Les guichetiers sont morts ? Vive les conseillers clientèle !

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Il y a quelques semaines, la SNCB annonçait la fermeture de 33 guichets à travers le pays. Ainsi, le nombre de gares offrant un service commercial humanisé s’est encore réduit, faisant proportionnellement grossir le nombre de Points d’Arrêt Non Gardés sur notre réseau ferroviaire. Est-ce un mal nécessaire ? Une économie inévitable pour maintenir par ailleurs un service de trains suffisant ? Peut-être, dans le contexte budgétaire actuel imposé à la SNCB par le gouvernement Michel. Mais, plutôt que de le supprimer, ne faudrait-il pas le réorganiser, ce service aux voyageurs ? C’est l’option défendue par notre association membre Navetteurs.be. Loin de s’inscrire dans une attitude conservatrice, souvent inféconde, Navetteurs.be avance des solutions novatrices qui méritent d’être étudiées davantage (voir ce travail par exemple). Et, au-delà de la fonction de guichetier, IEW encourage plus largement une évolution, pour ne pas dire une révolution, des métiers du rail.

Maintenir des gens sur le terrain et simplifier les procédures

Nous sommes convaincus de la nécessité de maintenir localement sur le réseau une présence humaine, c’est-à-dire des cheminots en fonction. Bien entendu, le contexte évolue et l’organisation du travail au sein des entreprises publiques de transport ferroviaire doit s’adapter. La réforme du Groupe ferroviaire SNCB[[Le groupe ferroviaire est passé de trois entités (SNCB Holding, Infrabel et SNCB) à deux entités distinctes, à savoir un opérateur ferroviaire (new SNCB) et un gestionnaire d’infrastructure (Infrabel).]] n’a malheureusement pas engendré une réorganisation du travail telle qu’on pouvait l’attendre, ni même les économies d’échelle annoncées par la réduction de la structure.

Oui, on a redessiné l’organigramme, nommé de nouvelles directions, agencé différemment les départements, mais au-delà de ces changements principalement de forme, quelle évolution peut-on constater au niveau des métiers qui sont au cœur même du système ferroviaire ? Je parle de nos amis guichetiers, des conducteurs de trains, des accompagnateurs, des chefs et sous-chefs de gare, des signaleurs,… dont le travail quotidien est soumis à des procédures, tantôt longues, parfois fastidieuses, de plus en plus inadéquates ou obsolètes, vu leur origine qui remonte parfois au siècle dernier. Tel incident a entraîné telle procédure, tel accident a engendré telle marche à suivre ; et les couches de règlement se sont empilées au fil des années au détriment de la simplicité et bien souvent de l’efficacité.

Alors, plutôt que progressivement et simplement supprimer ce qui ne semble plus suffisamment utile ou rentable, ne faudrait-il pas envisager une remise à plat des métiers de terrain du ferroviaire en les revalorisant ? Par ailleurs, s’il est probable qu’avec l’informatique et les nouvelles technologies, le nombre total de personnes travaillant au sein d’une entreprise ferroviaire puisse être réduit pour réaliser la même offre ferroviaire, ce n’est pas au niveau du personnel de terrain que ces réductions devraient être envisagées, mais bien au sein de l’encadrement administratif et managérial. Bien entendu, les procédures administratives héritées d’une autre époque justifient sans doute actuellement autant des gestionnaires administratifs, et c’est sans doute là que des économies peuvent être envisagées. Le récent benchmarck dont certains résultats ont été diffusés dans la presse semblait estimer une possible réduction de 20% des conducteurs et de quelques 25% des accompagnateurs au sein e la SNCB pour se mettre au diapason européen. Au contraire, nous pensons chez IEW que ces métiers sont le cœur même du système ferroviaire, et qu’aucun développement ambitieux de l’offre de transport ferroviaire ne peut être envisagé sans leur redéploiement à terme. Mais pour cela, il est vrai aussi que ces métiers doivent eux-mêmes évoluer.

Permettre la reconversion et valoriser la polyvalence

Effectivement, il était sans doute justifié, au siècle dernier, que l’accompagnateur s’assure avant le départ du train qu’aucun fraudeur ne s’était agrippé au convoi, en restant jusqu’à la dernière seconde sur le quai. Cela avait son sens, quand n’existait ni réseau gsm ni réseau internet, d’imposer au conducteur de sortir de sa cabine pour remplir un formulaire papier au pied du signal annonçant une possible défectuosité du prochain passage à niveau. Il était difficile, pour un guichetier il y a une vingtaine d’années, sans l’existence des moteurs de recherche performant et interconnecté, d’informer un voyageur sur les correspondances bus et le temps de trajet total jusqu’à destination.

Mais aujourd’hui, à l’ère des nouvelles technologies de l’information et de la communication, sur un réseau prochainement équipé du dernier cri en matière de sécurité, ne serait-il pas souhaitable pour les travailleurs du chemin de fer comme pour les voyageurs ferroviaires de voir certains métiers du rail se moderniser?

Chers voyageurs, n’apprécieriez-vous pas de trouver dans la gare locale à deux pas de chez vous un service de dépôts de pain, voire une mini superette, un point pour rependre vos colis, ou encore un espace de travail connecté, et pour vous informer et vous donner accès à tous ces services, un comptoir unique avec un personnel accueillant à votre service ? Chers conducteurs, que diriez-vous de pouvoir parfois vous dérouiller les jambes en traversant votre train au bout d’un trajet afin voir si personne n’a rien oublié ? Chers accompagnateurs, ne seriez-vous pas tentés de proposer des services aux voyageurs plutôt qu’uniquement les contrôler ?

Oser le changement pour assurer l’avenir

Avoir un rôle clair mais riche de variétés. Etre dans la rencontre et aux services des autres. Ne pas avoir des journées qui se ressemblent, goûter aux imprévus et valoriser ses capacités de créativité. Pouvoir prendre des responsabilités et défendre ses initiatives. Ne serait-ce pas le souhait enfoui chez beaucoup de cheminots ? Bien entendu, le changement, pour tentant qu’il puisse être, engendre toujours des réticences. « On sait ce qu’on a, on ne sait pas ce qu’on aura ». Mais à force de s’assoir sur des soi-disant acquis, on les écrase complètement. D’où l’intérêt d’oser le changement, pas dans l’urgence ou la précipitation, mais en le pensant, en l’organisant et en le préparant.

Juliette Walckiers

Anciennement: Mobilité