Gérer nos déchets en Région wallonne ? Le point.

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Parfois il est bon et utile de faire le point. Remettre une page blanche sur la table, et mettre à plat en colonnes de petits « + » et petits « – » les arguments à considérer en matière d’équipements de gestion des déchets. C’est ce que la Fédération a fait.

Les principales filières de traitement de déchets existant en Région wallonne ont été passées à la loupe, abstraction faite de la prévention des déchets. De cette analyse critique et constructive, il ressort en filigrane qu’il est grand temps, en Région wallonne, de réévaluer les outils de planification élaborés il y a plus de 10 ans. Le Plan wallon des déchets à l’horizon 2010 est obsolète et les plans stratégiques des intercommunales ne sont pas construits sur base d’une participation citoyenne. Or celle-ci est d’autant plus nécessaire dans le cas de la gestion des déchets, que cela concerne tout un chacun dans ses gestes les plus quotidiens.

En préliminaire, précisons que l’exercice fut difficile car, rappelons-le, la Fédération se positionne clairement en faveur de la prévention. Tant que la société n’envisagera pas de diminuer à la source ses déchets, tout en continuant à assurer le développement de filières de gestion de ces déchets, celles-ci auront inévitablement un effet d’appel contre-productif !

Du point de vue des flux : plus de clarté et une meilleure communication !

La Fédération demande que la communication soit plus claire tant vis-à-vis des citoyens que des gestionnaires des installations de déchets sur ce que sont les déchets dûment autorisés dans leurs systèmes de collectes et de traitement (suivant leur origine et leur composition).

Concernant les déchets assimilés, une clarification est nécessaire de la part des communes sur les flux collectés et mélangés repris sous cette rubrique générique. Ces flux doivent être identifiés et leurs coûts de gestion répercutés sur leurs producteurs.

Le déchet ultime doit être légalement défini. Pour la Fédération, le déchet ultime est celui dont on ne peut rien faire d’autre que l’enfouir dans une décharge. Etant entendu que tout ait été fait afin d’éviter sa production et que son cycle de vie ait été prolongé au maximum.

Concernant la traçabilité des flux, la Fédération souhaite avoir les garanties suffisantes qu’aucun déchet ne se « perde » avec les impacts possibles sur l’environnement et la santé que ces dérives peuvent entraîner (ex: dépôts clandestins, exportation de pseudo-produits vers les pays en voie de développement…).

Réemploi et réutilisation : une filière à soutenir et à encourager

L’économie sociale pour le réemploi et la réutilisation comme le proposent les Ressourceries sont des filières à encourager en priorité. A la pointe de la hiérarchie de bonne gestion des déchets, il convient que les pouvoirs publics (aussi bien les communes que la Région) soutiennent cette filière. La priorité est de rechercher et d’assurer des améliorations au niveau des systèmes de collecte et de promotion des objets de seconde main.

Toutes les possibilités d’échanges de produits, de bourses ou de brocantes entre particuliers sont évidemment soutenues et encouragées par la Fédération. Le seul risque est la perte de traçabilité de certains déchets potentiellement dangereux (vieux frigos, électroménagers) qui pourraient se retrouver dans les fonds de jardin ou dans des dépôts clandestins une fois récupérés certains de leurs composants facilement recyclables.

Oui au compostage à domicile ou dans de petites unités locales

La Fédération soutient le recyclage de déchets verts mais souhaite qu’il soit encouragé en priorité à domicile sur le terrain même d’où sont issus les déchets verts et, à défaut, au niveau local par des petites collectivités afin de limiter le transport et les nuisances dues entre autre au stockage de ces déchets.

Cependant, cette activité génère des odeurs et le choix d’implantation de sites est donc capital. Une réflexion est à mener dans ce sens : proximité des sources de déchets verts et/ou des destinataires du compost en considérant le charroi et les investissements financiers pouvant être nécessaires pour assurer la couverture du site et la maîtrise des effluents gazeux.

Une filière d’avenir : la biométhanisation tant pour les déchets ménagers qu’industriels avec production d’énergie et de compost de qualité !

