Les épisodes pluvieux plus intenses aujourd’hui que par le passé ne constituent pas la seule explication des coulées boueuses qui frappent certaines régions de Wallonie à un rythme accéléré. L’évolution des pratiques et techniques agricoles contribue elle-aussi grandement au phénomène.
La Fédération demande dès lors aux autorités de mettre en ½uvre sans délai les mesures permettant d’encadrer cette évolution et d’éviter en conséquence des déferlements dévastateurs.
Par-delà une multiplication de la fréquence et de l’intensité des épisodes pluvieux, la répétition des coulées de boue à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés trouve son origine dans une modification des pratiques agricoles et la spécialisation des exploitations. Ainsi, l’abandon de l’élevage a eu pour conséquence le labour de prairies, souvent en pente, qui formaient une ceinture verte autour des villages ruraux, les protégeant de ces coulées boueuses. Par ailleurs, la taille des parcelles cultivées, facteur important de risque d’érosion, n’a cessé de s’accroître conjointement au volume des exploitations, aux remembrements et aux échanges de terre entre exploitants. Dernier élément notable, la qualité des sols cultivés s’est fortement dégradée avec une réduction importante du taux de matière organique, ce qui joue tant sur la capacité d’infiltration de l’eau que sur la cohésion du sol.
Pour lutter contre ces phénomènes, les agriculteurs wallons peuvent bénéficier de manière volontaire du soutien d’une équipe technique spécialisée. La Région finance à ce titre des dispositifs anti-érosifs via son régime de mesures agro-environnementales. Toutefois, purement incitatif, ce système semble manquer cruellement de volontaires. Pourtant à bien observer nos campagnes, ce ne sont pas les signes annonciateurs de problèmes qui manquent : l’érosion diffuse y est importante et nombre de ravines sillonnent nos terres de culture.
L’Europe impose à la Région de gérer la problématique de l’érosion via la « conditionnalité » des aides à l’agriculture. Un dispositif est en place depuis 2005 qui impose la mise en place de bandes enherbées de 6 mètres de large sur les parcelles présentant une pente supérieure à 10 %. La zone érosive est également soumise, depuis peu, à l’obligation d’une couverture hivernale. Ces dispositifs sont malheureusement insuffisants et inadaptés. Ainsi, l’obligation de maintenir une bande enherbée ne s’imposant que l’année des cultures à risque, elle s’avère inefficace car beaucoup trop récente et donc insuffisamment enracinée et développée.
Mais le fond du problème est ailleurs. La Région dispose d’une cartographie précise des parcelles à risque établie sur base des différents critères qui déterminent le risque érosif (pourcentage et longueur de pente, type de sol, etc.)… mais ne l’utilise pas ! Et avec l’approche privilégiée actuellement qui limite le risque à la seule pente, près de 30 % des parcelles à risque sont ignorés.
Inter-Environnement Wallonie plaide pour une approche basée d’une part sur le risque théorique cartographié et, d’autre part, sur la notification obligatoire par les agriculteurs des événements érosifs importants.
Outre la nécessité d’inscrire le bon sens dans la loi et donc d’interdire la culture sur des parcelles présentant un risque trop important (risque érosif estimé à 30 tonnes/an), il importe de renforcer significativement les normes actuelles. La culture sur des parcelles à risque devrait ainsi inclure des aménagements spéciaux, notamment des bandes enherbées permanentes dont le nombre et la largeur seraient proportionnels. Et si malgré ces dispositifs, les problèmes persistent, il conviendrait de conditionner la culture au respect de propositions (redéfinition du parcellaire, limitation de certaines cultures, création de talus…) émises par l’un des conseillers techniques régionaux compétent sur le sujet.
En l’absence d’une prise en charge volontariste, les riverains, les communes et l’environnement continueront à prendre l’eau[[Ces événements n’ont pas seulement un impact sur la qualité de vie et le patrimoine des riverains, ils affectent également nos cours d’eau et la biodiversité, fortement dégradés par ces apports de sédiments. Et ces tonnes de boues influeront aussi lourdement sur les budgets de dragage ou de curage des cours d’eau.]].