Croissance des populations, croissance des besoins, croissance des productions, croissance des prélèvements et des rejets. Notre Terre n’a jamais été autant sollicitée.
Crise économique, crise environnementale, crise énergétique, crise de l’accès à l’eau, crise humanitaire… Sont-ce là les limites de ces croissances ?
La croissance ne serait donc finalement pas ce qui va de pair avec une amélioration de la satisfaction de vie de tout un chacun ?
Comment s’en sortir ?
Faut-il le rappeler : l’humanité doit faire face à une série de crises dont la gravité est de plus en plus palpable (financière, économique, alimentaire, climatique).
Ces crises « indiqueraient »-elles les limites du système économique (capitalisme financier), et plus largement du modèle de développement des pays occidentaux ? Ce système économique est fondé sur le «toujours plus», « toujours plus vite», avec des perspectives ancrées dans le court terme. Chômage, inégalités de revenus croissantes, dégradation des conditions de travail, affaiblissement des liens familiaux et sociaux, dégradation de l’environnement en sont quelques dérives manifestes.
Et il n’est pas inutile de rappeler qu’au travers de ce modèle de croissance, ce n’est tant pas la vie sur terre qui risque d’être mise à mal, mais bien l’humanité en elle-même. En effet, «la vie, nous le savons maintenant, est d’une robustesse extraordinaire. Elle continuera à s’adapter et à foisonner comme elle le fait depuis quatre milliards d’années sous des formes d’une variété toujours époustouflantes. Mais nous, les humains, sommes beaucoup, beaucoup plus fragiles. Notre survie dépendra des conditions futures à la surface de la planète.»[[REEVES, H. (2003), Mal de Terre, Ed. Seuil.]]
Un monde fini
La Terre (les ressources naturelles) constitue un système fini et fermé. Cette finitude des ressources entre inévitablement en conflit avec le postulat en cours d’une croissance infinie pour tous. Les crises du pétrole et de l’eau en sont des signes parmi de nombreux autres possibles : nous sommes amenés, sous peine de graves problèmes, à gérer les des capacités d’auto-reproduction de la planète.
Le constat des limites de la croissance avait déjà été dressé, il y a un quart de siècle, par le Club de Rome[«Le Club de Rome est une association privée internationale créée en 1968. En 1971, il lance un « pavé dans la marre » en publiant Halte à la croissance en réponse au constat déjà posé de la surexploitation des ressources naturelles liée à la croissance économique et démographique. Cette association prône la croissance zéro et trace les grandes lignes d’un développement économique compatible avec la protection de la planète à long terme» ([Dictionnaire de l’environnement).]] qui tirait alors la sonnette d’alarme : «la croissance économique [[Par croissance économique, on entend l’augmentation de la production de biens et de services dans une économie sur une période donnée. Cette valeur s’exprime au travers du PIB (Produit Intérieur Brut) qui mesure le bien-être matériel d’une société. Un indicateur limité en ce qu’il malheureusement fait l’impasse sur des composantes pourtant fondamentales, telles les ressources sociales et naturelles.]] ne peut se poursuivre, confrontée qu’elle est à la finitude des ressources et au nécessaire maintien de l’équilibre écologique». La croissance économique objectivée par le seul PIB (qui souvent se réduit d’ailleurs à la croissance des ventes de bagnoles) a néanmoins poursuivi son petit bonhomme de chemin en faisant fi des recommandations de ce groupe d’experts et en restant ainsi l’indicateur privilégié de la bonne santé tant des entreprises que des économies nationales.
L’argent, ne fait pas le bonheur, mais…
Dicton populaire nié de la théorie économique classique, laquelle considère que l’Homoi oeconomicus est insatiable et mû tant par la quantité que par la diversité de biens et que le degré de satisfaction de la population est subordonné au revenu (à en croire certains économistes, le bien-être croîtrait avec le revenu ou avec la richesse). Tel est d’ailleurs le crédo repris par maintes nations et institutions internationales qui placent parmi leurs priorités la croissance économique, au nom du bien-être des peuples.
Le cours de l’histoire nous apprend néanmoins que «de manière quasi générale, trente (voire cinquante) années de croissance économique soutenue n’ont pas augmenté l’évaluation subjective de la satisfaction de vie»[[CASSIERS, I. et DELAIN, C. (2006), La croissance ne fait pas le bonheur : les économistes le savent-ils ?, Regards Economiques n°38.]]. Il apparait donc que, au-delà d’un certain niveau d’enrichissement ou de croissance, le sentiment de bonheur – en stagnation depuis une trentaine d’années au moins – ne suit plus la courbe de croissance – en forte hausse quant à elle.
Ce que l’on appelle en jargon économique « les externalités négatives»[[L’externalité ou effet externe désigne une situation économique dans laquelle l’acte de consommation ou de production d’un agent influe positivement ou négativement sur l’utilité d’un autre agent, sans que cette influence ne se traduise par une variation au niveau des prix.]], prennent le dessus et, in fine, annihilent les bienfaits de la croissance économique.
Au nom de quoi alors, sachant les motifs de satisfaction de vie indépendants à partir d’un certain niveau de la richesse matérielle (si pas corrélés négativement à la croissance économique), continuer sur cette voie consumériste qui nous pousse à accumuler tant et plus si, au bout du compte, le sentiment de bien-être s’en trouve stagnant si pas dégradé ?
Politiques : ACTION !
Une transformation radicale notre modèle de croissance est donc impérative.
Sur cette base, les autorités publiques auront dès aujourd’hui à faire preuve d’audace dans leurs politiques et devront accompagner les citoyens dans une progressive sortie du cercle vicieux de la croissance infinie pour intégrer le cercle vertueux d’un modèle nouveau basé sur la prise en compte des limites de nos ressources et de la nécessité de les gérer au mieux pour assurer aux générations futures (de toute l’humanité et pas seulement du 1/5 de la population que constitue le monde occidental) un avenir suffisamment harmonieux
Pour ce faire, les politiques doivent dès aujourd’hui actionner divers leviers qui permettront de changer le cours du monde et de rendre aux processus économiques une finalité sociétale. Des orientations clés sont à mettre en ½uvre pour concrétiser une telle transition, notamment :
- assurer la transition économique en se dotant d’une économie à faible intensité en carbone et efficace sur le plan énergétique et des ressources naturelles ;
- mener toutes les politiques en gérant le territoire comme une ressource précieuse ;
- utiliser la fiscalité «verte» comme un levier d’innovation, favorable à l’environnement et à l’emploi ;
- faire face au défi du transport : passer de la mobilité à l’accessibilité ;
- réviser la fiscalité automobile (taxes de mise en circulation et de circulation) pour la mettre au service de l’environnement ;
- identifier et supprimer les «subventions à la pollution» telles que les subventions aux compagnies low-cost et aux aéroports ;
- mettre les moyens nécessaires en ½uvre pour arrêter l’érosion de la biodiversité ;
- remédier aux lacunes en termes de gouvernance.