Triste anniversaire : un an après le début du dieselgate, tous les constructeurs continuent à vendre des voitures polluant largement plus que la norme légale, avec la connivence des gouvernements européens. L’industrie automobile a « mis au pas » ses régulateurs. Un sursaut du monde politique est indispensable : les émissions d’oxydes d’azote tuent 72.000 européens par an et la triche des constructeurs induit une augmentation non négligeable des émissions.
Il y a un an éclatait le scandale VW : face aux accusations de l’administration américaine, le constructeur reconnaissait avoir équipé certaines de ses voitures diesel d’un « dispositif d’invalidation ». Ce dispositif, un logiciel capable de repérer quand le véhicule était soumis à un test de pollution, désactivait le système de dépollution en-dehors de ces conditions. Résultat : sur route, les émissions d’oxydes d’azote (NOx) des voitures concernées dépassaient largement les normes. Il est vite apparu que le phénomène était généralisé : d’autres régions du monde étaient concernées, d’autres constructeurs équipaient leurs voitures de dispositifs d’invalidation : le « dieselgate » était né. Face au scandale, des commissions d’enquêtes parlementaires furent mises en place, des tests de véhicules furent réalisés sous l’autorité de certains gouvernements, … Un an après, que reste-t-il de cette agitation ? La fédération européenne Transport and Environment (T&E) fait le point dans un nouveau rapport publié ce lundi 19 septembre 2016.
Selon l’étude menée par T&E notamment sur base des tests réalisés en Allemagne, en France et au Royaume-Uni (ainsi que sur base d’une importante base de données publique), 29 millions de voitures émettant beaucoup trop d’oxydes d’azote (au moins 3 fois la norme) circulent sur les routes européennes, dont 1,4 million en Belgique. Dans ces conditions, il est urgent de mettre en place un rappel de tous les véhicules concernés.
Les résultats sont très contrastés en fonction de la norme à laquelle sont sensés se conformer les véhicules.
Pour les Euro 5 (vendus entre 2010 et 2015), les meilleurs sont : Seat (3,2 fois la norme), Honda (3,3 fois), BMW + Mini (3,4 fois), Ford (3,8 fois) et Peugeot (3,8 fois) ; les pires sont : Nissan (6,6 fois), Chevrolet + Opel (7 fois), Hyundai (7,2 fois), Land Rover (7,6 fois) et Renault + Dacia (7,9 fois). VW est à 4,8 fois la norme.
Pour les Euro 6 (vendus depuis 2014) : les meilleurs sont : VW (1,8 fois la norme), Seat + Skoda (2,1 fois), Audi (2,7 fois); BMW + Mini 3 fois) et Mazda (3,6 fois) ; les pires sont : Mercedes-Benz (6,4 fois), Hyundai (7,7 fois), Opel (10 fois), Dacia + Infiniti + Nissan + Renault (14,4 fois) et Alfa-Romeo + Fiat + Suzuki (15,5 fois).
Les principaux dispositifs d’invalidation relèvent de trois catégories différentes : fenêtre thermique, redémarrage à chaud ou reconnaissance de cycle de test.
Dans le premier cas, la dépollution est désactivée lorsque la température extérieure descend sous un certain seuil. Les tests d’homologation sont généralement menés entre 23 et 29°C. Certains constructeurs désactivent à partir de 17°C de température extérieure Opel, Renault-Nissan), d’autres, plus raisonnables, en-dessous de 10 (Daimler) ou de 5°C (Peugeot). Pour rappel, la température moyenne en Europe est de 9°C environ.
Le deuxième dispositif d’invalidation désactive la dépollution lors d’un redémarrage du moteur à chaud (les tests en laboratoire sont menés avec un moteur froid).
Enfin, la troisième catégorie de dispositif d’invalidation repère le cycle de test (qui utilise un profil de vitesse bien défini) ou, au contraire, identifie que l’on n’est pas en cours de test. Ainsi, quand il y a d’autres personnes que le conducteur, quand la vitesse est élevée, quand la voiture roule depuis plus de 22 minutes (les tests durent environ 20 minutes), …
Le mobile du crime est toujours le même : allonger la durée de vie des systèmes de dépollution.
Le vrai scandale du dieselgate en Europe est l’attitude des autorités d’homologation nationales qui refusent de voir l’évidence dans le seul but de protéger leurs constructeurs nationaux (Allemagne, France) ou leur propre business (Luxembourg, Pays-Bas). Cela tue des milliers de personnes chaque année. Il est urgent de réformer en profondeur le système d’homologation de surveillance du marché automobile en Europe. Une telle réforme devrait notamment instaurer un « gendarme » européen pour surveiller et harmoniser le travail des régulateurs nationaux, donner à la Commission européenne le pouvoir de mener des tests indépendants, séparer clairement les acteurs de la chaîne d’homologation : constructeurs, services techniques qui réalisent les tests et autorités nationales d’homologation. Tant que les législateurs européens continueront à privilégier les intérêts financiers de quelques-uns au détriment de la santé physique de tous, ceci restera un vœu pieu. Plus que jamais, il est nécessaire de manifester haut et fort notre légitime indignation.