.
Gaffe quand même à ne pas s’emballer trop vite. Il faut maintenir la pression ! Aussi, ce 16 janvier, le nouveau président de l’ACEA, Monsieur Ola Källenius, prenait la plume – et quelle plume ! – pour adresser une lettre ouverte aux dirigeants européens. Lettre remarquable en tout point. Notre président commence par donner un magistral coup de marteau sur le clou sur lequel nous tapons toujours : l’industrie automobile occupe une place centrale dans l’économie européenne. 13 millions d’emplois et 7% du PIB : des chiffres qui claquent tout en restant à la limite du crédible. Puis Monsieur Källenius souligne l’impérieuse nécessité de se doter d’une trajectoire de décarbonation de l’industrie automobile européenne qui ne soit plus pilotée par les pénalités mais par le marché.
J’entends venir les grincheux qui prétendent que le marché a prouvé qu’il se moquait du climat. Ils ne vont pas manquer de rappeler l’épisode un peu délicat des accords volontaires que nous avions signés avec la Commission européenne en 2000. Certes, ils n’ont pas donné les résultats escomptés (une baisse des émissions de CO2). Mais est-ce réellement notre faute si les citoyens veulent absolument acheter les voitures surdimensionnées que nous promouvons ? Ils n’ont qu’à se prémunir contre l’intrusion publicitaire, ces loosers. Faut résister un peu, les gars …
Bon, ceci dit, nous réclamons une stratégie basée sur le marché mais il faut quand même rester pragmatique. Pour fonctionner de manière optimale, le marché demande parfois un petit coup de pouce. Bref, il faut que les Etats mouillent leur chemise. Pas pour introduire des normes et des pénalités, bien sûr. Mais pour financer des primes et autres incitants fiscaux. Comment fait-on pour trouver les budgets, dites-vous ? Allez, juste un exemple au hasard : vous savez ce que ça coûte à l’Etat un chômeur, une sangsue qui n’a pas envie de travailler ? Ben voilà, vous avez la réponse : il suffit d’arrêter de les payer. Ca les incitera à se sortir les mains des poches (pour le dire poliment). Et ça permettra d’offrir des primes aux gagnants qui veulent s’offrir un beau gros SUV électrique, une de ces machines survitaminées que nous leur vendons sous l’appellation de voiture et qui coûtent une blinde.
Donc, reprenons : on ne nous met pas de contraintes sur le dos, pas de normes et pas d’amendes, on nous aide financièrement (même indirectement, style en donnant des primes à l’achat aux acheteurs : nous, on n’est pas difficile, on prend tout) et pour le reste, on laisse faire le marché. Et la croissance nous guidera tout droit vers un monde décarboné. Suffit d’y croire.
Crédit image illustration : Adobe Stock
Aidez-nous à protéger l’environnement,
faites un don !