La vitesse inadaptée est la cause première des drames de la route. En ville comme ailleurs. Abaisser à 30 km/h la vitesse maximale autorisée (VMA) en milieu urbain permet donc d’améliorer la sécurité routière. Une revue de la littérature scientifique publiée fin 20241 le confirme. Elle établit aussi que cette mesure est, en outre, bénéfique en termes d’environnement, de consommation d’énergie, de santé publique et de convivialité.
Au niveau mondial, plus de 50% des victimes de la route (personnes blessées et tuées) sont des usagers vulnérables (ou VRU pour vulnerable road users : piétons, cyclistes et motocyclistes). Ce qui est aisé à comprendre : contrairement aux occupants de voitures, camionnettes, et camions, ces usagers de l’espace public ne disposent pas d’une « carcasse » pour les protéger en cas de choc. Et les chocs sont d’autant plus violents que les vitesses sont élevées. C’est pourquoi de nombreuses villes (voir ci-dessous) ont décidé de limiter à 30 km/h la vitesse maximale autorisée (VMA) dans le cadre d’une stratégie visant à diminuer le nombre et la gravité des drames de la route.
Mais les bénéfices du 30 km/h ne s’expriment-ils pas aussi au-delà de la sécurité routière ? Pour le savoir, deux chercheurs de l’Université technique nationale d’Athènes ont entrepris une revue de la littérature scientifique. Sur 284 articles identifiés dans un premier temps, les chercheurs en ont conservé 60 en utilisant une méthodologie reconnue intégrant différents critères qualitatifs. De l’examen de ces articles scientifiques découle une conclusion on ne peut plus claire : abaisser à 30 km/h la vitesse maximale autorisée (VMA) en milieu urbain permet d’améliorer la sécurité routière, de limiter les impacts environnementaux du trafic routier et d’accroître la qualité du cadre de vie, au bénéfice de toutes et tous.
Près de la moitié de décès en moins
Désamorçons d’entrée de jeu une critique récurrente des personnes présentant une assuétude à la vitesse : il est évident que les bénéfices d’une réduction de la VMA dépendent de nombreux facteurs, dont le design de la voirie (lequel peut être plus ou moins favorable à l’apaisement du trafic), l’allocation d’espace aux modes actifs et aux transports en commun … et le respect de la VMA (comportements des automobilistes et politique de contrôle-sanction).
Sur le plan de la sécurité routière, les effets du 30 km/h sont on ne peut plus clairs (tableau 1). Le nombre et la gravité des accidents sont tous deux fortement réduits ; le nombre de décès à déplorer sur la route est, en moyenne, diminué de presque 50% grâce au 30 km/h.
Moyenne | Valeur max. | |
---|---|---|
Accidents | -30% | -60% |
Accidents (piétons) | -43% | -70% |
Accidents (cyclistes) | -33% | -48% |
Décès | -45% | -63% |
Décès (piétons) | -46% | -67% |
Blessures | -40% | -63% |
Blessures (piétons) | -61% | -67% |
Blessures (cyclistes) | -38% | -55% |
Un bilan sanitaire très positif
En ce qui concerne les émissions du trafic routier, cette revue de la littérature conclut clairement à un effet positif du 30 km/h (tableau 2), tant pour les gaz à effet de serre (CO2) que pour les polluants atmosphériques qui affectent la santé humaine (oxydes d’azote – NOX – et particules fines – PM) et pour la pollution sonore.
