Une contribution de Jean Peltier parue dans la lettre d’OLT (Occupons le terrain)
Ce « Mais qu’ils se mêlent de leurs affaires ! », c’est ce que pensent souvent (et même disent parfois) des promoteurs et certains responsables communaux quand ils découvrent que des gens habitant à plus de 500 mètres d’un projet dont la demande de permis était soumise à une enquête publique se sont permis de donner leur avis.
« Ils ne connaissent rien à la réalité locale, ils ne sont même pas impactés au quotidien par ce projet. Tout ce qu’ils font, c’est allonger les procédures et nous faire perdre de l’argent ».
Cet argument anime les dîners en ville et les rencontres du secteur de la promotion immobilière et revient en boucle dans tous les communiqués de presse de ce secteur. Il trouve désormais un écho compatissant au sein du nouveau gouvernement wallon qui rêve « d’assouplir », de « simplifier » et surtout de limiter les procédures d’enquête publique.
Que penser de tout cela ?
Entrée interdite aux voisins et aux non-voisins
Tout d’abord que c’est d’une hypocrisie pure et simple ! Lorsque des riverains protestent contre les désagréments immédiats que leur causerait la construction d’un lotissement ou d’un zoning, on leur répond qu’ils sont des égoïstes obsédés par leur petit confort et qui ne manifestent aucun souci de l’intérêt général. Mais si une personne habitant à 10 km de là développe des arguments plus généraux, la sentence tombe : « Vous n’êtes pas directement concernés par ce projet ».
A la fin du 19e siècle, le général étatsunien Custer déclarait fièrement « Un bon indien est un Indien mort ». Les promoteurs de chez nous et d’aujourd’hui sont moins belliqueux mais ils n’en pensent pas moins qu’ « Un bon habitant est un habitant qui se tait ».
Mais pour quelle raison un habitant ne devrait-il se sentir concerné que par des projets qu’il peut entrevoir depuis sa chambre à coucher ? En quoi une atteinte à l’environnement, à la santé ou au bien-être de ses concitoyens devrait-elle le laisser indifférent ?
Regardez les enquêtes publiques mises en évidence cette semaine dans notre newsletter.
Des réactions limitées au circuit court ?
En quoi la création d’une usine à poulets (car c’est bien comme cela qu’on peut appeler un élevage industriel de 39.000 poulets) ne devrait-elle concerner que les habitants de Messancy ? Où est-il écrit que le respect du bien-être animal ne peut se réclamer que dans les limites de la commune ? Pourquoi les dégâts que provoqueraient une telle exploitation aux nappes phréatiques et à la zone Natura 2000 toute proche ne pourraient-elles pas interpeller une chercheuse de l’université de Liège et un amoureux de la nature logeant à Charleroi ? Pourquoi une habitante de Raeren ayant empêché il y a quelques mois la construction d’une « usine à saumons » sur le zoning de sa commune ne pourrait-elle pas bondir à la perspective d’une usine à poulets dans le fin fond des Ardennes?
De la même manière, en quoi la destruction de bonnes terres agricoles pour la construction d’entreprises alors que des zonings voisins sont à moitié ou totalement vides ne devrait-elle concerner que les habitants du village de Mariembourg à Couvin ? Pourquoi un jeune agriculteur de Hannut tirant le diable par la queue pour assurer la survie de son exploitation ne pourrait-il se sentir solidaire ? Pourquoi un habitant de Herve qui se bat contre un projet de création d’un zoning sur des terres agricoles dans sa commune ne pourrait-il avoir de bons arguments pour faire réfléchir les autorités communales de Couvin ? Et pourquoi un pensionné de Liège ne pourrait-il pas faire remarquer que construire un nouveau zoning sur des terres agricoles alors que des zonings voisins et déjà aménagés offrent des espaces libres est une pratique du 20e siècle qui flatte peut-être l’ego d’un mandataire local mais qui s’assied surtout sur le bien-être et la santé de ses concitoyens ?
Solidarité !
La manière dont notre territoire est aménagé (ou bousculé, bouleversé et même saccagé) nous concerne tous. Se solidariser avec des habitants d’ailleurs confrontés à des projets inadaptés, inutiles voire même carrément nuisibles est une marque d’intelligence, de conscience et d’altruisme. Et tant mieux pour la démocratie et la vie en commun si cette solidarité s’exprime lors des enquêtes publiques. Et tant pis pour les promoteurs qui portent de tels projets. Après tout, personne ne leur a demandé de le faire…
Alors, habitants et habitantes de partout, à vos claviers et à vos stylos. Marquez votre solidarité agissante avec ceux qui sont confrontés à des telles horreurs en participant aux enquêtes publiques que nous mettons en lumière. Et n’hésitez pas à nous prévenir si quelque chose se passe près de chez vous.
Crédit image illustration : Adobe Stock
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