Souvenez-vous, en mai dernier, l’Agence Fédérale de Contrôle Nucléaire (AFCN) avait donné son feu vert au redémarrage des réacteurs Doel 3 et Tihange 2 mis à l’arrêt durant l’été 2012 suite à la découverte de microfissures dans leur cuve. En septembre dernier, les fédérations belges de défense de l’environnement avec Greenpeace avaient décidé d’interpeller l’Agence afin d’obtenir des données complémentaires->http://www.iew.be/spip.php?article5991] sur différents points qu’elles jugeaient préoccupants. Nous avons analysé [la réponse de l’AFCN, avec l’aide d’un ingénieur industriel, spécialiste des questions nucléaires. Les éclaircissements reçus ne permettent pas de lever tous les doutes quant à la fiabilité des cuves, surtout en cas d’écarts de fonctionnement suite à un accident par exemple. Voici les deux points majeurs qui restent problématiques à nos yeux.
1) La démonstration de la tenue des cuves réalisées par Electrabel se base sur des calculs de mécaniques, accompagnés de tests en laboratoire destinés à vérifier les propriétés des matériaux atteints. Or le nombre d’échantillons utilisés (4 en tout) est trop réduit que pour permettre de tirer des conclusions solides. De plus, la représentativité des échantillons choisis n’est pas avérée. Les échantillons n’ont en effet pas été soumis, comme la cuve, à une trentaine d’années d’exposition aux radiations, à la chaleur et à la pression. L’AFCN a demandé à l’exploitant de réaliser des tests sur des échantillons irradiés comme « validation expérimentale additionnelle de l’approche adoptée »… après le redémarrage. Cette approche nous semble bien légère étant donné les enjeux de sécurité. Rappelons qu’une cuve est un équipement dit « en exclusion de rupture », c’est-à-dire que les installations d’une centrale nucléaire ne sont tout simplement pas conçues pour faire face à ce genre d’accident, il est vrai très peu probable dans un cas normal.
2) En complément des calculs et des tests sur les échantillons, l’AFCN avait demandé de réaliser un test sur les cuves elles-mêmes. Durant ce test, la résistance des cuves a été vérifiée sous des conditions plus sévères que lors de l’exploitation normale, en augmentant la pression sur les cuves. Or d’après notre expert, une surpression (surtout si elle est progressive) ne serait pas le scénario le plus pénalisant pour les cuves. Le plus dangereux serait un cas de dépression brutale. Un cas de de figure qui pourrait se produire en cas de fuite majeure dans le circuit primaire nécessitant une injection massive d’eau froide pour refroidir le cœur du réacteur, un accident gravissime. Le refroidissement brutal de la cuve engendrerait une contraction de la paroi interne. Les défauts en forme de petits « pétales » de 10-15 mm parallèles à la surface de la cuve subiraient une force de traction dans leur « épaisseur », la dimension la plus fragile[[La contrainte la plus forte a lieu quand on exerce une traction dans « l’épaisseur » du pétale (très faible). Or une surpression de la cuve engendre plutôt une force de traction dans la longueur/largeur du pétale.]].
Par ailleurs, le test a été réalisé en légère surpression seulement (178 bar au lieu de 150 bar en fonctionnement normal). Pour un pont, les matériaux sont testés avec une pression 3 à 5 fois supérieure à la pression à laquelle ils devront résister.
Heureusement, le test n’a provoqué aucune évolution des défauts… Mais ne nous voilà pas rassurés pour autant.
L’association d’action d’Aix-la-Chapelle contre l’énergie nucléaire, soutenue par Rebecca Harms, la présidente du groupe des Verts au Parlement européen, a organisé une conférence de deux jours sur le sujet en janvier avec des experts dans différents domaines. «De l’avis de nombreux experts internationaux, cette décision n’est pas justifiable ni contrôlable sur base des documents publiés» a indiqué Léo Tubbax, porte-parole de Nucléaire Stop. Les experts enverront un rapport avec des questions détaillées à l’AFCN d’ici quelques semaines. Affaire à suivre.
Notre interview avec l’expert était à peine terminée que nous apprenions par voie de presse la fermeture des réacteurs de Doel 3 et Tihange 2 suite à de nouveaux tests été réalisés par à la demande de l’AFCN pour «évaluer le comportement dans la durée des cuves concernées par les défauts dus à l’hydrogène». «Sur l’ensemble des tests réalisés, l’un d’entre eux portant sur la résistance mécanique d’un échantillon analogue à la composition de cuves concernées ne donne pas de résultats conformes aux attentes des experts», précise le communiqué de l’électricien. No comment…
Voir aussi notre communiqué de presse.