Le 2 juin dernier, l’administration américaine de protection de l’environnement (Environmental Protection Agengy – EPA) dévoilait son plan pour s’attaquer aux émissions de CO2 des centrales électriques américaines. Objectif : 30% de réduction d’ici 2030 (par rapport à 2005). L’annonce a été saluée par l’ancien vice-président Al Gore comme « l’étape la plus importante pour lutter contre la crise climatique dans l’histoire de notre pays ». Les Etats-Unis, deuxième émetteur au monde, auraient-ils enfin pris la mesure de la menace climatique ?[[Sources utilisées pour cet article :
• « Obama follows through on carbon emissions », Elizabeth Kolbert, The New Yorker, 2 juin 2014.
“Obama unveils historic rules to reduce coal pollution by 30%”, Suzanne Goldenberg,The Guardian, 2 juin 2014
« Everything you need to know about the EPA’s proposed rule on coal plants”, Juliet Eilperin and Steven Mufson, Wasington Post, 2 juin 2014
Communiqué de presse de l’EPA , 2 juin 2014
]]
On se souvient que Barak Obama avait fait de la lutte contre les changements climatiques une priorité lors de ses campagnes en 2008 et 2012 et avait promis à Copenhague, en 2009, que les USA réduiraient leurs émissions de CO2 d’environ 17% en 2020 et de plus de 80% en 2050. Mais la concrétisation de ses promesses se faisait toujours attendre. Après une tentative au Congrès, le président a décidé l’année dernière de contourner celui-ci, bloqué par les Républicains climato-sceptiques et d’agir via son administration. La survenance d’aléas climatiques majeurs ont rendu l’opinion plus sensible au sujet. La publication du Clean power plan (plan énergie propre) représente ainsi le premier pas concret en matière de lutte contre les changements climatiques de Barak Obama. Il s’attaque à la principale source d’émissions de CO2, à savoir les centrales électriques, responsables de près 40% des émissions totales. Le parc de production américain est constitué majoritairement de centrales au charbon vieillissantes, très polluantes. L’objectif global de 30% sera adapté selon les Etats pour tenir compte de leur situation particulière. Ceux-ci devront remettre une stratégie détaillée pour 2016. Plusieurs types de mesures sont possibles : passer du charbon au gaz, mettre en place un marché du carbone, développer les renouvelables ou encourager les citoyens à réduire leur consommation énergétique. Une première pour l’EPA qui habituellement se concentre sur la réduction des émissions « à la cheminée d’usine ».
En y regardant de plus près, force est de constater pourtant que le plan est bien moins ambitieux qu’il n’y paraît. En l’absence d’autres mesures, le Clean power plan seul permettra d’atteindre une réduction des émissions totales d’environ 10% en 2030 par rapport à 2005, soit en fait une augmentation des émissions d’environ 8% par rapport à 1990. On voit mal comment l’objectif de 80% de réduction à l’horizon 2050 pourra être atteint. Selon Greenpeace qui a publié en mai dernier un scénario 100% renouvelable pour les USA, le secteur électrique dispose d’un potentiel technique de réduction de ses émissions de CO2 presque deux fois supérieur. De plus, les émissions de CO2 des centrales électriques ont déjà diminué de 15% entre 2005 et 2012 ! L’effort réel n’est donc plus que de 15% en 15 ans, rien de spectaculaire. La bataille avec le puissant lobby du charbon, qui crie aux pertes d’emplois et aux coûts pour l’économie, est pourtant d’être vraiment ardue.
Par ailleurs, une part de la baisse observée des émissions du secteur électrique ces dernières années est due à l’essor du gaz de schistes aux USA et à la baisse du prix du gaz qui en a résulté[Pour une analyse plus fine de l’influence sur les émissions de CO2 d’une plus grande pénétration du gaz (dont le gaz de schistes) dans le mix énergétique US voir la nIEWs du 14 février 2013 « [Gaz de schistes : de Charybde ne tombons pas en Scylla ! »]]. Une évolution dont on ne peut guère se réjouir même si elle a un impact positif sur les statistiques du climat. Les bénéfices réels en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre de la substitution du charbon par le gaz de schistes sont en effet toujours discutés[Selon le taux de fuite de méthane émanant des puits. Idem]] alors que les pollutions de l’eau et de l’air engendrées par la technique de la fracturation hydraulique sont, elles, bien réelles[[Voir la nIEWs du 28 février 2013 « [Gaz de schistes : bilan santé explosif ! »]]. Espérons que les Etats miseront sur les renouvelables et les économies d’énergie plutôt que sur le mirage du gaz de schiste pour atteindre leur objectif.
Si en matière de lutte contre les changements climatiques, ce plan est clairement insuffisant il n’en reste pas moins un excellent signal au niveau politique pour les négociations internationales qui doivent aboutir à un accord mondial en 2015 à Paris. Les principaux pays émetteurs, Chine et USA en tête, ne pourront plus se renvoyer la balle en prétextant leur inaction réciproque. Un peu d’espoir est permis même si la route pour s’entendre sur un accord global ambitieux et contraignant reste encore longue.
Crédit photographique : lapresse.ca