Il est communément admis que le passage de 50 à 30 km/h peut générer soit une augmentation (effets 1 et 2 ci-dessous) soit une diminution des émissions (effets 3 à 5 ci-dessous). Les retours d’expérience permettent donc de conclure que, en moyenne, les effets positifs (3 à 5) l’emportent sur les négatifs (1 et 2) :
- le rendement d’un moteur thermique (essence, diesel, gaz) est généralement moins bon à 30 km/h qu’à 50 ; ceci semble d’autant plus vrai pour une voiture moderne, dont la vitesse maximale autorisée flirte en moyenne avec les 190 km/h ;
- les systèmes de dépollution sont optimisés pour une vitesse proche de la vitesse moyenne des cycles de test officiels (soit 46,5 km/h2) ;
- il faut moins d’énergie pour faire rouler une voiture à basse vitesse qu’à vitesse élevée ; moins de carburant consommé signifie moins d’émissions de CO2 ;
- en centre urbain, lorsque la vitesse est limitée à 50 km/h, les vitesses moyennes observées dans les faits sont inférieures à 50 km/h ; ceci est imputable aux soucis de congestions et à d’autres causes (carrefours, automobilistes qui cherchent un emplacement pour stationner, …) ;… on accélère et on freine beaucoup dans ces zones – plus que dans les zones limitées à 30 km/h dans lesquelles les flux de trafic sont dès lors plus fluides, la consommation réduite et les émissions moins élevées ;
- les systèmes de dépollution qui limitent les émissions de NOX fonctionnement mieux en conditions stationnaires (vitesse stable), lesquelles sont plus fréquentes en zone 30, que transitoires (accélérations), qui sont plus fréquentes en zones 50 ; de plus, moins d’accélérations et de freinages signifient moins d’usure des pneus et des freins, donc moins d’émissions de particules fines.
Moyenne | Valeur max. | |
---|---|---|
Emissions de CO2 | -20% | -25% |
Emissions de NOX | -35% | -48% |
Emissions de PM | -20% | -45% |
Bruit | -3,7 dB | -5 dB |
Des pouvoirs publics responsables
Trafic plus fluide et en légère baisse, moins de bruit et de pollution (et donc moins de problèmes de santé), moins de collisions et moins de victimes (et moins de problèmes de trafic associés à ces événements), plus de (place pour les) cyclistes et plus de convivialité dans l’espace public et meilleure qualité de vie. Tels sont donc les effets avérés du 30 km/h en ville.
Rien d’étonnant, donc, à ce que de nombreuses villes décident d’instaurer le 30 km/h sur tout ou partie de leur territoire. En septembre 2024, le Cerema réalisait un tour d’horizon (non exhaustif) de la ville 30 en Europe. Le tableau 3 présente les mesures prises par quelques grandes villes européennes (hors France).
Ville | Année d’introduction | Commentaires/précisions |
---|---|---|
Graz (AT) | 1992 | 30 km/h dans tous les quartiers de la ville à l’exception des axes prioritaires (20% du réseau) |
Munich (DE) | 2011 | 30 km/h sur 80% des voiries urbaines |
Zurich (CH) | 2012 | Introduction progressive du 30 km/h, actuellement appliquée à 400 km de routes pour un total de 750 km |
Bilbao | 2018 | 30 km/h sur 87% du réseau – étendu à tout le réseau sans exception en 2020 |
Helsinki (FI) | 2019 | 30 km/h sur 2/3 du réseau |
Bruxelles (BE) | 2021 | 30 km/h généralisé à l’exception des grandes artères où la VMA reste à 50 ou 70 km/h |
Vienne (AT) | 2021 | 30 km/h sur 75% du réseau |
Bologne (IT) | 2023 | 30 km/h généralisé à l’exception de quelques artères maintenues à 50 km/h3 |
Amsterdam (NL) | 2023 | 30 km/h sur 80% du réseau |
Depuis quelques années, c’est aussi au niveau national/régional que se manifeste la volonté de limiter la vitesse en centre urbain. Ainsi, depuis mai 2021, l’Espagne a décidé de limiter la vitesse maximale à 30 km/h en ville pour les rues qui comportent une voie par sens. En septembre 2023, le Pays de Galles a adopté une limitation de vitesse par défaut en ville de 20 mph (soit 32 km/h). Et l’Irlande introduira une mesure similaire cette année : 30 km/h deviendra la VMA par défaut4.
Et chez nous, c’est quand qu’on s’y met ?
Crédit image illustration : Adobe Stock
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- YANNIS G., MICHELARAKI E. 2024. Effectiveness of 30 km/h speed limit – A literature review. Journal of safety Research ↩︎
- Courbe P. 2021. L’automobile en questions. Namur : Inter-Environnement Wallonie, p. 15 ↩︎
- Voir la présentation de la mesure par Tous à Pied : https://www.tousapied.be/articles/tous-a-pied-a-bologne/ ↩︎
- Voir sous le titre « Upcoming changes to speed limits » ici : https://www.citizensinformation.ie/en/travel-and-recreation/roads-and-safety/road-traffic-speed-limits-in-ireland/ ↩︎