Contournement nord de Wavre : « comment faire pire en prétendant faire mieux »

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Ce 5 mars s’est clôturée l’enquête publique, organisée sur les territoires communaux de Wavre et de Grez-Doiceau, relative au projet de contournement routier dénommé « Contournement nord de Wavre » (CNW). Active au sein de la « plateforme CNW », qui regroupe onze associations locales ou régionales, la Fédération Inter-Environnement a remis également un avis en son nom propre, lors de l‘enquête publique. Nous vous le livrons ici.



trace1.jpgLe tracé (en rouge) projeté selon la notice d’incidences soumise à enquête publique (Notice d’évaluation des incidences relative au projet de contournement nord de Wavre).

trace2.jpgLe projet de tracé du contournement nord de Wavre.

Incidences du projet

A côté des incidences relatives à la biodiversité dans cette zone particulièrement sensible, la Fédération Inter-Environnement Wallonie (IEW) est particulièrement attentive à l’impact irrémédiable qu’aura le projet de contournement routier sur le paysage :

 morcellement du paysage originel : une succession de vallonnements boisés et agricoles, de prés humides, de fonds de vallée marécageux ;

 détérioration de la structure du paysage : destruction partielle ou complète de versants boisés, de chemins agricoles et de randonnées…

 dégradation de la qualité paysagère par la création de nombreux ouvrages d’art (dont cinq ponts, deux giratoires et plusieurs bretelles autoroutières au niveau de la RN268 et de la RN25).

Cet impact risque d’être encore aggravé par l’installation potentielle de murs anti-bruit d’une hauteur de quatre mètres, qui n’ont pas été pris en compte dans le rapport d’incidences sur le plan paysager.

En matière de qualité de l’air, l’état déjà préoccupant de la qualité de l’air dans la zone concernée, en particulier en ce qui concerne les COV (pollution « très élevée »), mais aussi les autres polluants locaux (niveaux de pollution « moyennement élevée » pour les NOx et les PM10) et les GES (pollution « élevée ») (voir tableau p. 63 du RIE), sera sensiblement dégradé. Le trafic automobile estimé, variant entre 10.000 et 25.000 véhicules par jour participera à une augmentation importante des émissions de GES et des polluants locaux, en particulier des CO, CO2, NOx et COV. Comme l’indique le RIE, « les impacts potentiels sur la qualité de l’air sont donc appréciables ». Les améliorations technologiques des véhicules ne parviennent pas à contrecarrer les effets provenant de l’augmentation du parc automobile, les émissions totales de GES ayant ainsi augmenté sensiblement depuis 1990 à l’échelle du pays. L’affirmation selon laquelle « le contournement induira simplement une réorganisation du trafic actuel ou tel qu’il résultera du développement des pôles locaux » (RIE, p. 88) revient à nier l’existence d’un « effet d’appel » lié à toute nouvelle création d’infrastructure routière, qui provoque un accroissement du trafic alors même que la fluidité était l’objectif premier de la création de ces infrastructures.

Sur le plan de la mobilité douce ou alternative à la voiture, IEW s’étonne de l’opposition sans discussion à l’implantation d’infrastructures cyclables le long du contournement projeté. Aucun aménagement particulier n’est prévu pour les déplacements cyclistes ou piétons, et le signal F9 « route pour automobile » prévoit une interdiction pure et simple de la circulation cycliste sur ce tronçon. Si l’objectif est d’accroître l’accessibilité au zoning, pourquoi ne permettre celle-ci qu’aux automobilistes? Le Plan provincial de mobilité du Brabant wallon soutient d’ailleurs une accessibilité multimodale au zoning nord. Par ailleurs, le RIE indique que le « projet ne compromettra aucun cheminement » en ce qui concerne les modes doux (RIE, p. 111). Deux remarques doivent être formulées à ce propose. D’une part, certains tronçons de sentiers seront déclassés ou déplacés. D’autre part, si une possibilité de passage est offerte pour la totalité des sentiers croisés, via un pont-cadre sous voirie ou un pont-poutre par-dessus, de tels ouvrages impactent fortement sur l’attractivité des cheminements, à moins qu’un soin extrême ne soit apporté à leur conception pour en améliorer la praticabilité et l’esthétisme. L’incidence est donc réelle pour les modes doux et ne doit pas être minorée. Enfin, la desserte en transports en commun du zoning nord par l’intermédiaire du contournement projeté mériterait davantage d’attention.