La Fédération soutient la filière de biométhanisation des déchets fermentescibles dans la mesure où elle permet une bonne valorisation énergétique (électricité, chaleur, biogaz) tout en offrant aussi la possibilité d’un recyclage matière du digestat (sous forme de compost).

Cette filière doit être alimentée de déchets fermentescibles les plus « purs » possibles; elle dépend donc d’un tri sélectif des déchets organiques en amont et d’une quantité et qualité relativement constantes de déchets entrants afin d’assurer une bonne dégradation anaérobie et la production d’un digestat de qualité. Au niveau industriel, le gisement des déchets est beaucoup plus vaste mais aussi très « éclaté ». Il concerne aussi bien des déchets dangereux que non dangereux : sous-produits animaux, déchets de l’industrie alimentaire, boues de station d’épuration, résidus d’industrie du papier, du bois…. Il y a aussi un potentiel dans les déchets de l’HORECA, des cantines scolaires, des marchés matinaux… Même si une estimation précise de ces gisements est difficile, il est fort probable que la biométhanisation soit appropriée dans de nombreux cas. Cela participera au développement du tri sélectif en milieu industriel (encore à ses balbutiements) et à la production d’énergie locale.

Une priorité pour la Région wallonne: traiter les terres polluées en minimisant leur transport pour redonner vie aux terrains contaminés.

Le traitement des terres polluées et l’installation de centres de traitement de terres polluées permanents ou temporaires sur le site même à assainir est une nécessité.
Il est plus que temps pour la Wallonie de prendre ce défi à bras le corps et de se débarrasser une fois pour toutes de ses chancres. Cependant il est nécessaire de cadrer le développement de ces filières dans une perspective globale d’assainissement pour éviter les dépôts clandestins, les économies de bout de chandelle… et les transferts de déchets dangereux (terres polluées) non contrôlés.

Dans la mesure du possible, il est de loin préférable de mettre en place des filières de traitement sur friche afin de limiter le transport des terres polluées (ALLER et parfois même RETOUR !) étant donné que par ailleurs, la friche est généralement, dans l’état, non exploitée et dans l’attente d’une réaffectation.

A nouveau, le choix de l’implantation des centres de traitement doit se faire en prenant en compte les impacts du transport. La voie d’eau apparaît comme une alternative durable au transport de volumes importants de terres; étant donné également la concentration des friches industrielles wallonnes en bordure des voies navigables.

La co-incinération en cimenterie : une filière nécessaire pour assurer l’élimination de déchets dangereux mais attention à cet « aspirateur à déchets » gros pollueur.

Etant donné les quantités importantes de déchets co-incinérés, les quantités de polluants atmosphériques émis et la consommation énorme de ciment par tête d’habitant, la Fédération souhaite avant toute chose poser la question de l’éco-consommation responsable et du recyclage des matériaux issus de la (dé)construction. Chaque belge consomme en effet 577 kg de ciment par an et produit 545 kg de déchets ménagers…

La co-incinération des déchets dangereux en cimenterie offre une filière d’élimination de ces déchets et c’est une bonne chose. Cependant la Fédération reste préoccupée par la qualité du ciment dans lequel se retrouvent piégés des métaux et autres composés. L’autre question épineuse concerne l’élimination de la biomasse. Le calcul des émissions de rejet de CO2 pousse les cimentiers à consommer de la biomasse. En effet, cela leur permet d’économiser leurs quotas de CO2. Cependant, cet emploi de biomasse limite le développement d’autres filières plus intéressantes en matière de recyclage et /ou de production énergétique.
Enfin, cette filière est la seule filière d’élimination « en Wallonie pour des déchets dangereux wallons ». Le fait de rendre la Région dépendante d’un cycle économique et privé est dangereux tant pour l’environnement que pour sa responsabilité de service de salubrité publique. La Fédération demande que, lors de la préparation du nouveau PWD, une réflexion soit menée à ce sujet.

L’incinération reste une opération d’élimination des déchets.

