La Commission européenne vient de publier son second rapport sur la mise en œuvre de la directive « Nitrates » qui vise à réduire la pollution des eaux par les nitrates d’origine agricole. Les mesures principales de ce texte datant de 1991 concernent d’une part l’identification des zones qui contribuent à la pollution – les « zones vulnérables » – et d’autre part l’établissement et la mise en œuvre des codes de bonne pratique agricole et de programmes d’actions spécifiques aux zones vulnérables identifiées. La directive prévoit également le réexamen, et le cas échéant, la révision des zones vulnérables et des programmes d’actions, tous les 4 ans par les États membres.
La Commission établit en outre un rapport sur l’état d’avancement de la mise en œuvre de la directive. Ce document nous offre l’opportunité de faire le point sur la situation au moment où le Gouvernement Wallon a considérablement élargit les zones vulnérables wallonnes (septembre 2012) et où le projet de troisième programme d’actions (appelé en Wallonie PGDA – programme de gestion durable de l’azote en agriculture) entrera sous peu en enquête publique.
La Commission relève l’absence d’amélioration à l’échelle européenne de la qualité des eaux souterraines malgré la mise en œuvre des programmes d’actions successifs. La situation est stable malgré une diminution très substantielle des engrais minéraux depuis plus de 20 ans et l’amélioration des pratiques agricoles. Certains États membres ont cependant obtenu des résultats très encourageants mais le rapport n’identifie pas les éléments des programmes d’actions qui ont permis ces améliorations. Les Pays-Bas ont par exemple obtenu d’excellents résultats : la qualité des eaux de surface et souterraine s’est améliorée dans plus de 70% des stations de mesure alors que ce pays connaissait une augmentation de son cheptel supérieure à 5 %, largement contrecarrée par une diminution de la fertilisation organique de 18 % sur la même période. À notre regret, le document ne justifie pas cette exception …
La situation est mieux connue et plus nuancée dans notre région qui adoptera bientôt son troisième programme d’action. Les dépassements de la norme de 50 mg sont aujourd’hui moins nombreux mais on observe malgré tout une légère dégradation de certaines nappes, ce qui a justifié l’extension des zones vulnérables à une large partie du Condroz depuis le 1er janvier 2013. Il faut également relever la nette amélioration de la qualité des eaux de la nappe de Comines – Warneton. Mais le plafonnement au-dessus de la norme de 50 mg/litres laisse entendre que le panel de mesures est encore insuffisant. La qualité des eaux de surface s’améliore donc, mais il reste difficile, contrairement aux eaux souterraines de différencier ce qui résulte des efforts réalisés en agriculture et dans les autres secteurs (industriel, domestique).
Le troisième programme d’action résulte d’un large processus de participation impliquant notamment l’administration, les scientifiques et les parties prenantes (Aquawal, FWA, FUGEA & IEW). Il s’agit principalement d’un renforcement et d’une amélioration du second programme qui s’inspire du travail scientifique réalisé par l’équipe de suivi. Notons aussi que le Ministre compétant avait déjà renforcé significativement le second programme en portant le taux de contrôle des résidus azotés (APL) en fin de culture de 3 à 5 %.
Le projet de troisième programme apporte les modifications principales suivantes :
L’obligation d’attestation de conformité des installations de stockage. Il s’agit d’un point essentiel relevé notamment par la Cour des Comptes et qui devrait permettre de corriger les situations de pollution ponctuelle ou de rejet dans les eaux de surface que l’on rencontre encore trop souvent dans nos campagnes ;
Un encadrement administratif des transferts d’effluents entre les fermes excédentaires et les fermes déficitaires, preneuses, permettant à l’administration de contrôler la réalité des échanges d’effluents. La Flandre et les Pays-Bas ont opté, sur cette même problématique, pour un suivi par trace GPS, laissant peu de place aux possibilités de fraude. La mesure wallonne dépendra essentiellement du contrôle mais des moyens nouveaux devraient y être affectés ;
La plantation de CIPAN – cultures intercalaires piège à nitrate – sur 90% (au lieu de 75 actuellement) des terres arables récoltées avant le 1er septembre et destinées à recevoir une culture de printemps contrairement. Cette mesure permet de réduire très significativement les reliquats azotés, de les restituer pour la culture suivante et de contribuer à la qualité des sols, notamment en terme de matière organique ;
Des restrictions d’épandage pour les cultures justifiées par les travaux scientifiques et un élargissement de la période d’épandage en début d’automne pour les prairies plus difficiles à justifier ;
Une amélioration de la répartition dans le temps de la fertilisation organique en prairie et une restriction plus importante de la fertilisation après labour des prairies ;
Une meilleure gestion des stockages en champs pour limiter le lessivage.
La révision du programme apporte donc des avancées très substantielles qui contribuent à resserrer le cadre établit : un ensemble de normes à respecter qui seront aussi mieux contrôlées (installation de stockage, transfert d’effluents, période d’épandage des effluents organiques, …) tandis que d’autres normes restent incontrôlable directement (quantité épandue de fertilisant minéraux, respect de la bande de 6 mètres non fertilisée le long des cours d’eau, ….). Certaines sont cependant contrôlées de façon indirecte, par le biais des résidus azotés automnaux : les APL.
Il reste un point essentiel. Le programme de gestion de l’azote en agriculture se base sur un postulat qui reste très hypothétique, à savoir, : le respect des bonnes pratiques agricoles et des principes d’une agriculture raisonnées devrait permettre d’atteindre les objectifs qualitatifs. Les seuils d’APL déterminés annuellement sur base du réseau de fermes de référence respectant ce cadre ne garantissent pas, a priori, la protection des nappes puisqu’ils ne fixent pas d’objectif cible à atteindre en termes de reliquats dans les eaux de recharge des nappes. Le reliquat moyen, même conforme aux APL de référence, peut perpétuer la contamination des nappes si les cultures sont essentiellement des cultures laissant des résidus d’azote importants. Ce qui semble être le cas dans la zone vulnérable de Comines-Warneton qui plafonne bien au-dessus de la norme de 50 mg/litre.
Enfin la révision du programme de gestion durable de l’azote en agriculture sera mise, dans les jours à venir, à enquête publique, accompagnée du Rapport d’Évaluation Environnementale Stratégique. Ce sera l’occasion d’analyser plus en profondeur ce dossier et de mettre en perspective les recommandations du bureau d’étude.