Vous vous souviendrez probablement qu’en janvier dernier la Fédération introduisait un recours en annulation devant la Cour constitutionnelle à l’encontre du décret communément appelé le décret DAR[[Décret du 17 juillet 2008 relatif à quelques permis pour lesquels il existe des motifs impérieux d’intérêt général, publié au Moniteur belge du 25 juillet 2008]]. Pour rappel, le mécanisme mis en place consiste à faire ratifier des permis par le Parlement pour des projets pour lesquels il existerait, soi-disant, des motifs impérieux d’intérêt général[[Pour un exposé détaillé de la matière, je vous renvoie à la niews 51 http://www.iewonline.be/spip.php?article2855]]. Ce décret doit notamment permettre la réalisation des travaux relatifs aux aéroports de Liège-Bierset et de Charleroi, au RER, à la station d’épuration du Hain, au projet Fedex à La Hulpe ou encore au contournement de Couvin.
Sous le faux prétexte de vouloir associer d’avantage les parlementaires au processus décisionnel, la volonté pernicieuse des auteurs du projet consiste ni plus ni moins à vouloir évincer le Conseil d’Etat du contrôle juridictionnel qui était le sien pour des projets qui faisaient l’objet de recours et qui ne parvenaient pas à se concrétiser en raison de l’annulation prononcée par le Conseil d’Etat. Hé oui, avec le stratagème élaboré, les permis faisant l’objet d’une ratification parlementaire prennent la forme d’un acte législatif (un décret en l’occurrence) lequel ne peut être soumis à la censure que de la Cour constitutionnelle dont le contrôle juridictionnel est sensiblement différent de celui du Conseil d’Etat.
Depuis le début, IEW n’a pas manqué de tirer à boulet rouge sur le DAR tant les critiques à son encontre sont nombreuses. Outre une atteinte à la séparation des pouvoirs (immixtion du pouvoir législatif dans les tâches dévolues à l’exécutif), quelle image en terme de bonne gouvernance laisse transparaître un Gouvernement en voulant évincer une juridiction au profit d’une autre au motif non dissimulé que la première de part ses arrêts empêcherait la réalisation de projets prétendument d’envergure. Or, lorsque le Conseil d’Etat annule un permis c’est précisément parce que la procédure conduisant à la délivrance des permis connait de problèmes de légalité ou de motivation (autrement dit, la procédure n’a pas été respectée).
Une crainte supplémentaire porte également sur le fait qu’il existe un risque de méconnaissance du droit de l’environnement et, par conséquent, un recul potentiel en terme de protection de l’environnement. En effet, comme l’énonçait la Fédération dans son communiqué de presse du 26 janvier 2009, «(…) les compétences de la Cour constitutionnelle ne lui permettent en effet pas de vérifier la légalité des procédures d’instruction conduisant à l’octroi d’un permis (par exemple, le respect des procédures d’évaluations des incidences sur l’environnement »[[Communiqué de presse d’IEW du 26 janvier 2009]].
Du nouveau depuis ?
Depuis l’introduction des recours, de nouveaux évènements sont intervenus lesquels sont loin de plaider en faveur du DAR.
D’une part, ce pamphlet législatif (osons le terme) a fait du bruit par delà les limites du territoire wallon et a fait bourdonner les oreilles de la Commission européenne qui fut pour le moins irritée par le mécanisme juridique ébauché par les auteurs du décret. Et pour cause me direz-vous… En juin dernier, la haute instance européenne n’a pas manqué de mettre en demeure la Belgique de s’expliquer par rapport aux critiques formulées par la Commission qui portaient notamment sur le champ d’intervention différent de la Cour constitutionnelle par rapport à celui du Conseil d’EtatVoyez à cet égard le communiqué de presse de la Fédération IEW du 25 juin 2009. Il ne reste plus qu’à patienter sur les justifications qui seront apportées par la Belgique… nous verrons bien quelle argumentation sera avancée pour justifier le difficilement justifiable.
Inter-Environnement Wallonie souhaitait également porter à la connaissance de la Commission européenne son opposition à l’encontre du DAR raison pour laquelle elle a, conjointement avec d’autres associations, déposé une plainte contre ce décret ainsi qu’à l’encontre de trois décrets de ratification déjà adoptés par le Parlement wallon.
De nouvelles perspectives suite aux élections régionales ?
Il semble prématuré d’affirmer à ce stade que de nouvelles perspectives se dégagent suite aux élections régionales. Néanmoins, dans le cadre des consultations préalables à la formation du nouveau Gouvernement régional, IEW n’a pas manqué de solliciter la suppression du DAR d’autant que, selon elle, d’autres instruments législatifs existent déjà pour prendre en considération l’intérêt public.
La Fédération sera t-elle entendue? Espérons-le… La déclaration de politique régionale du nouveau Gouvernement se borne à indiquer qu’il sera procédé en début de législature à une évaluation du CWATUPE avec l’ensemble des acteurs concernés dont l’associatif. Un des aspects de cette évaluation « (…) portera notamment sur la ratification parlementaire des permis. »[[Projet de déclaration de politique régionale wallonne 2009-2014 « Une énergie partagée pour une société durable, humaine et solidaire », p. 137]]. De là à dire que la DAR passera à trépas, il n’y a qu’un pas que je n’oserai franchir.
Tâchons néanmoins d’être résolument optimiste en se disant que le portefeuille de l’aménagement du territoire a été dévolu à une personne dont le parti s’est toujours montré farouchement opposé au DAR en votant notamment contre l’adoption du décret. Un revirement d’attitude qui se traduirait par le maintien pur et simple du DAR serait pour le moins difficilement justifiable et pour le moins interpellant en terme de bonne gouvernance, concept assez tendance par les temps qui courent.
Un DAR qui a du plomb dans l’aile?
Le DAR se meurt-il? Qui sait… l’avenir nous le dira. Une chose est cependant certaine: depuis la divulgation de la première mouture du projet de décret jusqu’à ce jour, le moins que l’on puisse dire c’est que le DAR irrite… « Logique ! « me direz-vous. J’en veux pour preuve l’avis pour le moins critique de la section de législation du Conseil d’Etat[[Avis de la section de législation du Conseil d’Etat n°44.320/4 du 7 mai 2008]] au sujet de l’avant-projet de décret, la dizaine de recours introduits devant la Cour constitutionnelle contre la version définitive du texte, la mise en demeure de la Commission européenne…
Espérons qu’à l’instar de l’insecte qui perturbe régulièrement nos barbecues estivaux, après en avoir piqué à vif plus d’un, le DAR s’en ira de sa belle mort…