Une loi sur le développement durable version « light »

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Le Gouvernement a décidé de réviser la loi du 5 mai 1997 sur la politique fédérale de développement durable. C’était prévu dans l’accord mort-né de l’orange-bleue, fin 2007. Cette loi, bonne dans son fond mais améliorable dans son application, est donc l’objet d’un sérieux ravalement de façade. Explication avancée : « on veut rationaliser les acteurs et les processus ». Le mouvement environnemental n’était pas demandeur de cette révision et regrette d’emblée une forte régression de la représentativité de la société civile au Conseil fédéral pour le développement durable.

Une vision à long terme ?

La révision de la loi insère, et c’est évidement très positif, une vision stratégique à long terme de développement durable. Cette vision doit comprendre les objectifs à long terme poursuivis par le Gouvernement fédéral dans les politiques qu’il mène. Elle fixera également un ensemble d’indicateurs permettant de rendre compte de l’atteinte de ces objectifs.

Un bémol de taille : cette vision à long terme sera l’objet d’un Arrêté délibéré en Conseil des Ministres. Exit donc le débat parlementaire et sans doute aussi l’implication de la société civile dans la construction de cette vision. Sans référence aux principes directeurs, aux textes constitutifs antérieurs en matière de développement durable, comment les Gouvernements successifs vont-ils élaborer une vision à long terme qui s’inscrive réellement dans la perspective du développement durable ? La real politique n’est guère un cadre suffisant : tout dépendra de la composition des Gouvernements successifs, des tensions plus ou moins grandes entre les Ministres, de leur poids relatif et du leadership du Premier. Bien entendu, on peut toujours espérer que le Gouvernement, comme, dit-on, à l’époque des Lumières, soit « éclairé ».

Les objectifs étant changeant d’un Gouvernement à l’autre, on peut craindre que la vision à long terme, opérationnalisée par le Plan de développement durable, se limite à l’horizon de la législature en cours. Rien dans la nouvelle loi ne permet de croire en la construction d’une vision à long terme sur la résolution des tendances non-durables de notre développement, pourtant indispensable, qui transcendrait les législatures.

Autre bémol : « la vision à long terme visera principalement à répondre aux engagements souscrits par la Belgique aux niveau international et européen »… Si la vision se limite aux respect des engagements de la Belgique, il s’agira d’une vision quelque peu étriquée. Et dans quelles matières ? Le texte ne le dit pas. Qu’en est-il des engagements de la Belgique sur les compétences régionales, telles que l’environnement ? Et, grande déception corrélée : pourquoi le texte ne précise-t-il pas les grands enjeux en matière de développement durable, là où il faut prioritairement porter le fer ?

Plans et rapports de développement durable

Le cycle des Plans et Rapports de développement durable sont maintenus, moyennant une adaptation des échéances, et ce, en cohérence avec la durée d’une législature fédérale (5 ans). Dès lors, par souci d’efficacité peut-on présumer, ce cycle visera à réaliser les objectifs fixés dans la vision à long terme (notamment la réalisation des engagements internationaux de la Belgique). Les plans de développement durable seront donc des instruments politiques visant à rendre la vision à long terme opérationnelle.

Il n’est par ailleurs plus fait référence à l’Agenda 21 ni à l’objectif plus global de « réalisation des objectifs du développement durable ». La mise en ½uvre de politiques de développement durable va donc dépendre entièrement de la qualité, de l’ambition, de l’audace de la vision stratégique à long terme en regard des principes du développement durable.

La procédure prévoit une communication de l’avant-projet de plan aux Chambres législatives et une consultation du Conseil fédéral du développement durable (CFDD).

Enfin, le Plan peut être révisé par le Gouvernement au cours de sa période de validité, suite par exemple à une changement de Gouvernement, et ce, avec ou sans communication aux Chambres législatives, avec ou sans consultation du CFDD. Cette disposition permettra que chaque Gouvernement ait son plan de développement durable à lui. Mais quid de la continuité de l’action publique ?

