A l’instar de l’Europe, du gouvernement fédéral et de la Région flamande, la Région wallonne a décidé de mettre sur pied sa propre Stratégie de développement durable (DD) pour début 2007, en vue de contribuer à la Stratégie nationale de développement durable dont le texte cadre a été approuvé en décembre 2005 [[
Il est prévu de la rédiger en coordonnant les plans et/ou stratégies de développement durable des entités fédérale et fédérées du pays.
]]. On ne peut que s’en réjouir. Espérer un texte cadre définissant une véritable stratégie de développement durable pour la Wallonie. Espérer que la stratégie politique de développement durable de la Wallonie devienne sa stratégie politique tout court englobant et transcendant tous les secteurs dont la gestion est assurée à l’échelon wallon. Bref, espérer que la Wallonie opère un véritable changement de cap et fasse de la politique autrement.
L’espoir fait vivre …
Petit rétro-planning : début 2006, le gouvernement wallon a confié cette mission au ministre de l’Agriculture, de la Ruralité et de l’Environnement, Benoît Lutgen, lequel a fait appel à un bureau d’étude. C’est donc Cap Conseil qui s’est vu confier la lourde mission, début juin 2006, de rédiger le projet de stratégie régionale de développement durable. Sept mois donc pour atteindre l’objectif : un record lorsqu’on sait que le fédéral, qui en est à la préparation de son troisième plan de développement durable, met quasi quatre ans pour sortir un nouveau plan. Le Conseil wallon de l’eEnvironnement pour le dDéveloppement durable (CWEDD), , sollicité mi-septembre pour remettre un avis sur la « phase I : inventaire et choix des thèmes », n’a pas manqué de le faire remarquer : le « calendrier [est] particulièrement serré au regard du travail et de la réflexion à fournir ».
Le CWEDD s’est également étonné, tout comme nous, que « malgré la transversalité de la notion même de développement durable, la composition du comité d’accompagnement montre peu de diversité (la DGRNE est la seule Administration présente dans le Comité d’accompagnement – ndla), et que par ailleurs aucune coordination n’est prévue avec les entités fédérale(2) et fédérées ». Toutes les administrations ainsi que l’échelon fédéral devraient être présentes dans le comité d’accompagnement. Dans le même ordre d’idées, nous sommes également surpris que ce dossier ait été confié à un seul ministre alors que le gouvernement wallon entier, ses administrations mais aussi les Communautés française et germanophone sont concernés par une telle stratégie. Celle-ci devrait, selon nous, être pilotée par le ministre-président comme c’est le cas en Région Flamande.
Quant au contenu de la stratégie proposé par le bureau d’étude, il s’est avéré faible tant du point de vue des principes de gouvernance proposés, des thèmes retenus que de la manière dont ces thèmes ont été choisis. Le CWEDD dans son avis insiste pour qu’y soit élaborée « une vision pour la Wallonie, sous-tendue par les valeurs estimées essentielles et soutenue par un cadre méthodologique permettant d’améliorer et de lier les outils existants ou à créer ». Les défis pour la Wallonie doivent y être définis et déclinés selon les spécificités wallonnes. Pour chacun de ces défis, il s’agit de pointer des objectifs stratégiques à privilégier à court, moyen et long termes et de les examiner sous l’angle des trois piliers du développement durable.
Nous l’avons dit, la Stratégie de développement durable de la Wallonie doit devenir le cœur de sa stratégie politique. La matière est immense et la Stratégie de DD en tant que telle ne peut évidemment pas entièrement la couvrir. La grande liberté laissée à tous les acteurs de la Stratégie ne peut donc s’exercer efficacement que si des lignes d’action communes incluant les principes de bonne gouvernance dirigent leurs actions en faveur d’un DD, favorisant ainsi leur cohérence et créant progressivement des synergies entre elles.
Parmi ces lignes directrices, citons l’exemplarité de la région wallonne via le verdissement efficace de ses marchés publics par exemple, la définition de coopérations nécessaires entre communautés, régions et fédéral, autorités locales et administrations; la sensibilisation et l’éducation au développement durable, les études d’impacts à réaliser en examinant l’ensemble des dimensions du développement durable, l’application du principe d’amélioration continue, etc. Par ailleurs, pour parvenir à faire de cette stratégie une véritable feuille de route « durable » qui soit utile et utilisée par tous les acteurs concernés, l’harmonisation et la coordination avec les autres plans stratégiques globaux -tels que par exemple le Contrat d’avenir renouvelé (CAR), ou le plan Marshall qui découle directement du CAR ou les plans sectoriels (plan déchets, etc.)- mais aussi une amélioration de ces plans vers plus de durabilité, est indispensable. Pour ce faire, un inventaire de ces plans, de leurs objectifs et actions sera réalisé, mais aussi et surtout la stratégie s’engagera à les améliorer en intégrant l’ensemble des principes du développement durable [[Le Gouvernement fédéral en est à la rédaction de son troisième plan de développement durable dont la sortie est prévue début 2008 : l’expérience acquise aurait pu servir efficacement à l’élaboration de la stratégie wallonne.
]] Un régime contraignant sera idéalement prévu pour que les membres du gouvernement wallon dans leur ensemble suivent réellement les lignes directrices de la stratégie.
L’espoir fait vivre, mais….selon Elio Di Rupo, qui répondait à une lettre ouverte d’Associations 21 l’interpellant sur la Stratégie régionale de développement durable [[Plate-forme associative regroupant actuellement une vingtaine associations actives dans le domaine du développement durable dont IEW, créée dans le souci de favoriser la mise en œuvre d’un développement durable par une mise en commun d’informations, de réflexions, d’expériences et d’actions. http://www.associations21.org
]]. « la définition d’une stratégie de développement durable en Wallonie n’est plus un objectif. C’est une réalité. Une réalité qui est à l’œuvre dès à présent et se traduit à travers de nombreuses mesures coordonnées. » Monsieur Di Rupo semble donc être satisfait de la situation actuelle et se pose d’ailleurs la question « faut-il élaborer un nouveau plan développement durable »?
Comment Monsieur Elio Di Rupo explique t’ il alors que la Wallonie continue à s’urbaniser à vitesse grand V -l’équivalent d’un terrain de football toutes les deux heures ? Que les normes énergétiques utilisées en Wallonie pour les nouvelles constructions continuent à être tout à fait insuffisantes et en deçà de celles préconisées par exemple en Région Flamande ? Que les émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports ont augmenté de 30% depuis 1990 ?
Certes, des projets durables existent en Wallonie mais sont trop souvent des projets « pansements ». De façon générale, la politique régionale wallonne continue son petit bonhomme de chemin avec un souci premier : le développement économique, en oubliant que protéger l’environnement c’est d’abord veiller à ne pas le détruire…
Une stratégie de développement durable bien construite, ensemble avec tous les acteurs, devrait aider la Région à avoir une véritable stratégie politique durable. Encore faut-il que les acteurs concernés en soient convaincus…L’espoir fait vivre mais l’attente fait mourir.
En savoir plus :
- Avis du CWEDD du 9 novembre 2006 « Convention d’étude relative à la réalisation d’une Stratégie régionale de Développement durable – Phase I : inventaire et choix des thèmes »
- Stratégie développement durable wallonne : propositions de lignes directrices, IEW (juillet 2006) www.iewonline.be
- Lettre ouverte « A quand une (vraie) stratégie de développement durable ? » Associations 21 www.associations21.org