L’énergie se résume-t-elle au faux débat sur l’éolien ?

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Il y a dans chaque campagne électorale quelques thèmes phares qui se dégagent. La dernière n’aura pas échappé à la règle, et c’est la réforme fiscale a été au cœur des débats. D’autres grands thèmes ont également émergé : emploi, immigration, l’institutionnel-dont-on-ne veut-plus-parler, … La fédération IEW a, elle, exprimé sa crainte que l’environnement ne soit relégué au dernier rang des préoccupations politiques et que les mesures proposées dans les programmes des partis soient bien en-deçà des enjeux environnementaux, ce qui fut tout de même le cas. Et finalement, quelle place a été réservé à l’énergie dans ce contexte ?

Quelques tendances qui m’ont frappée autour du thème de l’énergie durant cette campagne:
1) « L’énergie la moins chère est celle qu’on ne consomme pas ». Cette phrase (ou ses variantes) s’est retrouvée dans tous les programmes. Derrière la volonté affichée, les mesures proposées sont restées souvent floues ou insuffisantes. Au-delà de l’isolation des bâtiments certes fondamentale, on peine à voir le concept émerger dans d’autres secteurs. Rien non plus sur la nécessaire cohérence entre niveaux de pouvoir, ce qui a pourtant fait défaut lorsque le fédéral a mis fin aux des déductions fiscales aux investissements économiseurs d’énergie alors que les moyens n’étaient pas encore transférés aux régions. Cohérence aussi au niveau européen. Alors que les objectifs pour 2030 sont discutés, on peut craindre que l’objectif d’efficacité énergétique soit à nouveau le parent pauvre du trio.

2) Consommer MOINS d’énergie (différent du consommer MIEUX) est encore un tabou pour certains, notamment pour le MR («ll ne s’agit pas ici de réduire notre consommation mais de trouver et de proposer des modes de consommation moins énergétivores »). Si tout le monde est d’accord pour miser sur l’efficacité énergétique, le questionnement sur nos besoins énergétiques à un niveau plus global fait encore trop souvent défaut. En effet, la question énergétique n’a été que rarement abordée de façon transversale lors de la campagne. Interroger nos besoins en mobilité, nos modes de production, nos habitudes alimentaires, etc. effraie car cela implique d’accepter que les solutions ne viendront pas toutes du miracle technologique.

3) Le coût de la facture d’électricité, seul angle de vue. Même si cette facture est une réalité bien concrète pour le citoyen, ce n’est qu’un aspect limité de la question au regard des enjeux de la transition énergétique. D’une part, d’autres vecteurs comme la chaleur renouvelable sont souvent oubliés. D’autre part, cela n’incite pas le citoyen à réfléchir à la question énergétique autrement qu’en termes de coûts. La dangerosité intrinsèque du vecteur, le caractère durable sur le long terme ou encore les bénéfices pour le tissu socio-économique wallon sont autant d’éléments absents de cette facture d’électricité.

4) La gestion du photovoltaïque et de l’éolien ont vampirisé les débats de campagne relatifs à l’énergie. Parmi les 100 mesures phares du CDH, la seule retenue pour l’énergie est celle d’implanter de petites éoliennes. Le MR a brandi la menace d’un moratoire en en faisant un argument de campagne. Partisan du « couteau suisse énergétique », le FDF a prôné lui aussi un moratoire sur l’éolien et on devine aisément la plume de Vent de Raison derrière leur proposition. Le PS a ménagé la chèvre et le chou en proposant de « réglementer l’installation des éoliennes en Wallonie ». Si peu après 5 ans de travail de l’Olivier pour réviser le cadre de référence et proposer un décret qui attendait son heure au Parlement. Les urnes ont aujourd’hui parlé… Que va-t-il advenir de l’éolien ?
Dans la presse et divers « votomètres », la question « Faut-il implanter plus d’éoliennes en Wallonie ? » était devenue un critère de choix électoral. Régulièrement dans les débats, l’enjeu énergétique a tourné exclusivement autour de cette question. Lors de la présentation à la presse de l’évaluation des programmes de partis par IEW, une des rares questions posées par un journaliste fut: « oui, mais comment jugez-vous les partis sur la question de l’éolien ? ». Si, comme les sondages l’indiquent clairement, l’implantation d’éoliennes en Wallonie suscite finalement un rejet auprès d’une minorité de la population, un tel matraquage médiatique n’est propice ni à l’établissement d’un dialogue constructif entre développeurs, citoyens et pouvoirs locaux, ni à la recherche de solutions à la hauteur des défis énergétiques.

Quelle planification spatiale et temporelle de la mutation de notre système énergétique en cohérence avec les grands enjeux d’aménagement du territoire ? Quel rythme donne-t-on à l’inéluctable transition énergétique ? Quels leviers pour continuer le développement des énergies renouvelables ? Quels sont les impacts de l’alternative zéro, c’est-à-dire si le développement des énergies renouvelables n’est pas promu au-delà du business as usual ? Quelle vision imprimer pour rassurer les investisseurs, dans les unités de production comme dans les infrastructures et services de transports et de distribution ? Quel mécanisme de soutien le plus adéquat, pour quelle filière ? Le soutien à l’investissement plutôt qu’à la production pourrait-il stabiliser le marché ? Comment concrètement rendre possible la prise de participation de citoyens et d’investisseurs publics?…

Voilà quelques questions qui ont cruellement manqué de réponses dans cette campagne mais auxquelles devront certainement s’atteler nos prochains gouvernements.

Gaëlle Warnant

Économie Circulaire