Le Conseil d’administration extraordinaire d’Inter-Environnement Wallonie réuni ce 28 septembre a décidé de maintenir partiellement le recours déposé devant la cours d’arbitrage contre le décret RESA (Relance Economique et Simplification Administrative) du Gouvernement wallon. Si les avancées obtenues au cours des négociations avec le cabinet du Ministre Antoine justifient la levée du recours sur certains points, elles sont par contre jugées insuffisantes sur d’autres dispositions fondamentales.
Concrètement, Inter-Environnement Wallonie a décidé de lever son recours concernant
- les ZACC (Zones d’Aménagement Communal Concerté) ;
- les CCUE (Cahiers des Charges Urbanistiques Environnementaux).
Il maintient par contre son recours contre
- l’article 42 du CWATUP permettant l’extension des zones d’aménagement différé à caractère industriel (ZADI) ;
- l’article 127 du CWATUP relatif aux permis publics.
Un document explicatif détaillé reprenant la justification de chacune de ces décisions figure en pièce jointe à ce communiqué.
Contacts :
Dimitri Barthélémy, Secrétaire général : 0495.48.01.03
Pierre Titeux, Attaché de Presse : 081.255.284 – 0479.497.656
Annexe : Explication des recours
Recours d’Inter-Environnement Wallonie contre le décret RESA :
le point et les enjeux
Le Ministre de l’Aménagement du Territoire, André ANTOINE, reprend et développe les lignes de force du gouvernement wallon consistant à simplifier les procédures administratives à tout prix, fusse au détriment de l’efficience des politiques mises en ½uvre.
Ainsi, le Ministre a décidé d’une importante réforme du Code Wallon de l’Aménagement du Territoire (90 dispositions sur 130 dans le décret RESA adopté par le parlement wallon en février 2005) mais n’a pas jugé utile de profiter de l’expertise de chargés de missions spécialisés sur ces questions, dont la compétence est reconnue par tous et qui l’ont interpellé à différentes reprises sur certaines incohérences manifestes de la réforme en cours.
Il est aujourd’hui vital pour l’efficacité des politiques publiques que les décideurs comprennent tout le sens qu’il y a à concerter le plus en amont possible les acteurs associatifs. Aujourd’hui, bien au-delà des enjeux stricts en aménagement du territoire, c’est toute la fonction consultative qui doit être revue. Comment ose-t-on encore parler de développement durable dans notre pays quand on refuse obstinément, alors que les questions et enjeux environnementaux sont au centre de nos vies quotidiennes, d’associer les mouvements environnementalistes aux lieux de concertation sur les politiques sociales et économiques. Nous sommes favorables au développement économique s’il est réellement mis au service d’un mieux-être égalitaire pour chacun de nos concitoyens. Jamais nous n’atteindrons de tels objectifs sans concertation réelle des acteurs dont le cheval de bataille est l’analyse des impacts environnementaux des activités humaines. Des questions d’actualité viennent tous les jours nous rappeler l’urgence d’une telle évolution de nos vieux cadres de concertation : questions climatiques, pollutions de l’air et des sols, questions énergétiques, gestion des déchets, réflexion sur la politique des produits, enjeux de mobilité et d’accessibilité à la vie sociale,…
Sur cette question, et au côté de nombreux autres partenaires associatifs, nous ne manquerons pas de rappeler aux acteurs politiques des divers niveaux de pouvoir leurs déclarations d’intention. Et ce, dans l’esprit du pacte associatif qui devrait voir le jour en juin 2006. .
