33 ans minimum pour amortir vos « portables » !

Une étude menée par l’Öko Institut pour le compte de l’Agence Fédérale de l’Environnement allemande a récemment été publiée[Öko-Institut/Fraunhofer Institute IZM, Timely replacement of a notebook under consideration of environmental aspects, 2012,[ http://www.endseurope.com/docs/121002.pdf ]]. L’objectif était double. D’une part, déterminer quelle phase (production, utilisation, élimination) d’un ordinateur portable émettait le plus de gaz à effet de serre. Et d’autre part, préciser à partir de quelle durée de vie d’un ordinateur portable la phase de production est compensée par le gain en efficacité énergétique.

Sur ce genre d’appareils très technologiques, on sent en effet de manière intuitive que la production est à ce point énergivore qu’il est absurde de mettre l’appareil au rebut après 3 ans. Les résultats vont dans ce sens, et sont catégoriques. La phase de production produit 56% de l’ensemble des gaz à effet de serre, contre 36% pour la phase d’utilisation (en supposant une durée de vie de 5 ans). Et si votre nouvel ordinateur portable consomme 10% en moins que votre ancien appareil, il faudra entre 33 et 88 ans pour amortir la consommation d’énergie nécessaire à sa fabrication ! Si vous voulez amortir d’un point de vue énergétique la fabrication de votre nouvel appareil en 10 ans environ, il faudra au minimum un nouvel ordinateur portable qui consomme 70% en moins que l’ancien !

Depuis 2008, on vend au niveau mondial plus d’ordinateurs portables que d’ordinateurs fixes. La durée de vie envisagée par l’étude (5 ans) est déjà longue : avec l’obsolescence technologique (programmée), il y a fort à parier que votre portable a moins de 5 ans d’âge… Pourtant les ordinateurs (portables ou fixes) consomment énormément d’énergie à la production : extraction de métaux précieux, production de puces électroniques, etc tout en faisant le tour de la planète à chaque étape. Un ordinateur n’est pas aussi écologique qu’on voudrait le faire croire quand on nous incite à envoyer des e-mails et non des courriers postaux. C’est un outil puissant, précieux et qui doit être traité comme tel : il faut le garder précieusement le plus longtemps possible.

La notion d’énergie grise (parfois appelée sac à dos écologique) est souvent oubliée dans les discours de plus en plus commerciaux nous incitant à acheter des appareils moins consommateurs d’énergie (même Récupel s’y met). Or plus un appareil utilise de la haute technologie, plus l’énergie grise est importante comparativement à l’ensemble du cycle de vie, et plus il devient intéressant de prolonger au maximum la vie de ces appareils. Cela commence dès leur conception, en prévoyant dès le départ une facilité de changement des composants, une construction modulaire, la standardisation des composants etc. Autant de mesures qui doivent être pensées au niveau européen pour être efficaces, et qui trouveraient leur place dans la législation européenne sur l’ecodesign. Jusqu’à présent, celle-ci s’est concentrée sur la consommation d’énergie pendant la phase d’utilisation des appareils consommateurs d’énergie, mais cette étude montre qu’il faut également s’attaquer à la phase de production pour arriver à produire des appareils vraiment plus écologiques. Hasard du calendrier ou non, le Joint Research Centre (centre de recherche de l’Union Européenne) vient de sortir un guide méthodologique visant à élargir les critères pris en compte dans la législation d’ecodesign, incluant pour la première fois la phase de production des appareils. La Commission Européenne peut sans attendre poursuivre le travail sur ces bases clairement établies.