Composition du CFDD

Outre un Président et trois vice-présidents, la loi de 1997 prévoyait explicitement que le Conseil soit composé de représentants d’ONG d’environnement, d’ONG de développement, des organisations de travailleurs, des organisations des employeurs, du monde scientifique (6 membres pour chaque groupe) et de représentant des consommateurs (2 membres) et des producteurs d’énergie (2 membres).

La lutte contre la pauvreté étant un des grands enjeux, idéalement cette composition aurait dû être complétée par des représentants des ONG qui travaillent avec les populations les plus démunies. Il en est de même pour les organisations de femmes et de jeunes.

Las, la composition projetée n’a plus aucun lien avec l’Agenda 21, plan d’actions résultant de la Conférence de Rio en 1992, qui est pourtant la référence naturelle institutionnelle en matière de développement durable. Le projet de loi n’y fait plus du tout référence. Le projet de loi indique que désormais « des représentants de la société civile (seront) déterminés par un Arrêté royal délibéré en Conseil des Ministres ». La composition du CFDD sera donc négociée, à chaque législature, au sein du Gouvernement. A la discrétion et selon le bon vouloir du ou des ténors du Gouvernement.

Pourquoi cette modification ? Une interprétation est que certains, dont les représentants des employeurs, ont du mal semble-t-il avec la notion de développement durable et la diversité des points de vue qu’elle suppose. Ils donnent la primauté aux négociations bipartite travailleurs-employeurs, et se sentent minorisés dans une assemblée plus large, selon eux moins efficace. Ils sont donc en faveur d’un « rééquilibre », à leurs yeux, de la composition du Conseil.

Commission interdépartementale pour le développement durable

Le projet de loi maintient une Commission interdépartementale du développement durable. Elle était composée de représentants de chaque membre du Gouvernement fédéral et d’un représentant du Bureau fédéral du plan ainsi que membres désignés par chacune des Régions et Communautés.

Le projet de loi prévoit que désormais cette commission sera composée d’un représentant de chaque service public fédéral et de représentants des régions et des Communautés. Le Bureau fédéral du plan sera représenté par un observateur.

Un rapport sur la mise en oeuvre du plan et de la politique en matière de DD dans les administrations et organismes fédéraux ne sera plus rédigé chaque année par la Commission, mais une fois sur un mandat de 5 ans, soit 18 mois avant la fin du Plan en cours.

Vers un mieux ?

Les politiques de développement durable ne peuvent être couronnées de succès que si tous les membres du Gouvernement et tous les services publics y sont associés et réellement impliqués. Le Conseil des Ministres devra élaborer sa vision à long terme. C’est la seule nouveauté par rapport au système précédent. Les plans de développement durable seront peut-être plus opérationnels, d’une part du fait de l’adaptation du cycle plans-rapports en fonction de la durée des législatures fédérales et, d’autre part, du fait de leur objet : mettre en ½uvre la vision et les engagements à long terme de la Belgique. Alors que l’évaluation des premiers plans montre un faible degré de réalisation, les dispositifs de cette nouvelle législation ne sont toujours pas plus contraignants que précédemment.

C’est le Ministre qui a le développement durable dans ses attributions qui sera le pilote de la politique de DD au sein du Gouvernement. C’est une avancée : dans la loi de 1997 c’était le Ministre de l’environnement qui était compétent. Néanmoins, le financement du CFDD est à charge des crédits du seul SPF environnement, alors que dans la loi de 1997, ce financement relevait à part égales du SPF environnement, celui des affaires sociales, de la coopération au développement et des services du Premier Ministre.

Ce qui risque fort de manquer, c’est une vraie vision du développement durable, fondée sur les principes du développement durable et sur la résolution des tendances non-durables de notre société. Une vraie vision fondée sur un scénario back casting aux horizons de 2030, 2050. Comment allons-nous faire pour que la société soit simplement vivable dans les 20 ans à venir ?


Pour en savoir plus:

Loi 1997

Projet de loi :
Prochainement au Parlement.

CFDD