Pour la Fédération et pour les associations d’environnement en général, l’incinération est et restera une filière d’élimination des déchets qu’il ne faut plus développer. Même si l’Europe a ouvert une brèche avec la nouvelle directive cadre sur les déchets, les ONG estiment que le seul critère énergétique n’est pas suffisant pour faire basculer une opération d’élimination à de la valorisation. Il convient de réaliser une analyse multi-critères durable reprenant des critères environnementaux (quantités et qualité d’émissions, réduction du volume des déchets, degré de renouvellement des ressources…), sociaux (économie sociale créatrice d’emplois) et économiques (efficience des ressources, principe de proximité, disponibilités des BAT).

Les incinérateurs et l’élimination des déchets en général découragent toute recherche et tout développement de filières plus hautes dans la pyramide de gestion des déchets. Les objets encombrants sont incinérés alors que des alternatives de recyclage existent pour certains. Les incinérateurs sont également des obstacles à la mise en place de collectes sélectives d’organiques. Enfin, cette opération n’est pas neutre en émissions. Elle produit des déchets solides problématiques comme les mâchefers (qui peuvent être valorisés dans le fond des routes mais quelles garanties de sécurité à long terme ?) et les refiom (également utilisés dans les années 1980 dans le fond des routes). La Fédération insiste pour qu’une réévaluation des mâchefers soit réalisée en vue de préciser leurs caractéristiques chimiques et physiques en application du principe de précaution.

Par ailleurs, même si les normes et les contrôles des émissions atmosphériques ont été revus, les composés des produits et donc des déchets évoluent au niveau complexité chimique… avec toutes les inconnues que cela comporte. Cet argument est également valable pour le procédé de co-incinération qui brûle également de grandes variétés de déchets.

La décharge : une filière en bout de course

La décharge (mieux que le vocable « centre d’enfouissement technique ») exprime bien ce qu’elle est. C’est une filière d’élimination qui enfouit le déchet en le soustrayant aux yeux du monde mais qui ne l’élimine pas. La Fédération reconnaît que les nouvelles décharges construites avec les meilleures techniques disponibles permettent un contrôle et une protection des nappes phréatiques par une imperméabilisation du fond de la décharge avant le dépôt des déchets.

Il s’ensuit une obligation de contrôles approfondis des tumulus et dépôts pendant de longues années tant pour les émissions de gaz que les lexiviats à récupérer ainsi que la stabilité du dépôt à assurer (ravinement des pentes, perforation des membranes supérieures…).
Les décharges ont un impact paysager majeur dans la mesure où elles modifient de façon permanente le paysage, même si un tassement des déchets se produit avec le temps.

Cette filière comme la majorité des filières de traitement de déchets, implique de faire confiance à l’exploitant car une fois le déchet enfoui, on ne le voit plus… Cependant, il reste là « à vie » avec les nuisances qu’il peut provoquer par lui-même ou suite à sa transformation et sa mise en contact avec d’autres déchets à proximité.

Les décharges de classe 3: toujours à planifier en veillant à clarifier certaines définitions.

Enfin, et en particulier pour cette filière, les outils de planification régionale sont déterminants et doivent à tout prix considérer au plus juste les besoins de la Région à moyen et long terme. La Fédération demande dès lors que le Plan wallon des déchets vérifie les estimations du Plan des CET et que les décharges de classe 3 (déchets inertes non recyclables!) fassent l’objet d’une planification et d’un contrôle rigoureux. La définition de déchet ultime est une urgence ainsi que la clarification d’une série de définitions dont celle des DIB (déchets industriels banals) et des ordures ménagères.

Transport, performances énergétiques, caractérisation des émissions en regard aux déchets entrants… sont des indicateurs de suivi indispensables pour évaluer les performances environnementales d’une filière.

Ces propositions ne sont que quelques pistes qui méritent d’être approfondies avec les acteurs concernés (gestionnaires et administration de contrôle). Elles sont listées et détaillées dans le texte complet de la position. Des pistes en matière d’aménagement du territoire sont également évoquées ; tout comme les besoins d’assurer un contrôle et des sanctions en cas d’infractions.

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