Recours maintenu contre l’article 42 du CWATUP
Dans nos contacts – presque inexistants jusqu’il y a peu – avec le Cabinet Antoine, nous l’avons alerté de l’aberration qu’il y a à permettre l’extension des ZADI (zones d’aménagement différé à caractère industriel) à des activités économiques mixtes. Une supérette à côté d’une grosse usine métallurgique ou chimique ?… Absurde ! Mais le cabinet a fait la sourde oreille…. Il a pourtant compris la dérive que nous voulions pointer du doigt puisqu’il vient de refuser récemment trois dossiers dans lesquels cette dérive s’exprimait clairement :: Rhisnes, Naucosse et Padem…
Le cabinet se dit disposé à revoir la réglementation que nous incrimions dans notre recours visant l’article 42 du CWATUP. Mais, une réforme décrétale est nécessaire, et donc un accord du partenaire de la majorité gouvernementale. Nous entendons bien la volonté du Ministre. Mais, nous ne contrôlons ni l’agenda, ni la volonté politique des autres acteurs politiques wallons. Or, les trois dossiers cités ci-dessus en témoignent, les enjeux environnementaux, mais aussi économiques, sont vitaux de notre point de vue. Nous maintiendrons donc notre recours en la matière tant que la réforme décrétale ne sera pas aboutie. Disposés à participer aux travaux qui permettront de dégager rapidement une solution en la matière, nous souhaitons nous positionner en partenaires constructifs.
Vers quel modèle de société veut-on nous conduire par le bout du nez ?
Si le gouvernement veut réellement simplifier la vie des citoyens, notamment des investisseurs dans le cadre de plans de relance de l’activité économique, il devrait sérieusement songer à une certaine continuité de l’action publique. Depuis 1997, nous en sommes de fait à plus de dix réformes de fond de notre politique d’aménagement du territoire. Et, d’ores et déjà, de nouvelles réformes fondamentales sont à l’étude au sein du gouvernement. Comment s’y retrouver dans un tel fatras ? Quel est encore la règle qui est de fait en application aujourd’hui ? Quelle est la procédure à suivre si je veux développer mon activité économique ? Ou simplement agrandir ma maison ? Ou pour réaffecter les bâtiments d’une ancienne école en logement ?… Les règles du jeu changent tout le temps et seuls des experts pointus sont capables de suivre le rythme. Et encore : même eux sont aujourd’hui en difficulté parce qu’à force de déréguler les balises de notre cadre régional de structuration l’espace, à force de faire des dérogations et des exceptions à la règle dans des zones de plus en plus vastes, l’existence même de la règle est questionnée.
Nous avons un modèle de politique d’aménagement du territoire fondée sur des schémas à valeur indicative, qui donnent un cadre d’orientation stratégique, comme c’est le cas du SDER en Wallonie et sur des dispositions de type normatif, qui fixent des règles contraignantes dans un espace donné. C’est le cas de documents à valeur réglementaire tels que le Plan de Secteur ou le Plan Communal d’Aménagement. A ces plans sont encore assortis une série de règlements d’urbanisme qui permettent d’exécuter les cadres et qui exécutent concrètement la planification du territoire en intégrant des enjeux de long terme.
Ce modèle est aujourd’hui de fait mis en péril, sans qu’il n’y ait le moindre débat de fond sur la conception d’un modèle alternatif. Au-delà de la dérégulation à tout prix, pour permettre tout et n’importe quoi à peu près n’importe où, on ne voit pas où sont les balises qui peuvent permettre au citoyen de réfléchir au développement spatial de sa commune ou de sa région.
Maintien du recours concernant les Permis Publics
La réforme de l’article 127 du CWATUP constitue à elle seule une belle illustration de ce contexte où toutes les balises destinées à encadrer le développement de l’activité économique sont aujourd’hui remises fondamentalement en cause. Dans un certain nombre de zones estimées d’intérêt général, notion vague qui va bien plus loin que des zones affectées à des services publics, le gouvernement met en place une procédure dite « exceptionnelle » qui peut permettre, pour tous les actes et travaux considérés comme d’intérêt général, d’obtenir des permis en s’écartant de toutes les dispositions normatives et réglementaires évoquées ci-dessus. Dans ce cadre, le Fonctionnaire Délégué sera le gardien des principes de bon aménagement … mais sur base de quelles règles puisque, de fait, elles ne sont plus applicables dans ces zones ?…
Les déclarations d’intention du Ministre à ce sujet sont sans nul doute intéressantes. Il dit vouloir promouvoir par ce biais la mixité des activités en ville, recréer du logement dans des sites aujourd’hui bloqués en terme d’aménagement, permettre un réaffectation plus rapide de S.A.E.R.. Pour autant que cela ne remette nullement en cause le cahier des charges environnemental en la matière, nous ne pouvons qu’être d’accord.
