En juin les pays de l’Union Européenne devront rendre à la Commission un draft de Plan National Energie-Climat (PNEC) révisé. Or en Belgique, construire un plan national est devenu très difficile.
Ce texte est basé en partie sur le colloque organisé par la Coalition Climat le 17 avril « Plan national Climat: pourquoi, pour qui, pour quoi faire ».
Mais reprenons.
En 2014, le Conseil Européen approuve un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’au moins 40% en 2030 par rapport à 1990. Sur cette base les Etats membres réalisent alors un premier plan climat rendu à la Commission en 2019. Seulement, cet objectif est largement insuffisant par rapport aux promesses de l’Accord de Paris.
C’est pourquoi en 2021, la nouvelle Commission modifie l’objectif européen, en le portant à -55% en 2030 par rapport à 1990. Les Etat membres sont donc appelés à revoir leur copie du PNEC. En pratique, ils doivent remettre à la Commission européenne un nouveau plan pour juin de cette année.
Une organisation à la belge
En Belgique, la situation est un peu particulière puisque la politique énergétique et climatique est une compétence partagée. Chaque région, ainsi que l’autorité fédérale, rédige donc un plan selon ses domaines de compétence. Les mesures sont ensuite agrégées pour construire le PNEC qui est rendu à la Commission. Et chaque entité doit par conséquent revoir son plan de 2019.
La Wallonie l’a déjà fait (voir notre analyse du PACE). Le Gouvernement fédéral vient également d’annoncer l’approbation de son plan. Bruxelles prévoit de clôturer le sien d’ici fin avril. Mais du côté de la Flandre, par contre, le processus est beaucoup plus compliqué… Cette dernière a d’ailleurs refusé l’invitation de la Coalition Climat à venir s’exprimer sur son plan (contrairement aux autres entités bien présentes). L’ambition sera de toute façon absente puisque la Gouvernement flamand a déjà annoncé viser une réduction de 41% (hors secteur industriel) au lieu des 47% nécessaires.
Vous avez dit collaborer ?
La coordination entre entités est hélas devenue une mauvaise blague belge depuis des années. En 2015, il avait fallu 6 ans aux entités fédérées pour se mettre d’accord sur la très mal nommée « répartition de l’effort » (ou burden sharing) définissant les responsabilités de chaque entité pour atteindre les objectifs climatiques belges de 2020. Cette défaillance de gouvernance est dénoncée depuis des années par des organes internationaux tels que la Commission européenne, l’Agence internationale de l’énergie, l’OCDE ou encore le Fonds monétaire international. Lors de son évaluation du PNEC en 2020, la Commission concluait que « le plan final manque parfois de cohérence entre les éléments proposés par les entités fédérées. En conséquence, les opportunités de synergie ne sont pas exploitées ». La Commission mettait aussi en évidence un manque de vision commune entre les différentes entités.
En Belgique, les avis ne manquent pas non plus. Le Conseil Fédéral de Développement Durable (CFDD), rassemblant entreprises, syndicat, ONGs, associations de jeunes…, a ainsi sorti plusieurs avis pour le moins piquants : « Le CFDD est d’avis que la gouvernance montre des lacunes évidentes » (2013) ou parle encore de « manquements structurels de la politique en matière de d’énergie et de climat » (2019).
Sans parler de la condamnation de l’Etat fédéral et des trois Régions dans le cadre de l’Affaire climat en 2021. Le tribunal de première instance de Bruxelles leur a entre autres reproché le “manque de bonne gouvernance climatique” et ce, malgré les avertissements répétés de l’Union Européenne.
La Commission Nationale Climat : une boîte noire
Il existe pourtant un organe belge prévu pour coordonner cette politique : la Commission Nationale Climat (CNC). Mais celle-ci semble bien incapable de jouer son rôle. En 2007 déjà, le Conseil d’Etat regrettait que cette structure n’ait aucune responsabilité politique mais également qu’elle agisse sans aucun contrôle parlementaire. Au-delà des défauts structurels, la plupart des observateurs, dont Canopea, soulignent que le problème est surtout un manque un désir de travailler ensemble. Si cette mauvaise volonté était, historiquement, principalement à attribuer à la Flandre, dont les ministre N-VA sont bien peu regardant sur les responsabilités climatiques de la Belgique, elle semble également de plus en plus présente par chez nous.
On sait comment agir !
Comment améliorer la situation ? À la demande de la CNC elle-même, un groupe de travail “gouvernance” avait rendu en 2019 un rapport de synthèse très complet des propositions et recommandations des différentes assemblées parlementaires, organes consultatifs et universitaires. Quelques jours plus tard, la CNC annonce « avoir pris acte de ce rapport ». Depuis, rien n’a bougé.
Canopea, Bond Beter Leefmilieu et la Coalition Climat ont également publié ce briefing en 2022, relatif à la gouvernance du PNEC.
En bref
La politique climatique belge souffre tout d’abord d’une coopération déficiente entre état fédéral et entités fédérées, ce qui entraine un manque d’intégration des politiques menées à différents niveaux de pouvoir. La répartition des objectifs climatiques belges pour 2030 reste en attente, notamment devant le refus de la Flandre de souscrire aux objectifs européens. Et l’absence d’un cadre politique clair ne permet pas de construire une vision commune à long terme. L’organe prévu pour répondre à ces besoins, la CNC, souffre d’un manque de transparence et d’une absence de contrôle démocratique. Bref, une gouvernance belge à revoir de fond en comble…
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