Le « meilleur » déchet est celui qui n’existe pas ! S’il ne fallait dire qu’une seule chose en matière de déchet, c’est bien celle-là. La dégradation de l’état de la planète témoigne chaque jour davantage de l’importance d’adopter des comportements environnementalement responsables. Et les outis fiscaux comme les éco-taxes(1) contribuent à ce travail collectif. Comment ? En créant une différence de prix significative entre des produits que l’on favorise (« verts » les emballages réutilisables) et des produits à défavoriser (non durables : les emballages jetables et dont le recyclage n’est pas garanti)
Rappelons, qu’en 2004, en échange d’une réduction de la TVA (de 21 à 6 %) pour les « soft drinks » et d’une suppression des accises sur les eaux, le Gouvernement instaure une cotisation d’emballage sur tous les emballages de boissons à usage unique. Cette taxe de 9,85 cents par litre a pour objectif de stimuler la consommation d’emballages réutilisables par une différence de prix. En 2005 le Gouvernement essaie même, pendant quelques mois, de la mettre à 14,50 cents mais il fait rapidement marche arrière face au tollé du secteur de l’industrie des eaux et des boissons rafraîchissantes.
Dans la foulée, Danone et Nestlé introduisent un recours à la cour d’arbitrage : ils estiment que ce régime est injuste et discriminatoire car le plastique (emballage non réutilisable) est souvent bien recyclé ! Et comme « il faut embouteiller à la source » (pour eux = à l’étranger), un système de bouteilles en verre consignées n’est pas envisageable; ils font valoir, en outre, que ça reviendrait trop cher au niveau du transport (c’est leur argument écologique).
La cours d’arbitrage, reconnaissant le caractère discriminatoire de la taxe, estime que le gouvernement doit revoir sa copie avant la date butoir du 30 juin 2006. Le gouvernement qui s’est bien accommodé des rentrées fiscales liées à cette éco-taxe (de l’ordre de 320 millions ¤ par an) modifie sa loi en précisant que toutes les bouteilles sont taxées mais pour les réutilisables (les consignées) la taxe est de 0 ¤ tandis que pour les non réutilisables, elle reste de 9,85 cents !
Au niveau européen, seule une taxe à finalité environnementale peut justifier un caractère « discriminatoire » ; ce que les embouteilleurs réfutent : leurs emballages en plastique ne sont pas réutilisés mais bien recyclés. Cependant, dans l’argumentaire de défense de sa loi, le gouvernement fait valoir que celle-ci va effectivement dans le bon sens car « la réutilisation est sûre au plan environnemental et facile à contrôler au plan fiscal alors que l’efficacité du recyclage n’est pas scientifiquement prouvée, qu’il paraît constituer une impasse sur au plan écologique, économique et budgétaire (…)».Par ailleurs, comme le note encore le gouvernement, « on constate une défection de plus en plus grande à l’égard de la réutilisation, même dans les secteurs traditionnellement réutilisateurs (la bière, par exemple) » et l’abandon de l’éco-taxe ne peut qu’amplifier ce phénomène.
Rien n’y fait : début janvier 2007, la Cours d’arbitrage a donc annulé l’article de loi qui instaurait une éco-taxe sur les emballages non réutilisables confirmant le caractère discriminatoire de cette taxe.
Une semaine plus tard, le 19 janvier 2007, le conseil des ministres fédéral modifie la loi une nouvelle fois. Les emballages seront taxés différemment suivant qu’ils sont réutilisables ou jetables : cette fois-ci la taxe ne sera plus de 0 ¤ mais bien de 1,4 cents par litre pour les bouteilles réutilisables. En effet, dans la définition de l’emballage « réutilisable » il est précisé qu’il doit pouvoir servir 7 fois… La taxe pour ces emballages-là sera donc 7 fois moins élevée que pour les emballages jetables.
Et le tour est joué ! Le secteur y trouve certainement son compte : le scénario aurait en effet pu être celui de la nouvelle taxe emballage annoncée par le premier ministre au moment de la sortie du film d’Al Gore au cours de sa Déclaration de politique générale (octobre 2006). Il est vrai que celle-ci n’est pas encore négociée et ne devrait entrer en vigueur qu’après les élections fédérales de juin 2007… Les périodes préélectorales conviennent rarement à ce type de négociation. Par ailleurs, les entreprises doivent jouer finement : en cas de besoin (trou dans les finances de l’état) le gouvernement pourrait bien décider d’augmenter les accises…
Vous le savez sans doute, pour les associations environnmentales, le système des éco-taxes est très cohérent : en matière de déchet, et suivant la hiérarchie de bonne gestion, il faut clairement privilégier 1° la prévention (on ne produit pas d’emballage), 2° la réutilisation (bouteilles consignées, par exemple, ou recharges dans récipients de longue durée), 3° le recyclage certifié des matériaux. Suite au prochain épisode.
Note :
(1) Les éco-boni quand à eux visent à diminuer la fiscalité et donc les accises, la TVA… sur les produits verts pour les rendre plus accessibles.