Une chasse n’est pas l’autre !

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Comme promis, nous vous livrons ici une nouvelle « édifiante » histoire de chasse…

Nous sommes en forêt publique, au sein d’une étendue de 1.000 ha de forêt communale. Les comptages organisés depuis de nombreuses années avec l’administration, en concertation avec les chasseurs, ont montré d’importantes surdensités de gibiers. Ce dont témoigne sans le moindre doute la dégradation de la forêt… Cette année, l’administration a enfin imposé un plan de tir ambitieux pour ramener les densités aux seuils prévus par le bail de chasse. Le bailleur, contestant les chiffres, l’accepte à contrec½ur.

Tout le gratin de la chasse est au rendez-vous, la fête – qui coûte tout de même à chacun 1.500 euros – peut commencer. 1h30 après le départ des traqueurs, 118 balles ont été tirée. Plus d’une balle à la minute… pour 30 bêtes à l’heure. Bilan de la journée : 81 pièces !

La chasse fut fructueuse, et il est temps de rendre hommage au gibier. Les cors claironnent dans un cérémonial convenu. Cette « formalité » remplie les chasseurs se ruent vers leur 4*4, laissant les traqueurs pantois devant un tel empressement à lever le camp.

Le même jour, juste de l’autre coté du « mur », symbolisé par la clôture qui maintient le gibier sur ce territoire, des « petits chasseurs », à 25 euros le jour de chasse, improvisaient un barbecue, jusque tard dans la nuit autour d’un tableau de chasse constitué… d’un seul sanglier !

Décryptage

De telles surdensités de grands gibiers ne sont pas le fait du hasard… Y contribuent indirectement une terrible compétition entre chasseurs pour louer les territoires communaux, compétition qui a fait flamber les loyers de chasse. La cause de cette compétition accrue se trouve dans la disparition du petit gibier des plaines, suites à l’évolution des pratiques agricoles. Et les investissements (outre le loyer, le garde-chasse, les traqueurs, …) doivent être rentabilisés. Pour y arriver, il faut un territoire de chasse giboyeux. Si on paie 1.500 euros pour une journée au grand air, ce n’est pas pour perdre son temps à attendre un éventuel gibier. Aussi, le gérant veille à son capital : il faut préserver les laies, biches et chevrettes! Comment ? En recourant au nourrissage « dissuasif » qui, comme son nom l’indique, dissuade le cheptel d’aller voir si l’herbe est plus verte sur le territoire voisin. Nourrie au grain chaque jour de l’année, les laies deviennent plus productives et restent en place. Ajoutons à cela le maintien des clôtures en forêt pour s’assurer que le gibier ne fuie pas après les périodes de chasse.

Le plan de tir a été renforcé à la demande notamment de la Commune concernée car les densités risquaient de porter préjudice à sa certification PEFC. La définition des plans de tir est initiée par l’administration sur base d’estimation des populations présentes. Le plan de tir est négocié avec le Conseil Cynégétique. En cas de désaccord, les chasseurs peuvent encore introduire un recours. Cette méthode ne se base malheureusement pas sur base d’indicateur objectif de la pression du gibier ni d’objectifs qualitatif à atteindre. Dans les faits, les plans de tirs ne font qu’entériner la croissance soutenues des populations de cervidés alors qu’il faudrait probablement la diviser par 2.

Position

La Fédération plaide pour que des indicateurs pertinents de la pression du grand gibier soient mis en place (exclos, dégâts d’écorcement, …) afin de faciliter l’objectivation des enjeux associés à la pression de ces espèces sur la biodiversité ainsi que sur la production sylvicole et agricole. Il n’y a pas de densité idéale à atteindre mais bien des objectifs tels que la régénération naturelle, le retour des essences accompagnatrices (bouleau, sorbier, etc.), de la strate herbacée (framboisier, ronciers, etc.) et, bien entendu, des objectifs en termes de dégâts à la forêt.

La Fédération plaide pour que les plans de tirs soient validés dans des commissions de concertation cynégétique sur base de ses indicateurs et objectifs. La représentation des différentes sensibilités, à travers une délégation de leur Fédération respective (IEW, NTF, FWA, UVCW, RSHCW), doit y être équilibrée. Si les objectifs pour ces différents acteurs sont probablement différents, la Fédération considère que c’est dans la discussion entre acteurs, balisée par des indicateurs fiables et reconnus que l’on
pourra trouver des objectifs communs à atteindre et les moyens pour y arriver (aménagements, plans de tir, etc.).

Lionel Delvaux

Anciennement: Nature & Ruralité