La question de la rente nucléaire se retrouve depuis plusieurs semaines au c½ur de l’actualité nationale. C’est que l’enjeu est de taille! Estimée jusqu’à 2,28 milliards d’euros, (fourchette haute de la Commission de Régualtion de l’Electricité et du Gaz – CREG – dont l’hypothèse basse est de 1,75 milliards), cette manne attire les convoitises en ce temps d’austérité budgétaire. Confronté à une bataille de chiffres entre Electrabel et la CREG, le gouvernement fédéral a décidé de faire appel à l’arbitrage de la Banque Nationale de Belgique (BNB) et le rapport de celle-ci vient de situer le montant de cette fameuse rente entre 809 et 951 millions d’euros, ce qui tend à donner raison à Electrabel (qui évalue la rente tirée de l’exploitation des centrales à 750 millions d’euros, dont 652 lui revient).
Pour la Fédération Inter-Environnement Wallonie comme pour de nombreux analystes économiques, le choix du gouvernement de faire appel à la BNB est plus que regrettable. Notre pays dispose en effet d’un régulateur officiel du marché de l’électricité, la CREG, et on comprend mal la raison de demander à une autre institution d’interférer dans son travail. Cette défiance implicite de l’exécutif par rapport à son régulateur ne peut que nuire au bon fonctionnement du marché de l’électricité qui a besoin d’une autorité indépendante, forte et respectée pour le réguler. La décision de faire appel à la BNB comme arbitre est d’autant plus étonnant qu’elle ne possède pas l’expertise de la CREG dans le fonctionnement complexe du marché de l’électricité libéralisé. La Banque Nationale ne dispose pas non plus de la totalité des informations que possède la CREG, notamment la copie des contrats des gros consommateurs industriels. Sur quelles données s’est-elle dès lors basée pour estimer ce fameux prix de vente de l’électricité nucléaire qui nourrit la querelle de chiffres? Il apparaît pour le moins difficile dans un tel contexte de privilégier les chiffres de la BNB plutôt que ceux de la CREG…
Un spécialiste de la BNB avait déjà publié une première étude en 2006[[Revue de l’énergie, n° 572, juillet-août 2006]] qui aboutissait à un montant d’environ 700 millions d’euros. Il s’agissait d’une étude théorique basée sur la littérature scientifique. Lors de son audition à la Chambre en février dernier, Luc Dufresnes de la BNB avait indiqué que « le coût de production retenu dans cette quantification était un coût de production accepté par le monde scientifique et le prix du marché pris en compte a été établi à partir d’informations sur les prix de gros. L’ambition de la BNB n’a jamais été de calculé de façon précise et scientifique la rente nucléaire. Cette étude de la BNB a sa valeur car il devait s’agir historiquement de la première quantification de la rente. Pour le reste, la BNB pourra nourrir le débat par l’apport de concepts théoriques. » Cela signifie d’une part que la Banque Nationale n’était pas « vierge de tout chiffre » pour assurer son rôle d’arbitre et, d’autre part, que ses calculs reposent davantage sur des éléments théoriques que sur des données pratiques. Ce qui plaide à nouveau en faveur des estmations de la CREG.
Mais par-delà le montant de cette rente, il convient de s’interroger sur la part qui en reviendra à l’Etat, la manière dont elle sera prélevée et l’utilisation qui en sera faite.
Pour la Fédération, le montant de cette taxe ne peut être fondé sur une contribution « volontaire » arrangée en coulisses, comme cela fut le cas. Le prélèvement doit être reglementé par une initiative législative. En ce sens, le fait que le Parlement se saisisse du débat est une évolution dont on ne peut que se réjouir.
Par ailleurs, cette contribution nucléaire ne peut pas servir à boucher les trous du budget de l’Etat ; elle doit alimenter un fonds destiné à investir dans les économies d’énergie et les énergies rénouvelables, en ce compris de nécessaires mesures de soutien social. Il est en effet logique et souhaitable que les bénéfices générés par l’effort financier imposé hier aux consommateurs pour amortir de manière accélérée les centrales nucléaire servent aujourd’hui à financer une nouvelle politique énergétique dont le besoin se fait urgemment sentir face au défi climatique et à l’augmentation du prix du prix des énergies fossiles.