Dans le cadre de son rapport annuel 2008, Fost Plus a fait réaliser un « Moniteur de l’environnement 2009 » afin de faire le point sur les comportements, attitudes et perceptions des consommateurs belges face à l’environnement. Les conclusions sont sans surprise concernant le leadership de la Belgique en termes de tri, de satisfaction des consommateurs quant aux systèmes de collecte des déchets…
Une question qui en soulève d’autres est celle relative aux raisons de trier. En 2001, c’était clairement les aspects contraignants, obligatoires et « civiques » qui étaient à la base du respect des consignes de tri ; c’était aussi l’objectif de diminuer le volume des déchets à incinérer et faciliter le recyclage. Par contre en 2009, le consommateur dit qu’il trie « parce que c’est meilleur pour l’environnement et le futur de nos enfants ». Les autres arguments sont passés au second rang. Ceci confirme qu’un argumentaire intelligent au service d’une contrainte légale ont modifié rapidement et efficacement les comportements des gens. Le geste de tri, à force de campagnes de sensibilisation, est devenu un réflexe qu’on ne questionne plus, en tout cas à son domicile et en conditions normales, et dont on a oublié les justifications. Le tri n’est globalement plus remis en question.
Si cette information est intéressante en termes d’efficacité de la combinaison « contrainte + sensibilisation intelligente », elle est criticable en termes de politique globale de gestion des déchets. En se focalisant principalment sur le tri/recyclage, la politique a favorisé les producteurs et les distributeurs, membres de Fost Plus. Et, si c’est un plus pour l’environnement, c’est aussi une terrible contrainte pour toute réflexion envisageant d’autres modes de vie, de production et de consommation, et tout geste de prévention !
Le document de Fost Plus révèle aussi que le CO2 et le climat sont les problèmes environnementaux les plus préoccupants et que le tri des déchets est considéré comme la principale contribution personnelle à la sauvegarde de l’environnement (du point de vue des consommateurs). Le CRIOC qui réalise depuis de nombreuses années une enquête quantitative sur les préoccupations des wallons pour l’environnement arrive à ces mêmes résultats : « le tri des déchets reste le premier geste en faveur de l’environnement que posent les habitants de la Wallonie ». Par ailleurs son enquête confirme que le consommateur confond prévention et tri puis qu’il estime que pour produire moins de déchets (faire de la prévention des déchets) il faut bien trier ses déchets ! La propagande de Fost Plus est donc efficace en ce qu’elle martèle ce qu’elle souhaite tout en occultant ou favorisant l’amalgame sur les mesures qui lui seraient défavorables.
Peu d’études existent qui analysent le cycle de vie des emballages, leur bilan environnemental en considérant différentes filières possibles en terme de tri, collecte et gestion. L’ADEME a rassemblé différentes données à ce propos. A leur lecture, il en ressort que, dans l’état actuel des consignes de tri, les emballages plastiques posent le plus de question :
ils sont volumineux mais légers, ils impliquent des coûts environnementaux très élevés en matière de collecte (km parcourus par des camions remplis en terme de volume mais pas de charge; qui freinent et réaccélèrent tout le temps…)
seule une fraction de ceux-ci sont acceptés dans les sacs PMC; la majorité des plastiques finissent encore dans les ordures ménagères pour lesquelles, collecte, traitement et élimination sont pris en charge par la collectivité et les citoyens;
ils obligent un contrôle de tri des sacs PMC sévère et coûteux (ce sont les emballages plastiques qui contribuent à la fraction refusée soit 15% du poids des sacs PMC);
le bilan environnemental du recyclage des plastiques n’est positif que si le plastique recyclé peut subsituer de par ses qualités du plastique vierge.
Pour les emballages papier/carton, le recyclage s’affirme comme le plus intéressant au niveau environnemental même si le taux de substitution dans les produits recyclés tout comme le devenir de la biomasse « épargnée » imposent clairement la prévention de ce type de déchet !
Pour les emballages acier et alu, le tri par le consommateur n’a que très peu d’impacts environnementaux positifs si les ordures sont incinérées. A nouveau, le transport spécifique (le circuit de collecte doublé) pèse très fort dans la balance ! Une séparation des métaux dans les résidus solides de l’incinérateur est dès lors nettement préférable, dans l ‘hypothèse de l’absence de collectes spécifiques.
Pour le verre, la réutilisation s’impose même si la distance de distribution est clairement une variable déterminante lors de la comparaison des filières réutilisation / recyclage.
Dès lors, en tant que consommateur, si véritablement le CO2 et le climat sont nos priorités, les gestes simples et efficaces à faire sont :
acheter des produits en vrac, de saison et de proximité; boire de l’eau du robinet ou des boissons produites localement en bouteille en verre consignée;
éviter autant que faire ce peut les emballages plastiques;
exiger des emballages réutilisables et/ou à base de matériaux recyclés (le taux doit être visible).
Et soulevons quelques interrogations un peu provocatrices nous le reconnaissons mais qui ont pour objet de s’interroger plus loin sur nos pratiques de tri/recyclage :
Dans la mesure où la collecte sélective PMC ne se justifie que pour une qualité de tri de certains plastiques recyclables, mais que par ailleurs elle ne couvre que 20 kg des 320 kg de déchets ménagers que chaque belge produit annuellement, dans la mesure où elle implique des coûts environnementaux élevés (collecte sélective, tri) pour un taux de substitution de plastiques vierges marginal, ne convient-il pas de remettre en cause cette collecte et ce geste de tri du citoyen ?
Par ailleurs, tant qu’il y aura des incinérateurs, acier et alu seront récupérés efficacement à la sortie des fours : tri et collecte sélective n’auraient donc plus de raisons (environnementales) d’être ! Ceci sans nécessité d’augmenter la capacité des fours… près de 50% des résultats de Fost Plus sur ces emballages résultent déjà du rachat des métaux après incinération des déchets ménagers (ordures et encombrants).
Dès lors, le caractère normatif et sa justification ayant fait leur preuve; il convient de prévoir des impositions claires sur les produits qui prennent en considération une analyse complète de leur cycle de vie (taxe carbone, taux de matérieux recyclés, durée de vie…) et véritablement ouvrir la voie à de nouveaux modes de vie et de consommation !