Les tourments et vifs débats (souvent au ras des pâquerettes) qui viennent d’avoir lieu (ou ont toujours lieu) autour des certificats verts et de l’éolien, ne donnent malheureusement pas une image très reluisante de la gestion de l’énergie en Wallonie – que cette image soit d’ailleurs justifiée ou non…
Le débat s’est in fine focalisé sur une critique, sans nuance, du coût des renouvelables, jugé astronomique pour certains. Combien ? Qui paie ? La faute à qui ? Des questions somme toute légitimes mais qui ont conduit à un procès simpliste de ces énergies du futur. Entre réflexes individualistes (« Touche pas à mes certificats verts ! »), dramaturgie (« Waterloo politique ! ») et surenchère de chiffres (2,5 milliards, 4,5 milliards, qui dit mieux ?…), rares sont ceux qui ont eu à cœur de replacer la question du financement des renouvelables dans un débat plus général sur l’avenir énergétique de la Wallonie (avenir s’étendant sur un horizon de temps bien plus long qu’une législature). Or tout l’enjeu se situe bien là : si la Wallonie fait le choix de ne pas investir (il s’agit bien d’un investissement) dans les énergies renouvelables, elle devra se procurer son énergie ailleurs, à très grands frais. Si l’exploitation des énergies fossiles non conventionnelles semble mettre en sursis l’épuisement annoncé du pétrole et du gaz et entretenir l’illusion d’une énergie bon marché, le désenchantement risque d’être non seulement brutal mais aussi très coûteux[Lire [la Carte blanche écrite par les chercheurs de l’ASPO (section belge de l’Association for Study of Peak Oil and Gas) parue dans Le Soir du 8 avril 2013]].
Comme nous l’avons à plusieurs reprise évoqué sur notre site, il est temps d’arrêter de questionner sans cesse la pertinence des renouvelables à travers le seul prisme du coût d’investissement sans peser le coût de l’immobilisme et du conservatisme d’un système énergétique obsolète. Il est sain de se préoccuper du mécanisme de financement des renouvelables dans le but non pas de distribuer des bons et des mauvais points mais bien dans un souci d’optimisation de ce mécanisme en intégrant les spécificités des filières qui devront être reflétées notamment dans le taux d’octroi des certificats verts. Il s’agit aussi d’avancer sur des solutions complémentaires tel les partenariats public-citoyen, gages d’une meilleure acceptabilité sociétale.
Force est de constater par ailleurs que la nécessité de développer les renouvelables est toute relative (obligation européenne pour les uns, fer de lance d’un redéploiement socio-économique pour les autres…) et que la perception de l’ampleur que prend et doit prendre leur développement chez nous est aussi très divergente.
« La Région wallonne paie la facture de sa volonté de devenir le meilleur élève de la classe européenne en matière d’énergies renouvelables, une politique qui a un coût cher et vilain pour les gens. » a-t-on pu entendre de la bouche d’un élu de l’opposition. La volonté de la Wallonie, inscrite dans la DPR de 2009, de tendre à l’horizon 2020 à 20% d’énergie renouvelable dans la consommation finale, est certes plus ambitieuse que les 13% assignés à la Belgique par l’Union européenne[[Dans le cadre du paquet 20-20-20, les Etats membres se sont vus assignés des objectifs contraignants en matière d’énergies renouvelables. Pour la Belgique, l’objectif pour la part d’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation brute d’énergie finale en 2020 est de 13%, incluant la part de renouvelable dans les transports.]]. De là à dire que la Wallonie est championne dans cette catégorie, il y a un pas à ne pas franchir.
La Commission européenne a sorti ce 27 mars le premier rapport sur l’évolution des énergies renouvelables dans les états membres. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Il s’agit de chiffres nationaux, mais inutile de fomenter une nouvelle querelle communautaire en invoquant les résultats de la Flandre et/ou de la Région Bruxelles Capitale comme facteur « diluant » le score « exemplaire » de la Wallonie. L’objectif wallon de 20% n’a rien d’extravagant comparé aux 30, 35 voir plus de 40% visé par d’autres pays. Si on insiste toutefois pour commenter le bulletin de la Wallonie, en 2010, la part de renouvelables s’élevait à 7,4% de la consommation brute d’énergie finale (5,4 pour la Belgique).
Source : Rapport de la Commission au Parlement européen, au comité économique et social européen et au comité des régions – Rapport sur les progrès accomplis dans le secteur des énergies renouvelables (27 mars 2013)
Viser si haut friserait-il l’inconscient d’un point de vue économique ? Certains économistesNotamment réunis au sein de [Energy Funds Advisors ]] sortent du bois en faisant le lien entre croissance économique, dette souveraine des états et leur dépendance aux énergies fossiles. [Une économie saine ne peut continuer à prospérer si elle ne réduit pas sa dépendance aux hydrocarbures !
Enfin, à ceux qui avancent qu’ « on n’a pas les potentiels parce que la Belgique, et à fortiori la Wallonie, est un petit pays, densément peuplé, sans relief, pas si ensoleillé qu’au Sud, pas si venteux qu’au Nord…», on rétorquera calmement que le potentiel renouvelable existe bel et bien chez nous, des études[Différents scénarios d’un approvisionnement 100% renouvelable pour le Belgique en 2050 « [Towards 100% renewable energy in Belgium by 2050 »- Bureau fédéral du Plan, ICEDD et VITO- décembre 2012.
Scénarios wallons d’une société bas carbone en 2050 où la part de renouvelable dans la demande d’énergie finale peut atteindre 78%- « Vers une Wallonie bas carbone en 2050 »- Climact décembre 2011 ]]
le montrent et le prouvent.
Ce qui fait défaut c’est une volonté collégiale (pas unanime, ne rêvons pas !) de le mettre en œuvre.