Mais la mesure telle qu’adoptée aujourd’hui est tellement large et vague qu’elle peut permettre bien d’autres choses. Elle vise notamment des zones ‘bleues’ (c’est à dire des zones situées en ville, anciennes écoles, extension prévues pour un hôpital et depuis abandonnées…, mais aussi les domaines militaires dont certains ont un grand intérêt en terme de biodiversité) ; elle crée par ailleurs des inégalités de fait entre des entreprises de même envergure qui seraient soumises à des règles différentes suivant qu’elles sont ou non dans les zones ciblées. Pour nous, toutes les entreprises de Classe 1 devraient clairement relever de la compétence du Fonctionnaire Délégué. Celles de Classe 2 devraient être quant à elle de la compétence des autorités communales, ce qui éviterait ainsi toute iniquité entre des entreprises semblables.
A noter que notre inquiétude à ce sujet est encore renforcée par un projet de réforme aujourd’hui sur la table du gouvernement, concernant ce même article 127 et visant à étendre encore les zones dérogatoires aux zones ‘blanches’.
Le Cabinet semble ouvert à une telle optique. Mais là encore, cela implique une réforme décrétale et donc des renégociations avec les autres partenaires sociaux et avec le partenaire politique de la coalition gouvernementale. Nous voulons soutenir le Ministre dans les futures négociations inter-cabinets qu’il ne manquera sans aucun doute pas d’activer à ce propos. C’est pourquoi nous maintenons notre recours à ce sujet.
Levée du recours concernant les ZACC et les CCUE
Sur ces deux questions, les négociations d’ores et déjà engagées avec le cabinet offrent, à notre sens, suffisamment de garanties d’encadrement des mesures adoptées pour éviter les dérives environnementales crées par le nouveau cadre législatif.
Il devrait y avoir à l’avenir une meilleure définition du Rapport Urbanistique Environnemental (R.U.E.), le cahier des charges à remplir pour affecter et mettre en ½uvre une réserve foncière (via arrêté ministériel)
Les dérogations envisagées dans le cadre de ces ZACC non encore mises en ½uvre concernent de fait des parties de territoire minimales. Si, sur le plan de la cohérence législative, la disposition nous gêne toujours, les impacts sur le terrain seront faibles et nous ne sommes pas là pour des bagarres de principe, mais pour contribuer à un débat – qu’on espère plus serein à l’avenir – sur des politiques de développement réellement durable.
Concernant les CCUE (Cahiers des Charges Urbanistiques Environnementaux) qui venaient d’être mis en place par le Ministre précédent pour encadrer l’aménagement des Z.A.E. (Zones d’Activités Economiques), nous regrettons l’absence totale d’évaluation de cette politique avant même de la supprimer ainsi que la disparition d’un cadre mettant des balises pour structurer l’aménagement de ces zonings. Néanmoins, le Cabinet nous a rassuré à ce propos par des compensations en surfaces urbanisables mises en ½uvre dans le décret RESA, par le cadre qu’offre dans un certain nombre de cas le décret concernant les infrastructures des zonings (qui présente certaines balises) et via les lignes de conduite qu’il compte donner à ce propos aux fonctionnaires délégués.
Concernant l’instabilité juridique que créerait nos recours…
La crainte manifestée par les hommes et femmes politiques aux affaires face à notre recours contre le décret RESA est inquiétante à plus d’un titre et doit nous faire réfléchir.
Tout d’abord, elle témoigne d’un manque de confiance au plus haut niveau dans le système institutionnel belge, y compris ses instances juridictionnelles de contrôle. La Cour d’arbitrage est la plus haute juridiction du pays, créée pour arbitrer les conflits de compétences entre les entités fédérées et fédérale, mais aussi pour régler les conflits de constitutionnalité des lois, décrets et ordonnances. Ce dernier contrôle s’exerce par le prisme des articles 10 et 11 de la Constitution, soit les principes d’égalité et de non-discrimination des citoyens. Par ce biais, la Cour d’arbitrage a étendu son contrôle à l’ensemble des dispositions constitutionnelles ainsi qu’au Droit international et européen (Pacte international des Droits économiques, sociaux et culturels, Convention européenne des Libertés fondamentales et des Droits de l’Homme, directives européennes,…).