Enfin, le projet de contournement contribuera, comme le signale le RIE, à « l’urbanisation relative de la vallée de la Dyle au droit de la chaussée de Longchamps, telle qu’elle s’est développée avec la station d’épuration, le parc à conteneur et le zoning commercial à la sortie de Wavre » (RIE, p. 124). IEW doute cependant, que ce projet puisse avoir « un impact positif à cet égard en structurant l’espace de manière un peu plus lisible qu’aujourd’hui (…) en marquant clairement la séparation entre l’agglomération de Wavre et la zone non urbanisée le long de l’étang de Gastuche »(RIE, p. 124), comme le soutient le RIE, par l’ouvrage de croisement entre le contournement et la RN268. Au contraire, le projet de contournement, en urbanisant la vallée de la Dyle, risque d’entraîner le développement d’une urbanisation dite « en ruban » dans une zone encore préservée de la suburbanisation et de l’étalement urbain (dont le zoning commercial n’est qu’un exemple peu convaincant sur le plan urbanistique). Comme le soutient le Plan provincial de Mobilité du Brabant wallon mais aussi le SDER, documents auxquels se réfère le RIE, il est nécessaire d’articuler davantage le développement territorial autour des systèmes de transport existants, en valorisant les centres urbains et villageois et en maîtrisant l’urbanisation aux alentours de ceux-ci.

Pertinence du projet

Au niveau local, deux motivations sont avancées pour soutenir la réalisation du projet de contournement nord de Wavre :

 « Cette liaison permettra de dissuader les usagers en transit de traverser Wavre sur le RESI (RN4, RN268, RN239, RN243) en les renvoyant sur le RGG (E411, RN25) » et « humaniser la traversée de Wavre (…). Réciproquement, le trafic de destination ou de transit, de ou vers Wavre pourra rejoindre au plus tôt la RN25 et ainsi décharger les traversées de Gastuche et Basse-Wavre » (RIE, p. 6).

 « La principale voirie d’accès au zoning nord de Wavre, la RN257 est déjà actuellement saturée. Les très nombreux et importants projets de développements générateurs de trafic projetés à moyen terme ou en cours de réalisation contribueront à très court terme à saturer à l’extrême la RN257 en générant des trafics de fuites dans les quelques voiries communales adjacentes et sur la RN4 déjà saturée dans la traversée de Wavre. (…) Le contournement offrira une alternative d’accès au zoning nord pour tous les usagers provenant du sud, de l’est et du nord-est de Wavre » (RIE, p. 6).

Au niveau régional :

 « Grâce à ses jonctions avec l’E411 et la RN25, la RN257, prolongée comme projeté, constituera un contournement complet de la ville de Wavre ce qui offrira au trafic régional la possibilité d’éviter les congestions liées au trafic interne de la ville cumulé au trafic de transit. L’ensemble des nœuds précités seront donc soulagés » (RIE, p. 6).

Deux objectifs en lien avec la mobilité sont donc visés par la réalisation de ce contournement :

 la diminution du trafic de transit dans le centre de Wavre, qui apparaît comme imputée principalement par le trafic régional et la desserte du zoning nord de Wavre ;

 la réduction de la saturation de la RN257, à la sortie 5 (Bierges) de l’E411.

IEW s’interroge sur la réponse réelle que pourrait apporter la réalisation du contournement projeté à ces deux problèmes.

D’une part, il manque une objectivation, dans la justification du projet, de la composition du trafic au centre de Wavre. Que sait-on de son origine? Alors qu’il est ici imputé au trafic de transit, de nature régionale, on lit pourtant, en p.6 du RIE, que le « tronçon de la RN4 situé en pleine ville, (est) congestionné par de nombreuses écoles et un trafic local conséquent, et dont la capacité est encore réduite par un passage à niveau dont le rythme de fermeture va encore s’accroître » (RIE, p.6). Or, le projet de contournement routier n’aura aucun impact sur la desserte des écoles de l’agglomération ni sur le passage à niveau (notons par ailleurs qu’une politique de suppression progressive d’un maximum de passages à niveau est à l’œuvre depuis plusieurs années à Infrabel).

D’autre part, si la réduction de la saturation de la RN257, a fortiori à hauteur de l’échangeur de Bierges (sortie 5 de l’E411) est nécessaire pour garantir la sécurité, cette réduction, par l’intermédiaire de la création du contournement routier, ne pourra être que de court terme au vu des développements envisagés et souhaités par les autorités locales du zoning nord de Wavre. Ce développement du zoning est d’ailleurs un troisième objectif, de nature économique, du projet de contournement.

