« Il n’y a pas une famille en Belgique où on ne parle pas de la SNCB un jour de la semaine » dixit Michaël Van Loubbeeck, porte-parole de la SNCB, mercredi dernier au cours de l’émission Le forum de midi de La première consacrée au nouveau Plan Transport. Avec environ 700.000 voyageurs par jour sur le réseau ferré amenés à vivre de multiples « aventures » inévitables quand on prend le train en Belgique, il y a effectivement beaucoup de chance que la SNCB soit régulièrement l’objet de discussions ! De là à ce que cela suscite l’émergence d’une culture ferroviaire, et particulièrement en Wallonie, il y a une marge… Pourtant, des éléments plaident en ce sens, et c’est une bonne nouvelle.
Dinant, le 12 février 2014. Ils étaient debouts le long des murs, assis par terre presque sur les pieds de l’orateur, ou encore, à l’extérieur, dans le couloir : la salle était aussi bondée qu’un train en heures de pointe ! Tout ce monde était venu écouter le Professeur Marcus Rieder présenter sa proposition de réouverture de la ligne Dinant-Givet. Autant de gens intéressés, interpellés, ou parfois inquiets par la possibilité d’une nouvelle desserte ferroviaire. Le débat qui suivit la conférence fut riche en questions tantôt techniques, tantôt politiques ; bref, un vrai débat de politique ferroviaire, alimenté par les citoyens du cru majoritaires dans la salle, bien loin de ce qui se passe dans les cercles confinés du Groupe SNCB ou les cabinets politiques où se déroulent habituellement, et sans doute trop rarement aussi, ce genre de discussion.
La politique ferroviaire, doit être l’affaire de tous les citoyens. En Suisse, elle passe par des votations populaires sur les investissements en matière ferroviaires et la consultation systématique de tous sur les nouveaux horaires envisagés à chaque changement. Nous n’en sommes pas encore là en Wallonie mais des signes positifs sont pourtant perceptibles. Soulignons-les pour pour leur donner de l’ampleur.
Premier fait marquant : la réanimation de la cellule ferroviaire de l’administration wallonne et la réalisation d’un plan de développement de la desserte ferroviaire en Wallonie, initiées toutes deux par le Ministre wallon de la Mobilité. Alors que la Flandre peut compter depuis longtemps sur une équipe nombreuse et experte au sein de son administration pour développer et défendre auprès du Pouvoir fédéral sa propre politique ferroviaire, la Wallonie avait probablement, jusqu’il y a peu, considéré inutile d’investir des moyens dans une compétence avant tout fédérale. Résultat : un rail à deux vitesses. Conscientisés des conséquences pour la Wallonie et forts d’une expertise régionale, on peut imaginer que nos politiciens wallons auraient été des meilleurs négociateurs lors des décisions qui ont conduit à et reconduit la clé de répartition des investissements ferroviaires (la fameuse clé 60/40), très pénalisante pour la Wallonie. Mais tout n’est pas perdu, forte heureusement. Des documents stratégiques qui pèseront lourd sur le quotidien des navetteurs wallons sont à l’agenda de la politique ferroviaire (plan transport et contrat de gestion) et la Wallonie peut encore et doit se faire entendre. Et cette fois, elle peut compter sur une administration, certes limitée mais dont nous souhaitons déjà souligner tant la qualité que la philosophie de travail. Un coup d’œil sur le portail mobilité de la Région wallonne en témoigne: des études intéressantes, des analyses critiques,… MISES A DISPOSITION DU PUBLIC. Mieux encore, une consultation de la société civile a été organisée sur le plan de développement de la desserte ferroviaire en Wallonie, et d’autres sont envisagées à l’avenir, semble-t-il. Parce ce qu’il faut bien reconnaître une chose : sans information, difficile de réfléchir, de débattre, d’intéresser les citoyens… condamnés alors à réagir émotivement à l’annonce par la presse de changements arrêtés dans l’offre ferroviaire.
Du côté de la SNCB, l’information diffusée est en effet très partielle ! Et la consultation de la société civile tout simplement inexistante ! Dans la forme, les relations entre le Groupe SNCB et ses stakeholders évoluent progressivement et positivement. Infrabel a mis sur pied des « tables rondes des stakeholders », lieux d’échanges d’informations et d’opinions très appréciés des participants, mais on n’est pas suffisamment en amont des décisions pour parler de consultation. Par ailleurs, existe depuis 1991, le Comité Consultatif des Usagers, qui, comme son nom l’indique, devrait être un organe de consultation. Dans la réalité, tout est plié quand le comité est consulté, et ses avis ne reçoivent que trop rarement une écoute attentive de la part de la SNCB. Il y a donc encore d’important progrès à faire. Et si des avancées ont lieu, c’est certainement grâce au travail des acteurs associatifs, très souvent bénévoles, passionnés du rail, et qui restent vigilant envers et contre tout dans leur long combat face au monstre du Loch Ness. L’Association des Clients du Transport Public, Navetteurs.be, mais aussi, moins connus, RAIL de Luttre, les Amis du rail d’Halanzy, Urbagora, le Collectif Citoyens Carolos ou encore Chemins du rail. C’est l’occasion de leur tirer notre chapeau et de les encourager à maintenir leur rigueur et leur ferveur dans le combat qu’ils mènent pour améliorer et développer l’offre ferroviaire. Ces associations réalisent un travail d’information, de sensibilisation et de consultation de la société civile. Elles sont certainement un catalyseur essentiel de la culture ferroviaire wallonne. Citons pour exemple le travail remarquable effectué récemment par l’association Navetteurs.be , grâce au soutien de la cellule ferroviaire et du Ministre wallon de la Mobilité : le cadastre complet de l’état de tous les points d’arrêts non gardés de Wallonie. Résultat d’un travail minutieux, de visites de terrain, de rencontres et d’échanges avec les navetteurs et utilisateurs des lieux, ce cadastre sera présenté ce vendredi 28 février à tous les citoyens qui le souhaitent. Cette rencontre est organisée par Navetteurs.be à Pont-à-Celles, point d’arrêt malheureusement symbolique de l’état de l’accueil voyageur en Wallonie. Chacun pourra réagir et enrichir le cadastre présenté. Nous espérons que nous serons encore plus nombreux qu’à Dinant (plus d’info : http://www.navetteurs.be/index.php?option=com_content&view=article&id=5439) !
Pointons également d’autres acteurs de la société civile : l’Union wallonne des entreprises, les cellules mobilités des différents syndicats, à côté, bien évidemment des syndicats de cheminots, directement concernés par les questions ferroviaires et qui tentent aussi de faire émerger une politique ferroviaire wallonne.
Les bases pour le développement de cette culture semblent donc bien là. C’est ensemble, pouvoirs publics, acteurs administratifs, associattions et citoyens que nous pourrons œuvrer à une amélioration de l’offre ferroviaire en Wallonie, outil indispensable à son développement et au bien-être de ses citoyens. Puisse le Groupe SNCB et son pouvoir de tutelle accepter les apports de la Wallonie en matière de politique ferroviaire comme une pièce bien utile au puzzle plutôt que comme des actes d’ingérence dans leurs matières.