Le délai d’attente pour obtenir un arrêt est d’un an. La Cour d’arbitrage dispose de la faculté de modaliser les effets de ses arrêts d’annulation, ce qu’elle a fait par le passé, précisément à propos d’une disposition transitoire qui permettait de considérer comme mise en ½uvre des ZAD dans lesquelles un permis de lotir ou d’urbanisme avait été délivré. Par son arrêté n°63/2000 du 30 mai 2000, la Cour d’arbitrage a annulé cette faculté, tout en maintenant les effets de la disposition annulée pour les permis accordés jusqu’à la date de la publication de son arrêt au Moniteur belge. La Cour a fait une nouvelle application de cette faculté d’atténuer la portée de ces arrêts lorsqu’elle a annulé les dispositions du décret EIE. Elle a en effet aménagé au Gouvernement un délai d’un an lui laissant le temps de réviser la législation.
L’insécurité juridique qui, selon le Ministre Antoine, planerait sur le décret RESA et, en particulier, le risque de voir retarder les investissements que ce décret est censé encourager, sont toujours moindres que ceux à naître par le jeu des questions préjudicielles. En effet, le contentieux administratif autour des permis qui seront délivrés sur la base des dispositions précitées permettra aux riverains de demander au Conseil d’Etat qu’il pose des questions préjudicielles à la Cour d’arbitrage, en arguant de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lues ou non en combinaison avec l’article 23 de la Constitution granatissant le droit à un environnement sain. Il s’agit là d’un danger réel qui, contrairement au recours en annulation, n’est pas limité dans le temps puisqu’il peut survenir à l’occasion de recours dirigés contre de simples permis.
Il est encore à observer que nos dirigeants semblent moins indisposés par la possible inconstitutionnalité de leur texte que par le fait même du recours d’IEW. Or, comme nous venons de l’exposer, si inconstitutionnalité il devait y avoir, ce sont les investisseurs et promoteurs qui en feront les premiers les frais. En outre et surtout, l’inconstitutionnalité traduit le fait que les textes trahissent des principes essentiels de l’éthique sur laquelle est bâti l’Etat belge : équité du traitement des citoyens, importance de l’environnement dans la qualité de vie garantie au citoyen (principe de non-recul de la protection des citoyens à cet égard).
Concernant nos modalités de financement…
Nous voulons redire ici qu’à aucun moment des menaces précises n’ont été proférées par qui que ce soit quant à notre cadre de subventionnement. Mais il y a bien eu, lors de la période de transition entre les Cabinets Foret et Antoine un manque de suivi de notre convention annuelle de financement 2004, chacun des deux acteurs politiques en rejetant la responsabilité sur l’autre. Quoiqu’il en soit, des réunions de concertation avec le cabinet mises en ½uvre dès le début de l’année 2005 ont permis de récupérer ce financement important dont l’incertitude a mis en péril plusieurs emplois au sein de notre structure pendant plusieurs mois.
Au-delà des polémiques, cette situation témoigne surtout à nos yeux d’un cadre de subventionnement actuel très insatisfaisant parce que très précaire. Des propositions concrètes existent en la matière – et sont d’ailleurs mises en ½uvre au nord du pays – pour assurer un financement structurel beaucoup plus stable pour les associations environnementales.
Le fait environnemental est aujourd’hui ancré dans nos m½urs, et il est reconnu par tous comme un enjeu vital pour l’avenir de notre planète. Cela fait plus de trente ans que des associations de terrain s’activent au quotidien autour de ces enjeux, impliquant plusieurs centaines de milliers de personnes en Wallonie. A quand, d ès lors, une réelle prise en compte de ce fait dans les politiques mises en ½uvre ? A l’heure où l’on parle tant de bonne gouvernance, nous attendons des gestes forts en la matière !
Inter-Environnement Wallonie
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