Consultation directe en aménagement : un intérêt certain !

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Souvent dénigrée parce qu’elle laisserait la place belle à la démagogie, la démocratie directe a sa place dans nos sociétés. La population devrait avoir son mot à dire à d’autres moments importants que les seules élections. En particulier en matière d’aménagement du territoire. En Wallonie, la situation a évolué ces dernières années, mais insuffisamment. La comparaison avec la Suisse est parlante.

18 janvier 2010 : 757 pétitions signées sont arrivées à la maison communale de Rouvroy. Ces habitants de la commune demandaient l’organisation d’une consultation populaire. L’enjeu : la réalisation d’un hall sportif et culturel.

Pour ce hall, la commune de 2.000 habitants avait déjà lancé des études pour près de 800.000 euros. 940.000 euros de subsides avaient en outre été promis, et le permis unique avait déjà été délivré. Mais la commune avait réorienté sa politique, et le projet a été rangé au placard. Des habitants n’ont pas accepté cette décision. Il est vrai que le projet n’attendait plus que sa mise en chantier. Beaucoup le voyaient comme une opportunité unique de faire face à de grands défis : un territoire rural vaste à animer, une population croissante, un éclatement de l’habitat sur plusieurs villages (Dampicourt, Thorgny…). L’idée de faire avancer les choses en ayant recours à une consultation populaire s’est donc imposée chez les habitants.

Ce mode de consultation permet à la population d’impacter fortement sur la vie politique. Ce dispositif assez récent n’existe chez nous qu’au niveau communal : le législateur l’a introduit en 1995 grâce à la nouvelle loi communale modifiée en 1999.

Dans ce mécanisme de démocratie directe, la population s’exprime sur une question donnée. L’initiative peut venir soit de la population, soit de la commune. C’est-à-dire que si le Collège communal, ou le Conseil communal (10% de ses membres) peuvent demander la tenue d’une consultation populaire, les habitants d’une commune ont aussi ce droit (10% des habitants pour les communes de plus de 30.000 habitants). Une commune ne peut pas refuser d’organiser une consultation demandée par les citoyens du moment que les conditions sont réunies.

La consultation peut porter sur toute matière communale. Pour participer au vote, ou solliciter en tant que citoyen une consultation, très peu de conditions sont requises : avoir plus de 16 ans et habiter la commune. Mais la participation à la consultation demeure facultative.

Si la consultation populaire est un outil facultatif, elle pèse néanmoins politiquement très fort. Les consultations organisées à Lobbes (piscine communale), Chiny (mode de gestion des réseaux de distribution d’eau), ou Huy (aménagement du parc des Récollets) l’ont démontré. Pour un Collège, il est difficile d’aller contre le vote de la population. D’où d’ailleurs la réticence fréquente des pouvoirs publics : à Verviers en 2007 à propos de l’implantation du centre-commercial Forum Invest en bord de Vesdre, à Sambreville en 2009 à propos de l’implantation de la prison.

Malgré ces réticences, le principe de la démocratie directe, en politique en général, et en aménagement du territoire en particulier, semble aujourd’hui acquis en Wallonie. Mais le phénomène reste marginal. Que ce soit à l’initiative de la commune, ou bien des habitants, ce n’est que ponctuellement que l’avis de la population est sollicité directement.

En Suisse, la situation est radicalement différente. Ce pays a développé des mécanismes de démocratie directe d’une étonnante vigueur. Un des mécanismes les plus remarquables est l’initiative populaire. Cette procédure permet à des citoyens d’obtenir par pétition un vote au parlement, ou une votation sur un projet de loi, une révision de la constitution,…

Grâce à ce mécanisme contraignant, la population suisse a souvent fait entendre sa voix. Si pas en modifiant directement la législation, du moins en suscitant un débat sur des questions cruciales que le politique peinait à s’approprier. C’est particulièrement vrai en matière de bon aménagement. De nombreuses votations en témoignent : « plus de sécurité en ville grâce à une vitesse max. de 30 km/h » (2000), « pour la protection des régions alpines contre le trafic de transit » (1994), « Ville-campagne contre la spéculation foncière » (1988). Certaines de ces votations ont abouti, améliorant sensiblement la protection de l’environnement, et l’état du territoire en Suisse.

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