Ainsi donc Ryanair débarque à Zaventem! Pour une surprise, c’en est une fameuse. Car fondamentalement, c’est tout le modèle économique de la compagnie à bas prix qui s’en voit chamboulé. Mais à quoi joue le leader de l’aérien lowcost ?
Ce mercredi 27 novembre, devant un parterre de journalistes alléchés par l’odeur de bombe médiatique, Michael O’Leary annonce ce qui circulait déjà sous forme de rumeur persistante : dès le 28 février prochain, Ryanair va baser quatre Boeing 737 à Bruxelles Airport et y ouvrir dix nouvelles destinations italiennes, espagnoles et portugaises. Oui, vous avez bien lu: Bruxelles Airport, le vrai, pas celui du « sud », pas le carolo. Zaventem, quoi.
Coup de tonnerre dans le ciel de notre petite, si petite, Belgique. Alors que le Ministre wallon de la politique aéroportuaire, André Antoine, « twittait » encore, le matin même de l’annonce, « A chacun son coin de ciel! Low cost et Ryanair à Charleroi. Vols réguliers et long-courriers à Bruxelles. La prospérité pour tous »[[Déclaration d’ailleurs assez étonnante, sachant tous les efforts faits par l’aéroport carolo pour envisager de futurs vols transatlantiques…]], Michael O’Leary semble bien décidé à décoller de l’aéroport national, pourtant distant d’à peine 50 km de Charleroi.
Jusque là, les deux mondes aéroportuaires gardaient leurs plate-bandes bien en ordre. « Chacun chez soi, et les avions seront bien gardés », paraissait être la devise partagée de Zaventem et de Gosselies. Il faut dire que l’aérien lowcost (en particulier irlandais) s’était fait une spécialité des aéroports régionaux, souvent situés dans des zones économiquement « aux abois », profitant de généreuses aides publiques adressées à celui qui allait vite être désigné comme le sauveur de toute une région « touchée par la crise ». L’histoire de Ryanair ne pouvait, dans ces conditions, qu’être une success story. Ce qu’elle fut. Economiquement, financièrement parlant. Surtout pour Ryan himself.
Car des points-de-vue social et environnemental, c’est une autre histoire. En faisant exploser les émissions de gaz à effet de serre de la Région wallonne depuis son arrivée en terre carolo, en créant une demande qui n’existait pas jusqu’alors pour des mini-trips presque inconvenants, en grevant le budget de la Wallonie pour une utilité sociétale douteuse et en instaurant l’art du dumping social soutenu par les deniers publics, Ryanair ne s’est pas fait que des amis. Et quand, sous des dehors d’ultralibéralisme, la compagnie a finalement déjoué les règles d’une concurrence loyale, c’est son voisin du Nord qui a commencé à faire la grosse voix.
« Jalousie » face au succès wallon? « Acharnement »? Les mots ne sont pas tendres dans la bouche des responsables wallons pour qualifier les manoeuvres de Brussels Airport face à son concurrent du sud. Dernière action en date : une plainte déposée auprès de la Commission européenne. BAC (Brussels Airport Company) souhaite en effet que soit menée une enquête sur la participation probable de la SOWAER, filiale à 100% publique (Région wallonne), à l’appel d’offres et de financement pour de nouveaux investissements à l’aéroport de Charleroi (BSCA), dont un projet d’extension de l’aérogare pour un montant de 78 millions €. Estimant que la SOWAER pourrait profiter de prêts à taux préférentiels, plus favorables que le marché privé, grâce à la garantie de la Région wallonne, Brussels Airport souhaite faire toute la lumière sur ce qui pourrait constituer une aide d’Etat illégale.
Ce n’est pas la première fois que l’aéroport national « cherche des noises » à son équivalent régional. Et Ryanair l’a bien compris, lui qui profite allègrement des investissements carolos, dont le dernier en date n’est autre que la décision par le Gouvernement wallon, de faire figurer parmi les priorités du Plan pluriannuel d’investissement du Groupe SNCB (2013-2025), dans un budget du rail déjà ultra-serré[Voir [notre communiqué à ce sujet et une nIEWs présentant le projet en question.]] , une liaison ferroviaire et une gare à proximité de l’aéroport, En devenant client des deux aéroport, la compagnie irlandaise a désormais un moyen de pression supplémentaire sur l’aéroport national, jusqu’ici en-dehors de son cercle d’influence…
Pour Ryanair, c’est en somme le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière!