L’avis du Comité Consultatif des Voyageurs Ferroviaires (CCVF) – dont IEW est membre – sur les prochains contrats de gestion de la SNCB et Infrabel est public depuis le 10 mai dernier. IEW, a activement participé à son élaboration. Nous vous présentons ici une sélection des principales recommandations qui y sont reprises, agrémentée de quelques commentaires.
Le Comité Consultatif des Voyageurs Ferroviaires est constitué des différents représentants de la société civile concernés par le transport ferroviaire de voyageurs[Le CCVF est constitué de : 16 membres représentatifs des utilisateurs de trains dont 1 représentant des PMR, 1 représentent des cyclistes, 1 représentant des jeunes, 1 représentant des seniors, 1 représentant des intérêts familiaux, 1 représentant par région de l’association régionale de défense des utilisateurs de transports en commun, 1 membre des organisations environnementales, 1 membre des organisations représentent les commerçants, 1 membre des organisations de consommateurs, 3 membres désignés par les organisations représentatives des travailleurs, 3 membres représentatifs des acteurs économiques, 1 membre désigné par l’Etat fédéral et de 3 membres des organisations régionales représentatives des villes et communes (AR 20082015)]]. Anciennement Comité Consultatif des Usagers (CCU), il a été réformé et dynamisé. IEW y a obtenu un mandat de membre effectif que nous assumons activement. Après [un premier avis, assez critique, sur la commande du matériel roulant M7, et un second avis sur le Plan Transport 2017 précisant les attentes et demandes des voyageurs, en faisant preuve d’ambitions tout en restant réaliste vu le contexte budgétaire, les membres du CCVF ont remis ce mois-ci aux entreprises ferroviaires et à leurs autorités de tutelle, un avis concernant les futurs contrats de gestion.
Un contrat de gestion reprend les droits et obligations d’une entreprise publique autonome vis-à-vis de son actionnaire principal, à savoir l’Etat. Il s’agit donc de définir d’une part quelles sont les missions qui seront attribuées à la SNCB et à Infrabel pour les 6 années à venir, et d’autres part quels sont les moyens qui seront alloués par l’Etat pour la réalisation de ces missions. Nous connaissons depuis le début de la législature, le montant important des économies qui ont été imposées au rail : 2.128 milliards d’ici à 2019, en plus des économies déjà décidées sous le gouvernement précédent, soit au total environ 3 milliards. Nous connaissons aussi, comme vous, les problèmes récurrents et grandissants de mobilité que connaît notre pays (congestion quotidienne, pollution aux particules fines, insécurité des tunnels bruxellois, etc.). C’est donc un fameux défi à relever que celui de développer le transport ferroviaire de voyageurs.
Les contrats de gestion sont des outils essentiels pour relever ce défi. Le CCVF propose dans son avis des objectifs concrets (listés ci-dessous), qui pourront donner lieu à des évaluations précises. Il est essentiel de pouvoir vérifier que les deniers publics consacrés au chemin de fer, largement insuffisants, soient néanmoins utilisés au mieux.
Augmenter le nombre de voyageurs de 20% en 2020 par rapport à 2014
Il s’agit bien d’un objectif de résultats à obtenir. S’il peut paraître ambitieux, il est cependant insuffisant pour répondre aux engagements climatiques qui découlent de la COP21 en ce qui concerne les émissions du secteur des transports ; et au vu de l’évolution du nombre de voyageurs ces dernières années (+70% entre 1998 et 2014), cet objectif est tout à fait raisonnable. Mais pour l’atteindre, il est essentiel de mettre en œuvre efficacement toute une série de mesures pour répondre à d’autres objectifs intermédiaires, indissociables.
Réaliser et publier une vision de l’offre long terme
Cet objectif est de plus en plus souvent repris dans les discours politiques mais peine à se concrétiser. Le CCVF propose que cette mission soit explicitement donnée à la SNCB, lui demandant d’élaborer un schéma d’exploitation long terme (horizon2030-2040) basé sur le concept du cadencement en réseau. En partant des pôles territoriaux belges, cette vision doit envisager le réseau ferroviaire actuel comme l’ossature d’un système de mobilité dans lequel viendront s’intégrer les autres modes de déplacements. Ce travail de la SNCB, souhaité pour 2020 au plus tard, viendra donc en complément des exercices similaires en cours de réalisation au niveau des autres opérateurs de transports publics du pays. L’idéal serait bien entendu de réaliser cette exercice de vision de manière concertée et collaborative entre les différents acteurs du transport ; ce sera au politique de se saisir de ces différentes visions pour les intégrer dans une vision de mobilité nationale qui permettra de mener des politiques cohérentes et efficaces en matière de déplacements.
Acquérir un matériel roulant adapté, performant et confortable
Il faut atteindre le bon équilibre entre diversité et standardisation du parc de matériel roulant. Un service de transport spécifique exige un matériel roulant adapté. Pour les relations IC et IR, il faut du matériel avec une puissance de traction élevée et une capacité importante ; tandis pour des services S ou L, le matériel doit surtout posséder de fortes capacités d’accélération et des unités de base de petite capacité avec des espaces multifonctionnels. Au sein de chaque type de matériel roulant, il faut privilégier la standardisation avec du matériel roulant le moins spécifique possible et qui a déjà fait ses preuves (éviter les maladies de jeunesse). Cela permet de disposer d’un matériel robuste et dont l’entretien est facilité. Un matériel roulant standardisé ne signifie pas pour autant dépourvu de confort. Le CCVF recommande d’ailleurs que des normes de qualité soient reprises dans les cahiers des charges pour l’achat de nouveau matériel roulant et souhaite être consulté sur les prochains cahiers des charges.
Améliorer la disponibilité du matériel roulant de 2% par an
Cet objectif sera d’autant plus facilement atteignable que l’objectif précédent est poursuivi. A l’heure actuelle, le taux de disponibilité du matériel roulant de la SNCB serait de 77% selon les dires de Jo Cornu[[En Commission Infrastructure de la Chambre en février 2015]]. Donc, en moyenne chaque jour, 23% du parc n’est pas en service. Dans un tiers des cas, le matériel est en révision mais dans deux tiers des cas, il s’agit de pannes. Au-delà de l’acquisition d’un matériel plus robuste, il s’agit donc d’améliorer la maintenance préventive et l’organisation des révisions.
Exploiter davantage une infrastructure ferroviaire de qualité
Améliorer l’état des infrastructures ferroviaires est une prérogative d’Infrabel. Le CCVF propose un objectif précis en la matière, celui de réduire le nombre de sections où il existe une limitation temporaire de la vitesse de référence. Un cadastre doit être établi pour permettre une évaluation régulière de la progression. Les investissements et l’entretien d’un réseau sont d’autant plus valorisés que l’utilisation de celui-ci s’accroit. Le CCVF demande que soit évaluée l’évolution du taux d’utilisation du réseau. Afin d’encourager une utilisation accrue du réseau par la SNCB, le CCVF avance des propositions concernant une modification de la redevance d’utilisation de l’infrastructure, dans le sens d’une réduction de celle-ci pour le trafic intérieur de voyageurs de sorte qu’elle ne dépasse pas le coût direct, Infrabel recevant alors en compensation une dotation plus importante mais avec une partie variable afin d’éviter la consolidation de sa dette avec celle de l’Etat.
Atteindre et respecter des vitesses de référence minimales
La vitesse commerciale des relations s’est fortement dégradée depuis le précédent plan transport. Le CCVF demande que soit améliorée la vitesse commerciale des relations pour atteindre une vitesse minimale de 90km/h pour les relations IC et 80 km/h pour les relations IR[[Le CCVF propose de réinstaurer des relations IR]]. C’est un objectif que doit poursuivre tant le gestionnaire d’infrastructure Infrabel que l’opérateur SNCB, les deux entreprises publiques ayant des responsabilités en la matière.
Atteindre un taux de ponctualité de 92.5% en 2017
L’amélioration de la ponctualité a été annoncée comme une priorité politique lors de l’élaboration du précédent PPI, ainsi que dans l’accord du gouvernement. Le CCVF rappelle la nécessité de concrétiser cette volonté. C’est la première demande des voyageurs et c’est une condition sine qua non pour mettre en place un système de cadencement en réseau performant. La ponctualité dépend de nombreux facteurs : l’état de l’infrastructure et du matériel roulant sont des éléments clés.
Améliorer l’accueil des voyageurs et l’intermodalité en gare
Dans son avis, le CCVF propose plusieurs pistes concrètes pour réaliser cet objectif global. Il pointe la nécessité de réaliser un programme de réaménagement des quais pour respecter la norme définie (enfin !) de 76cm. Il faut viser à termes une accessibilité plain-pied partout, et cela exige une adaptation de l’infrastructure et du matériel roulant. Le CCVF rappelle également l’importance de développer davantage l’intermodalité train-vélo, par l’équipement de stationnement vélo et la présence de Point Vélo proposant une diversité de services.
Appliquer une offre de base sur l’ensemble du territoire
Pour répondre au premier objectif ici présenté, à savoir augmenter le nombre de voyageurs, une amélioration du niveau de l’offre est attendue. Nous avons déjà évoqué plusieurs aspects touchant à la qualité de l’offre (ponctualité, confort du matériel roulant, vitesse commerciale). A côté de l’amélioration qualitative de l’offre, le CCVF s’exprime aussi clairement dans son avis sur une amélioration quantitative de cette offre. Malheureusement, dans le contexte budgétaire brièvement rappelé en introduction, il est vain de réclamer une offre de transport avec une fréquence à la demi-heure partout et tout le temps ; il est pourtant connu que c’est à partir de ce seuil qu’un gain massif de voyageurs est possible. Le CCVF propose donc, dès le plan de transport 2017, l’application de l’offre de base suivante : une offre effective de 18 A /R par jour pour toutes les relations sur le réseau, une fréquence renforcée durant les heures de pointe les jours ouvrables (2 à 4 trains par heure selon les relations) et une amplitude élargie avec une arrivée avant 6h00 et un départ après 22h00 pour les grandes villes. Le CCVF demande par ailleurs que soit implémentée l’offre S autour de Bruxelles, Anvers, Gand, Liège et Charleroi avec une desserte minimale de deux trains par heure toute la journée.
Des actions concrètes et une évaluation transparente et régulière pour atteindre de tels objectifs
Pour terminer cette synthèse partielle de l’avis du Comité Consultatif des Voyageurs Ferroviaires, nous ajoutons les éléments mis en avant dans l’avis concernant la gouvernance. Le CCVF rappelle ainsi le rôle du SPF Mobilité et Transport qui devrait disposer de davantage de moyens pour initier (c’est actuellement la SNCB ou Infrabel qui propose un projet de contrat), discuter, suivre et évaluer les contrats de gestion. Une évaluation intermédiaire et finale doivent être formalisées par un rapport adressé à la commission infrastructure de la Chambre. Le CCVF entend aussi être informé de manière régulière et transparente du suivi de la réalisation des objectifs qui seront repris dans les contrats de gestion.
Pour aller plus loin, je vous invite bien entendu à prendre connaissance de cet avis dans son entièreté.