Nous assistons depuis quelques dizaines d’années à la lente agonie des commerces dans les centres urbains. Les grosses enseignes ont profité de la démocratisation de la voiture pour occuper des espaces plus grands et moins chers en périphérie. Tous les élus communaux s’attellent donc – à raison – au maintien ou au retour de la fonction commerciale en ville. Les moyens pour y parvenir sont multiples, mais le stationnement automobile semble être considéré par la plupart des décideurs comme étant le principal outil de redéploiement économique des petites, moyennes et grandes communes. Et les commerçants sont généralement d’avis que l’accessibilité de leur établissement dépend essentiellement de l’offre de parking.
Ainsi, presque tous proposent des emplacements réservés à leur clientèle ou remboursent le parking après achats dans leur magasin. Ainsi de plus en plus d’espace est réservé au stationnement automobile. Il existe cependant des infrastructures dont l’exploitation pourrait être optimisée : en effet, le samedi, journée de prédilection pour le shopping, bon nombre de bureaux sont vides et des parkings en sous-sol le sont tout autant. D’autre part, le stationnement et le modèle automobile dont il dépend ont la particularité de disperser les services – au contraire d’une gare qui les rassemblent -, déforçant ainsi l’attrait des commerces. L’augmentation de l’offre de stationnement ne fait qu’accroître ce phénomène.
Dans une étude commanditée par la Région de Bruxelles-Capitale[[ESPACES-MOBILITÉ & SONECOM, « Étude de l’accessibilité des commerces dans la Région de Bruxelles-Capitale », 2010.]], les commerçants de quatre quartiers différents pensent que 62% de leurs clients ont des difficultés à se garer et que 52% trouvent le coût du stationnement excessif. Mais lorsqu’on interroge les clients, seuls 9% évoquent le problème du parking et 6,5% se plaignent de son coût. Pour les commerçants, 48% des acheteurs font leurs courses en voiture, mais ces clients ne sont que 18,7 % à prendre leur automobile. La proportion de la clientèle automobiliste est en fait largement surestimée alors que de nombreux ménages ne possèdent pas de voiture (35% à Bruxelles, 17% en Wallonie[[SPF Mobilité, BELDAM, 2012]]) et se déplacent en transport en commun, à pied ou à vélo. Le besoin d’accessibilité en voiture s’avère donc moins important dans le maintien du dynamisme de l’économie locale que les commerçants se l’imaginent.
Pour résister à la concurrence des complexes commerciaux en périphérie, les magasins du centre-ville ont d’autres atouts à mettre en avant pour plaire à leur public privilégié, les proches habitants : lieu de qualité, proximité, échanges sociaux, conseils personnalisés et produits spécialisés. En redéfinissant une politique d’accueil non réservée aux seuls automobilistes, les commerces gagneront en accessibilité. Comme alternative au traditionnel parking gratuit, le remboursement d’un ticket de bus serait, par exemple, un geste apprécié par de nombreux citadins. D’autres mesures comme l’aménagement d’infrastructures pour le stationnement de vélos attirerait un nouveau public.
En termes de mobilité, les décideurs concentrent généralement leurs efforts pour diminuer la durée d’un trajet mais il serait bien plus efficace d’améliorer l’accessibilité de la destination en maximisant le nombre d’opportunités pour rejoindre ce lieu.
Les commerçants, comme les élus, ont donc entre les mains des possibilités très concrètes pour améliorer l’attractivité des magasins, par la redéfinition de leur accessibilité. Une offre de stationnement réduite aux besoins réels des consommateurs et habitants offre à tous une meilleure qualité de vie et de service et encourage un report modal vers la marche, les transports en commun et le vélo.
À savoir : Inter-Environnement Wallonie publiera prochainement, à l’attention des décideurs wallons, des recommandations à mettre en œuvre pour encadrer tout projet de centre commercial afin qu’il respecte l’environnement et participe au bon aménagement des lieux.