Le gouvernement wallon, nous le tenons de source sûre, prend le temps de la réflexion sur la potentielle instauration d’un système de consigne pour les canettes de boisson dans l’objectif d’éviter qu’elles jonchent les bas côtés des routes, chemins et berges de nos rivières. Bonne idée ! Espérons qu’il pensera à se renseigner sur les initiatives existantes en la matière, notamment dans dans d’autres pays européens, dont l’Allemagne, où différents emballages de boisson font l’objet d’une consigne depuis 2003. Objectif recherché : augmenter l’utilisation d’emballages réutilisables et améliorer la qualité des emballages jetables récupérés (nous parions qu’en plus, ça règle le problème de propreté publique).
En 1998, après une diminution notable du taux de réutilisation des emballages de boisson dû à l’arrivée massive sur le marché (depuis les années 60) de boissons en emballages jetables, le gouvernement allemand décide, dans son Ordonnance sur les Emballages, de se fixer l’objectif de 72% de réutilisation de ce type d’emballage. Pour ce faire, un système de consigne sur les bouteilles et canettes est instauré en 2003. Des analyses « « cycle de vie » avaient entretemps confirmé l’importance d’utiliser des emballages réutilisables: leur impact sur la production de gaz à effet de serre a été estimé, pour l’Allemagne, 50 à 60% plus faible que celui des emballages de boisson jetables. Utiliser 100% d’emballages de boisson non alcoolisée réutilisables en Allemagne permettrait d’éviter l’émission de 1,26 millions de tonnes équivalents CO2[[Agence Environnementale Allemande, 2000 et 2002, LCA for beverage containers I and II, UBA-Texte 37/2000 und 51/2002 et IFEU ( Institut pour la Recherche sur l’Energie et l’Environnement), 2008, Life cycle assessment of refillable glass and PET bottles for mineral water and soft drinks.]]. Les impacts en termes de consommation de matières, d’émissions de gaz acides, formation d’ozone troposphérique et d’eutrophisation sont également diminués dans les mêmes proportions par l’utilisation d’emballage de boisson réutilisables, le « meilleur » emballage étant la bouteille plastique (PET) réutilisable. Restons cependant objectifs, à défaut d’être, pour l’instant, réalistes : le meilleur emballage est bien sûr …celui qui n’existe pas. Et au rayon boisson, l’eau du robinet reste la meilleure solution pour les déchets, l’environnement et la santé.
En Allemagne, les emballages consignés sont les emballages en verre, métal ou plastique utilisés pour contenir de l’eau, des boissons « diététiques », des bières ou des boissons gazeuses non alcoolisées, d’une contenance de 0,1 à 3 litres. La consigne est de 25 à 50 cents et l’emballage est identifié par un logo et un code-bar supplémentaire. Les emballages peuvent être rapportés dans n’importe quel magasin qui vend ce genre d’emballages: pas d’obligation, donc, de retourner au même magasin…
Les résultats sont très prometteurs avec un taux de récupération de 98,5% de ces emballages, et donc seulement 1,5% de perte: de quoi réduire le volume de déchets sauvages! De plus, la qualité du produit récupéré permet une réutilisation accrue: les bouteilles en PET sont moins abimées que dans un sac plastique laissé au bord du trottoir… Les emballages consignés sont aussi moins souvent trouvés abandonnés au bord des routes. L’objectif de récupération qualitative a donc bien été atteint.
Néanmoins il reste encore du chemin à parcourir avant de revenir aux emballages réutilisables: si le système a plutôt bien fonctionné pour les emballages de bière dont le taux de réutilisation est passé de 63 à 84%, celui des eaux minérales et des boissons gazeuses continue à s’effondrer pour atteindre respectivement 32% et 26%. Deux raisons principales à cet échec : d’une part, les grandes marques qui ajustent leur prix pour encourager le jetable, plus commode à gérer pour elles, et d’autre part le succès grandissant des magasins de hard discount qui proposent uniquement des boissons en emballages jetables à des prix défiant toute concurrence. L’introduction d’une taxe visant uniquement les emballages jetables permettrait certainement de protéger les parts de marché du réutilisable: une telle mesure a déjà été prise pour les boissons alcoolisées de type « alco pops », cette fois ci pour des raison de protection de la santé des jeunes consommateurs.
L’exemple allemand montre donc bien qu’un système de consigne permet de récupérer des emballages de bonne qualité, ce qui autorise leur réutilisation et à tout le moins leur recyclage optimal. C’est aussi un système efficace pour lutter contre les déchets sauvages qui « fleurissent » au bord des routes. Hélas, cela ne suffit pas pour contrer le marketing du tout jetable: encore faut-il organiser un système cohérent de mesures complémentaires et fortes.
Plus d’info sur les systèmes de consigne sur le site du CNIID (Centre National d’Information Indépendante sur les déchets).
Extrait de nIEWs 92, (12 au 26 mai 2011),
la Lettre d’information de la Fédération.
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