Chaque été, c’est le même schéma : aux épisodes de sécheresse succèdent les coulées de boues. Pourquoi ? Car le sol, séché et craquelé par des journées de cagnard, n’est pas en mesure d’absorber l’eau directement.
Les grosses pluies estivales ruissèlent alors sur le sol durci, emportant avec elles une grande quantité de sédiments : l’érosion est en marche. Il faudra plusieurs heures de pluie pour que le sol, réhumidifié, puisse alors mieux accueillir et stocker l’eau.
Après une période de sécheresse, quand la végétation et les cultures ont tellement besoin d’eau, il est pourtant crucial de tirer le maximum de la première pluie, et d’ainsi éviter que toute l’eau ruissèle vers l’aval. Heureusement, des pratiques culturales se développent pour limiter l’érosion et favoriser l’infiltration de l’eau vers le système racinaire.
FACTS :
- Chaque année, ce sont 2.3 t de sol qui sont emportée sur chaque hectare de culture en Wallonie.
- Dans le monde, la vitesse d’érosion de sols est actuellement plus rapide que celle de formation des sols.
- Les dommages dus à l’érosion sont estimés à plus de 600 000 euros par an en Wallonie, sans compter les dommages privés au sein des habitations.
L’érosion
On estime en Wallonie que chaque année, ce sont 2.3 t/ha de sol qui sont emportés par phénomène d’érosion, et qui vont rejoindre les eaux de surface. Ce phénomène, aggravé par certaines pratiques agricoles, a beaucoup de conséquences néfastes : pertes en sol, coulées de boues, sédimentation dans les cours d’eau et dégradation de la qualité de ceux-ci.
Cette perte progressive du sol a également un impact sur l’agriculture, car au fur et à mesure, les horizons du sol changent, disparaissent et menacent ainsi la fertilité des champs.
L’eau et la boue sont responsables de dommages importants sur les habitations, les voiries, mais aussi dans les forêts et les cultures. On estime leur impact à plus de 600 000 euros par an pour la Région, sans compter les dommages privés.
Pour une même pluie, l’érosion du sol va dépendre de plusieurs facteurs. Des facteurs physiques d’une part : la pente du terrain, la nature du sol et l’intensité moyenne des pluies sur la parcelle. La Wallonie a ainsi défini une carte de la sensibilité du sol à l’érosion en fonction de ces différents critères.
Des facteurs agricoles d’autres part, notamment la structure et la qualité du sol, ainsi que la culture qui est implantée sur la parcelle. Ainsi, un sol sera moins sujet à l’érosion si :
Il n’est peu voire pas labouré | |
Il est vivant et riche en matière organique | |
Il est entièrement couvert par une culture ou de l’herbe. |
Le sol et l’eau
Dans cet épisode des chroniques de l’été, j’ai voulu mettre en évidence une expérience découverte à la Foire de Libramont (édition 2022 !), sur le stand de Greenotec, une asbl spécialisée en agriculture de conservation des sols.
Cette expérience vise à comparer la qualité d’eau qui s’infiltre (les seaux posés sous la structure) et la quantité d’eau qui ruissèle (les seaux suspendus au déversoir), en fonction du type de sol et du couvert.
Ici sont comparés 4 types de cultures : un sol labouré, un sol labouré et paillé, un sol sans labour où la culture de maïs a été faite en semis directs et une prairie.
Une fois les 4 sols arrosés, on voit que non seulement la quantité de l’eau qui s’est infiltré est beaucoup plus importante pour les prairies et les semis directs. Mais on constate également que pour les sols labourés sans couvert, l’eau qui a ruisselé est très chargée en sédiments.
Cette expérience très simple est confirmée par de nombreuses études1, qui font le lien entre une diminution du travail du sol, une augmentation de la matière organique et la présence d’un couvert végétal afin de limiter l’érosion, de favoriser l’infiltration et d’améliorer la qualité de l’eau.
Les éléments du paysage
Outre le couvert et la renaturation des sols, certains éléments du paysage peuvent aider à limiter l’érosion et les coulées de boue. On pense notamment à la mise en place de haies dans le sens perpendiculaire à la pente, aux bandes enherbées, aux mares, et à tout élément capable de freiner le ruissèlement de l’eau.
Les risques d’érosion en Wallonie et la BCAE 5
En Wallonie, près de 13% de la surface agricole est à risque d’érosion important. C’est le cas, principalement :
- Au Nord du Sillon Sambre et Meuse, dans les régions sablo-limoneuses de la Hesbaye, du Brabant, et dans le Condroz car c’est la région des grandes cultures. Ces cultures (maïs, pommes de terre, betteraves) sont des cultures sarclées (= dont la culture demande un travail du sol après le semis), pour lesquelles la terre est nue au printemps et donc facilement érodable en cas de pluies. La terre de ces régions présente aussi une teneur en matière organique qui est trop faible et qui les expose davantage à l’érosion.
- Au sud du Sillon Sambre et Meuse, dans les Ardennes, où la topographie accentuée favorise l’érosion.
Afin de limiter ces risques d’érosion, la Wallonie a mis en place plusieurs règles :
- Obligation de mettre en place une couverture végétale en hiver sur les parcelles avec plus de 10% de pente ;
- Interdiction de mettre des cultures sarclées (maïs, betteraves, pommes de terres) sur les parcelles avec plus de 10% de pente (sauf si une bande enherbée de 6m est présente dans le bas de la parcelle) ;
- Interdiction de détruire des éléments du paysage tels que les haies, les arbres, les talus, les mares ou les fossés
Plus récemment, lors du développement de la PAC 2023-2027, et afin de limiter davantage les problèmes liés à l’érosion et aux coulées de boue, la Wallonie a mis en œuvre la « BCAE 5 », une mesure de gestion des risques érosifs qui fait partie de la conditionnalité, c’est-à-dire que les agriculteurs doivent respecter pour obtenir les subsides de la PAC.
La BCAE 5 impose certaines règles aux parcelles qui sont considérées comme à risque d’érosion élevé ou très élevé, notamment la mise en place de cultures sous couvert ou l’installation des bandes anti-érosion. Sur les parcelles à risque érosif extrême, en revanche, il est interdit de cultiver ou de labourer, laissant la parcelle disponible pour la prairie de fauche ou le pâturage.
Cette mesure a beaucoup fait parler d’elle car elle limite la possibilité de cultiver sur certaines parcelles, et a reçu une forte opposition d’une certaine partie du monde agricole, davantage attachée aux monocultures et aux cultures intensives sur de grandes parcelles continues. Pourtant, cette mesure est indispensable pour maintenir les sols et leur capacité nourricière, pour préserver les villages situés en aval des cultures et pour éviter une dégradation additionnelle de la qualité des cours d’eau.
Pour plus d’informations sur les sols et les services écosystémiques qu’ils nous rendent, rendez-vous sur le site de Canopea pour lire cette Racine de ma collègue Aurélie
Et après ?
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Crédit photo d’illustration : Adobe Stock
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- Plusieurs références sont disponibles dans ce rapport : https://apad.asso.fr/images/APAD_et_reseau/ACS/Synthse_biblio_ACS_Principes_et_bnfices.pdf