A la lecture du RIE, il apparaît que les objectifs de mobilité défendus (réduction du trafic en centre-ville et réduction de la saturation de la RN257) ne pourront être rencontrés en cas de développement, même modéré, du zoning nord de Wavre. Les cartes de trafic automobile (RIE, p. 108 à 111) montrent ainsi que le développement espéré du zoning, même modéré, et en considérant la réalisation du projet de contournement nord de Wavre, aboutira à une saturation identique de la RN257 entre la E411 et la RN4 (de l’ordre de 24.000 uv/j), à un accroissement sensible (+ 14.000 uv/j) du trafic de la RN257 entre le contournement et la RN4, à un accroissement du trafic sur la RN 268 (+ 4.000 uv/j) et donc du trafic en centre ville, et à une augmentation sensible du trafic sur la RN25 (+15.000 uv/j, avec risque de report vers Grez-Doiceau). En cas de développement maximal du zoning, la saturation sera encore plus importante pour la RN257 (+ 4.500 uv/j entre la RN4 et la E411, + 19.000 uv/j entre le contournement et la RN4), et une augmentation sensible du trafic de transit en centre-ville (+ 12.000 uv/j sur la RN268!) ainsi qu’un accroissement important du trafic sur la RN25 (+23.000 uv/j avec risque de report vers Grez-Doiceau[[Cet accroissement ne pourrait d’ailleurs sans doute pas être absorbérpar le tronçon de la RN25 situé entre Doiceau et Grez-Doiceau, actuellement à 2×1 bande de circulation.]]) seront à prévoir. Les problèmes qu’est censé résoudre le projet de contournement, à savoir, la réduction du trafic de transit et des problèmes de saturation de la RN257 à la sortie 5 de l’autoroute E411 ne seront donc aucunement résorbés, ils seront même aggravés. Les dégâts au paysage, au biotope, à la qualité de l’air, seront, quant à eux, très difficilement réversibles.
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Figures 41 à 44 du RIE, cartes du trafic automobile comparant la situation actuelle, l’impact propre au contournement projeté, l’impact d’un développement modéré et celui d’un développement maximal du zoning nord sur le contournement.

La lecture du RIE fait donc apparaître la contradiction entre les objectifs économique et de mobilité du projet de contournement. Alors que « la priorité à accorder à ce projet se trouve confirmée par les difficultés d’accès au zoning nord dont le développement est compromis tant que son accessibilité n’est pas améliorée de façon structurelle » (RIE, p. 128), le développement du zoning sans réflexion proactive sur une nécessaire stagnation voire une diminution du trafic automobile aboutira à une aggravation des problèmes de mobilité que le projet de contournement est justement censé résoudre. L’affirmation selon laquelle « le projet de contournement exercera un impact positif à l’échelle de l’agglomération de Wavre et permettra de fluidifier les axes actuellement saturés suite à la pérennisation de la configuration actuelle du réseau routier » (RIE, p. 132) ne s’avère donc pas correcte si l’on envisage un développement, même modéré, du zoning nord, ce qui apparaît comme l’objectif souhaité du projet de contournement.

Conclusion et demandes

A la lumière des nombreuses réserves émises sur le projet de contournement routier nord de Wavre, tant en ce qui concerne les incidences potentielles du projet que sa pertinence à répondre aux problèmes de mobilité envisagés, IEW demande une étude plus approfondie, via un Plan (inter)communal de Mobilité (qui soit plus qu’une simple mise à jour des données du Plan de Sécurité routière de 2004) avant toute décision relative au projet de contournement nord. Cette étude doit s’atteler à étudier les causes de congestion (écoles, passage à niveau, etc.) et les possibilités de diminution de la pression automobile en centre-ville, pression qui nuit à la santé et à la qualité de vie des habitants et à l’attractivité de l’agglomération. Au lieu de soutenir le développement du trafic automobile dans l’agglomération wavrienne par l’intermédiaire de la création d’une nouvelle infrastructure routière d’envergure, il serait utile de réfléchir à une réduction de ces flux par le développement d’une mobilité douce et des transports publics. L’accessibilité au zoning nord doit pouvoir se réaliser sans dégrader la qualité des espaces environnants, sans créer un effet d’appel routier, et sans conduire à une saturation accrue, à court ou moyen terme, des infrastructures existantes.

Cette étude de mobilité doit se doubler d’une réflexion territoriale sur l’intégration urbanistique du zoning nord dans l’agglomération wavrienne, a fortiori en cas de développement du zoning en question. Du côté de la RN268, une réflexion devrait également être menée visant à améliorer sensiblement l’entrée de ville de l’agglomération de Wavre, souffrant actuellement d’un déficit paysager et urbanistique important, qui sera encore aggravé par la connexion de la RN268 au contournement projeté (pont, bretelles, etc.).

Plus d’informations sur http://lescontournementsroutiers.be/.

Céline Tellier

Anciennement: Secrétaire générale et Directrice politique