Ce 22 janvier, le Ministre wallon de l’Agriculture Carlo DI ANTONIO a présenté l’accord obtenu avec les syndicats agricoles au sujet de la réforme du premier pilier de la Politique Agricole Commune en Wallonie. Cet accord doit encore être validé par le Gouvernement mais toute modification sera difficile puisqu’il résulte d’un compromis soutenu par l’ensemble des syndicats (FWA, UAW, FJA, FUGEA, UNAB, Bauernbund). Les décisions arrêtées entreront en vigueur au 1er janvier 2015 et seront valables pour la programmation 2015 à 2020.
Une PAC à géométrie variable
Le nouveau règlement européen organise la convergence des paiements agricoles entre États membres et entre agriculteurs au sein de chaque État membre ainsi que la réduction des aides couplées à la production et ce, aux vitesses déterminées par les États membres. En plus d’un paiement de base, il instaure un payement additionnel pour les jeunes agriculteurs (2 % de l’enveloppe) et un paiement vert (30 % de l’enveloppe), environnemental, autorisant des niveaux d’exigences variables. La justification du paiement vert est déterminée par les États membres dans un ensemble de mesures dont certaines sont susceptibles d’en vider toute l’ambition. Ce payement vert peut, soit être identique pour tout agriculteur, soit se référer à la situation historique (30 % du droit à paiement).
Le règlement offre également la possibilité aux États membres d’instaurer une surprime aux premiers ha et aux zones soumises à des contraintes naturelles, voire d’organiser des transferts entre les aides du 1er pilier et celles du développement rural.
Des avancées…
L’instauration d’un paiement additionnel à destination des jeunes agriculteurs, dans les 5 années qui suivent leur installation, est imposée par l’Europe. Le compromis wallon préserve le maximum autorisé par le règlement européen à savoir 2 % des aides du 1er pilier. Ce paiement devrait favoriser efficacement les reprises d’exploitations, un enjeu majeur pour l’agriculture wallonne. Certaines modalités ne nous sont cependant pas connues, lesquelles permettraient de limiter cette aide à la taille des exploitations afin d’avantager les plus petites et non les grandes.
L’activation du paiement redistributif ou « surprime aux 1er hectares » constitue également une bonne nouvelle puisqu’il permet de réallouer une partie des aides au bénéfice des plus petites exploitations dont la viabilité est plus faible. Le résultat du compromis est cependant plus modeste puisqu’il réalloue ce paiement sur base de la taille moyenne des exploitations wallonnes (50 ha), diluant son effet redistributif au détriment des plus petites structures et n’affecte à ce payement que 20 % des payements de base alors qu’il était possible d’aller jusqu’à 30 %.
Des statuts quo…
Le compromis prévoit le maintien de l’aide couplée actuelle à la vache allaitante et renforce le budget alloué à la prime à l’herbe. Comme le budget des aides couplées dépasse le seuil de 13 %, la Région devra solliciter une dérogation motivée à la Commission. La fragilité du secteur et la volonté de maintenir les niveaux de production de la Wallonie justifient, selon le compromis, le maintien de cette aide.
Ce choix est cependant relativement étonnant eu égard à la moindre viabilité des exploitations bovines spécialisées en élevage allaitant. En effet, ce maintien incite les éleveurs à conserver des niveaux de production élevés qui sont, à la marge, moins rentables. L’aide couplée compense des coûts de production marginaux plus élevés alors qu’elle pourrait constituer un revenu si elle était découplée de la production. La part des aliments achetés qui représente près de 30 %[[Sur base des données de « l’évolution de l’économie agricole et horticole de la Wallonie 2011 – 2012 », Annexe III. 6 : Structure des produits et des charges de l’exploitation agricole par ha de SAU, selon l’OTE en 2011]] de la valeur de la production illustre cette situation assez contradictoire puisque l’on voudrait par ailleurs renforcer l’autonomie alimentaire des exploitations. Le découplage permettrait d’améliorer le revenu des éleveurs concernés, via une certaine extensification tout en renforçant l’autonomie fourragère. Il affecterait cependant le niveau de production de la Wallonie, sans porter fortement atteinte à la valeur ajoutée crée puisqu’il s’agirait d’ajustements marginaux.
Des opportunités perdues
La réforme offrait également l’opportunité de soutenir des cultures plus favorables à l’environnement comme les protéagineux. Cette option ne peut cependant être retenue ou mise en œuvre car la part des aides couplées dépasse déjà largement le seuil de dérogation prévu dans le règlement. Il s’agit pourtant d’une mesure efficace (dans le premier pilier) pour améliorer la qualité de l’environnement et faire évoluer les systèmes agricoles vers une plus grande autonomie.
Le paiement vert représente 30% du budget des paiements directs. Il s’agit d’un paiement par hectare justifié par le développement de pratiques agricoles bénéfiques au climat et à l’environnement. Parmi les pratiques de « verdissement », seule la mise en place ou le maintien d’au moins 5 % de surfaces d’intérêt écologique (SIE) dans les terres arables est susceptible d’affecter le revenu agricole. Les autres mesures (maintien des prairies permanentes ou diversité des assolements) n’ayant pas d’effet sur les exploitations agricoles wallonnes ou alors de manière très marginale. L’obligation de maintenir 5 % de SIE est susceptible d’affecter 45 % des exploitations (essentiellement de grande culture) en fonction des options retenues par la Région au sein du catalogue proposé par la Commission. L’absence de prise de position sur ce dossier laisse craindre que la région optera pour les mesures les plus acceptables pour le secteur plutôt que pour les mesures les plus intéressantes pour son avenir et sa légitimité aux yeux de la société.
Un premier choix à cependant été fait : le paiement vert ne sera pas identique pour toutes les exploitations et sera proportionnel aux références historiques. Les régions plus favorisées et plus intensives bénéficieront donc de montants plus élevés sans qu’il n’y ait aujourd’hui de justification à ce statu quo.
Un dossier co-géré…
Alors que le Gouvernement wallon a adopté le projet de décret relatif au Code wallon de l’agriculture, il reste regrettable de constater qu’un dossier aussi important n’ait pas fait l’objet d’une concertation plus large. Le compromis soutient les spécificités de l’agriculture wallonne, comme l’a relevé le Ministre. Il protège davantage l’agriculture familiale et préserve au maximum le revenu de tous les agriculteurs wallons. Il ne va cependant pas plus loin et passe à côté de certaines possibilités offertes par le nouveau cadre de la PAC pour véritablement donner l’inflexion dont notre agriculture a besoin.