Quelle nature voulons-nous demain en Région wallonne ?
Le Ministre LUTGEN va être amené à se prononcer très prochainement sur un certain nombre d’options relatives à la mise en place du Réseau Natura 2000. Les choix opérés seront déterminants pour l’avenir de la biodiversité en Région wallonne.
A la veille de cette échéance, les associations de protection de la nature (Natagora, Inter-Environnement Wallonie, le WWF, Ardenne et Gaume et la Ligue Royale Belge de Protection des Oiseaux) rappellent l’importance des enjeux et appellent le Ministre à prendre des décisions à la hauteur de ceux-ci.
Le réseau Natura 2000, les associations environnementales y croient ! Les 240 sites représentant 13% du territoire wallon (220.000 hectares) sélectionnés en septembre 2002 par le Gouvernement wallon abritent en effet la crème de ce qu’il reste de biodiversité en Région wallonne, des milieux naturels rares et spécifiques, des espèces menacées et souvent au bord de l’extinction.
L a Région Wallonne s’est engagée à prendre les mesures nécessaires pour sauvegarder et restaurer ce patrimoine dans le cadre des directives « Natura 2000 » mais également à travers son adhésion, à la Convention sur la Diversité Biologique et aux Objectifs 2010. En protégeant la nature, c’est d’ailleurs tout un capital que nous préservons pour les générations futures, non seulement notre faune et notre flore mais également les ressources primordiales que sont les sols et l’eau.
Depuis plusieurs mois et en prévision de la désignation des sites par le Gouvernement wallon, le Ministre Benoit LUTGEN a encouragé les principaux intervenants concernés par le projet Natura 2000 (environnementalistes, propriétaires forestiers, agriculteurs, communes) à se rencontrer et dialoguer des modalités futures de fonctionnement du réseau [En juillet 2006, ces derniers diffusaient la lettre ouverte suivante au Gouvernement wallon : [http://www.natagora.be/files/LettreOuverteNatura2000.pdf
]] . Sur base du résultat de ces discussions, dont le Cabinet a pris connaissance fin décembre 2006, il lui revient aujourd’hui de décider des grandes options de base – et donc de l’ambition ! – du futur régime Natura 2000. Le Ministre devra également trancher un certain nombre de points de désaccords persistants entre les parties.
Concrètement, il convient de décider des mesures qui seront en vigueur au sein de sites Natura 2000 et de leurs modalités de mise en ½uvre. Ces mesures, indispensables pour garantir le maintien et la restauration des habitats et des espèces sont simples et se focalisent sur trois thématiques : la protection des rivières, la gestion forestière et l’agriculture.
Le Ministre est appelé à se prononcer sur un catalogue de mesures, le plus souvent des éléments de gestion basiques qui devraient d’ailleurs s’appliquer sur tout le territoire wallon ! (Ces mesures sont décrites dans l’ Annexe 1 ci-dessous.) Il lui faudra en outre décider du caractère incitatif ou contraignant des dites mesures. Car s’il est clair que Natura 2000 devra être un projet impliquant l’adhésion des propriétaires et des occupants, il n’en est pas moins vrai que les mesures essentielles au projet devront avoir un caractère réglementaire afin d’offrir des garanties réelles de mise en ½uvre…
Les principales associations de conservation de la nature en Région wallonne, NATAGORA, INTER-ENVIRONNEMENT WALLONIE, le WWF, ARDENNE & GAUME et la LIGUE ROYALE BELGE POUR LA PROTECTION DES OISEAUX, demandent donc au Ministre de faire preuve d’ambition et de vision à long terme dans ce dossier. Elles attendent de lui qu’il prenne des mesures concrètes pour le maintien de la biodiversité en Région wallonne, pas des mesurettes !
Infos complémentaires :
Natagora : Joëlle HUYSECOM (0474-545264) ou Marie Elisabeth MAHY (081-830573 ou 0472-332.448)
Inter-Environnement Wallonie : Gérard JADOUL (0498-544.240) ou Lionel DELVAUX (081-25.52.95)
WWF : Geoffroy DE SCHUTTER (0 497-203.034 )
Ardenne & Gaume : Willy DELVINGT ( 081 46 10 59)
Ligue pour la Protection des Oiseaux : Hugues FANAL (0496-261.375)
Annexe 1
Tous les indicateurs au rouge !!!
Faut-il rappeler le triste état de la biodiversité wallonne ?
Le suivi annuel réalisé dans le cadre de l’Etat de l’Environnement indique que, tous groupes confondus, 25% au moins des espèces de notre faune sont actuellement menacées de disparition [Voir Etat de l’Environnement 2005: [http://mrw.wallonie.be/dgrne/eew/tbe_indicateurtxt.asp?indicID=iFFH_01]] . Et ce chiffre n’est qu’une moyenne puisqu’il s’élève bien plus haut si l’on zoome sur certains groupes particulièrement sensibles comme les poissons (50%) ou les papillons (65%) par exemple. L’avifaune n’échappe bien sûr pas à la règle : de nombreuses espèces des milieux ouverts connaissent une très inquiétante régression. Ainsi, en 15 ans, l’alouette des champs a perdu 75% de ses effectifs en Ardenne ; l’hirondelle de cheminée suit le même chemin avec une baisse moyenne d’effectif de 4% par an. Ce ne sont malheureusement que quelques exemples…
Concernant les habitats naturels repris en Natura 2000, la situation n’est pas meilleure : selon les évaluations actuellement disponibles en effet, seuls 30% des surfaces peuvent être considérés comme étant dans un état de conservation favorable. [Voir [http://mrw.wallonie.be/dgrne/eew/tbe_indicateurtxt.asp?indicID=iFFH_02]] De nombreux indices indiquent par ailleurs que la dégradation et la destruction de ces habitats se poursuivent aujourd’hui encore à un rythme effréné à l’intérieur des sites Natura 2000 pourtant délimités depuis cinq ans !
Les rivières, colonne vertébrale de Natura 2000
Tout le réseau Natura 2000 a été charpenté sur le réseau hydrographique. Les cours d’eau y assurent le rôle primordial d’élément de liaison et constituent également un habitat indispensable pour le martin pêcheur, la loutre, la moule perlière et bien d’autres espèces emblématiques liées à l’eau. Il est donc essentiel de prendre des mesures vigoureuses afin d’améliorer la qualité de nos rivières et de leurs berges. Des mesures essentielles également en vue de contribuer à la gestion durable de l’eau en tant que ressource naturelle !
Quelles sont les menaces ? Les épandages d’engrais et de pesticides qui percolent depuis les prés engraissés et cultures pour se retrouver dans l’eau ; le pâturage du bétail lorsque ce dernier piétine les berges et le fonds des cours d’eau ; les plantations d’essences exotiques (l’épicéa surtout) en fonds de vallées car elles réduisent la lumière arrivant au cours d’eau et nuisent considérablement à leur intérêt biologique.
Pour une réelle amélioration de la qualité des sites Natura 2000, des mesures vigoureuses doivent donc être prises concernant les abords immédiats des rivières reprises en Natura 2000 (bande de 12 à 20m de part et d’autre des berges) : l’abandon de tout usage d’engrais ou produits chimiques [[Le Plan de gestion durable de l’azote en agriculture (PGDA) en cours d’adoption, prévoit une interdiction d’épandage à 6 mètres des berges mais cette distance est bien insuffisante !]] , l’interdiction de tout labour, l’obligation de clôturer les berges (sauf zones d’abreuvement) pour éviter la présence des bovins dans le lit de la rivière, et l’interdiction de toute plantation ou replantation d’épicéas ou autres espèces exotiques.
Des forêts feuillues, pas des champs d’épicéas ou de douglas
Au sein du réseau Natura 2000, les forêts représentent 70 % de la surface. C’est dire si les mesures que le Ministre décidera d’appliquer en forêt seront essentielles !
Quelles sont les menaces principales ici ? Les reconversions de forêts feuillues en plantations résineuses [[En Wallonie, les plantations résineuses occupent plus de la moitié de la forêt wallonne, soit environ 225.000 ha]], le déficit chronique des forêts en arbres à cavités et en bois mort, la surdensité en gibier (sangliers, cervidés) qui entrave considérablement la régénération naturelle de la forêt.
La décision à prendre concernant les forêts est simple : étendre l’application de la Circulaire biodiversité adoptée en 2006 [Voir [http://environnement.wallonie.be/publi/dnf/normes.pdf
]] et déjà mise en oeuvre dans toutes les forêts domaniales et dans certaines forêts communales, à l’ensemble du réseau Natura 2000. Cette circulaire prévoit en effet les mesures de base essentielles à l’amélioration de l’état de conservation des forêts notamment : l’interdiction de conversion de peuplements feuillus en plantations exotiques, le maintien de taux minimum de bois morts et d’arbres creux ainsi que le contrôle de la charge en gibier par l’arrêt du nourrissage artificiel (nourrissage dissuasif et gagnages intensifs).
Une agriculture justement contrôlée
Les milieux agricoles représentent environ 15% de surface du réseau Natura 2000 mais seulement 5 % de la surface agricole utile (SAU). Il s’agit généralement de terres marginales et de faible productivité. L’enjeu en terme de biodiversité y est donc essentiel pour un impact global sur l’agriculture wallonne bien modeste. La plupart des agriculteurs concernés par Natura 2000 ne le sont d’ailleurs que pour une part très limitée de leur exploitation [[70% des agriculteurs concernés, le sont pour moins de 10% de leur surface agricole]].
L’enjeu principal pour les milieux agricoles en Natura 2000 sera le contrôle de l’usage des engrais qui devra impérativement être plafonné au risque de voir se poursuivre l’intensification des milieux et la disparition des espèces caractéristiques des espaces ouverts. Des mesures financières d’accompagnement existent et représentent une réelle opportunité pour les agriculteurs. En particulier, les mesures agri-environnementales, bonifiées par une prime « Natura 2000 » spécifique, offriront de réels avantages aux exploitants concernés [[La mesure agri-environnementale « Prairie à haute valeur biologique » est actuellement primée à raison de 450 euros par ha, la prime « Natura 2000 » envisagée est de 200 euros par ha, soit 650 euros/ha en Natura 2000 !]].