Dans le cadre du festival Namur Demain, nous avons organisé une projection du film « Bienveillance paysanne », réalisé par Oliver Dickinson. L’occasion de mettre à l’honneur des éleveurs et éleveuses qui ont décidé de s’orienter vers des pratiques agricoles plus vertueuses.
Introduction
L’élevage industriel est responsable d’impacts catastrophiques sur l’environnement. Au Brésil, par exemple, l’élevage est la première cause de déforestation de la forêt amazonienne : les terrains déboisés sont utilisés pour produire du soja destiné à nourrir les animaux d’élevage (y compris en Europe). Le secteur de l’élevage est responsable de 14.5 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial. Il pollue également les eaux et les sols ; cette problématique a été mise en évidence notamment lors des débats très animés autour du « plan azote » en Flandre : les élevages industriels étant nombreux dans cette région, on ne sait plus que faire des effluents azotés !
L’élevage intensif comporte également des risques pour la santé humaine. En effet, la concentration d’un grand nombre d’animaux dans une surface confinée est favorable à la propagation des infections ; l’usage d’antibiotiques est donc souvent nécessaire pour traiter les animaux, voire pour prévenir la propagation des maladies. L’usage excessif d’antibiotiques chez les animaux d’élevage favorise l’apparition de résistances, qui peuvent également mettre à mal l’efficacité des antibiotiques en médecine humaine.
Face à ces constats, certains éleveurs et éleveuses ont décidé de redonner du sens à leur métier en se tournant vers des pratiques plus vertueuses.
Des paysans qui façonnent les paysages
Quelle est la différence entre l’élevage industriel et l’élevage « paysan » ? Alors que le premier a la production comme unique objectif, le second remplit des fonctions multiples : lutte contre l’érosion, accueil de la biodiversité sauvage et domestique (races locales), etc. Tandis que l’élevage intensif détruit les paysages en les simplifiant à l’extrême, l’élevage paysan les façonne, dans toute leur beauté et leur diversité.
Travailler avec la nature
Les éleveurs et éleveuses qui s’engagent dans cette transition écologique ont un point commun : iels ont choisi de travailler avec la nature, et non contre elle. Plutôt que de simplifier les paysages et de résoudre les problèmes qui en résultent à coups de produits chimiques, iels s’appuient sur d’ingénieuses collaborations animales et végétales et tentent d’intégrer dans leur exploitation toute la complexité des interactions entre espèces. La plantation d’arbres et de haies fournit un ombrage dont profite le bétail, qui lui-même produit un engrais organique favorisant la croissance de l’herbe. Les poules débarrassent les prairies des parasites qui s’attaquent aux moutons et aux fruitiers, les cochons permettent de valoriser les déchets, etc.
Se relier au sol
Pour sortir du modèle de l’élevage intensif, basé sur la surexploitation des ressources naturelles, l’autonomie fourragère est la clé. Elle permet à l’agriculture locale de se rendre plus indépendante face aux marchés mondiaux et donc de maîtriser ses coûts ; c’est la seule solution pour que l’agriculture redevienne économiquement rentable et ne dépende plus des subsides européens. De plus, elle permet de s’assurer que le nombre d’animaux sur une surface donnée ne dépasse pas la capacité biologique du milieu, et d’éviter les nombreux problèmes liés à l’apport externe d’aliments pour animaux : excès d’azote, déforestation importée, émissions de CO2 liées au transport, etc. Un élevage en prairie a également un impact réduit sur le climat, les émissions de méthane générées par les animaux étant en partie compensées par le stockage de carbone dans les prairies permanentes.
S’unir pour des prix équitables
Pour faire face à la pression des supermarchés qui cherchent à s’approvisionner à des prix toujours plus bas sans tenir compte des coûts réels de production, des paysans et paysannes s’unissent en coopératives. Certaines, comme Paysans-Artisans, possèdent leurs propres magasins, tandis que d’autres, comme « En direct de mon élevage », combinent différents canaux de distribution (vente directe à la ferme, boucheries, restaurants, supermarchés) mais leur rassemblement en coopérative leur confère une certaine force de négociation pour obtenir des prix justes.
Et le bien-être animal, dans tout ça ?
La volonté de manger de la viande justifie-t-elle d’imposer à l’animal une vie de souffrances ? L’élevage industriel impose aux animaux des conditions totalement artificielles, aux antipodes de leurs besoins physiologiques et psychologiques les plus fondamentaux, tandis que l’élevage paysan les intègre dans un écosystème prenant en compte la diversité de leurs besoins et interactions. Des conditions de vie correctes et un environnement sain permettent également aux animaux d’être en meilleure santé, limitant ainsi la nécessité d’interventions vétérinaires.
Dans le secteur laitier aussi, des alternatives plus respectueuses du bien-être animal sont possibles. En règle générale, les veaux sont séparés de leur mère le jour de leur naissance, afin d’éviter toute perte de production laitière. Les femelles restent à la ferme pour devenir de futures vaches laitières tandis que les mâles sont vendus à des engraisseurs et élevés dans des bâtiments, sur caillebottis ; la plupart d’entre eux ne voient jamais un brin d’herbe de leur vie. A la ferme d’Esclaye, une famille d’agriculteurs a décidé d’expérimenter des pratiques innovantes, qui permettent aux veaux de grandir dans des conditions plus naturelles tout en offrant plus de flexibilité à l’éleveur.
Les veaux passent leurs journées en prairie avec leurs mères jusqu’à l’âge de huit mois ; ils n’en sont séparés que durant la nuit. Les naissances sont synchronisées en février-mars afin de tirer parti de la productivité maximale des prairies durant la période de pleine croissance des veaux. Les éleveurs observent une interaction constante entre les mères et leurs veaux, mais aussi des comportements de jeux entre veaux et de nombreuses interactions sociales entre les différents membres du troupeau. Les bovins étant des animaux grégaires, l’expression de ces comportements sociaux est essentielle à leur bien-être. L’allaitement a également des effets positifs sur la santé des veaux : les éleveurs constatent par exemple une croissance plus rapide et l’absence de diarrhée chez les veaux allaités (alors que ce problème est régulièrement rencontré chez les veaux élevés au seau).
Bien sûr, l’allaitement du veau entraine une perte pour l’éleveur, pouvant aller de 30 à 35 % de la production laitière, mais le passage à une seule traite par jour permet un gain de temps et de qualité de vie, et rend possible une diversification des activités (par exemple une valorisation de la production par la transformation fromagère).
Consommer moins mais mieux
Actuellement, 300 millions d’animaux sont abattus chaque année en Belgique, la majorité provenant de l’élevage intensif ! Pour promouvoir un élevage plus vertueux, moins productif que l’élevage industriel mais plus respectueux de la biodiversité et du climat, il va de soi que la demande globale en viande doit diminuer. Nous avons tous et toutes un rôle à jouer : réduisons notre consommation de viande en faisant la part belle aux végétaux dans l’assiette !
De plus, si nous avons la chance d’en avoir les moyens, réapproprions-nous notre alimentation en nous interrogeant sur la provenance de notre alimentation et en faisant des choix plus conscients ! Par exemple, le score C-durable développé par Canopea, la FUGEA et Saveurs paysannes évalue les élevages bovins en fonction de leurs impacts sur la biodiversité, le bien-être animal et le climat.
Nos choix de consommation ont aussi une portée politique : boycotter la viande issue de l’élevage industriel, c’est arrêter de soutenir un modèle délétère, pour qu’à terme les alternatives plus vertueuses deviennent la norme.
Ce sera tout bénéfice pour la planète mais aussi pour notre santé : en effet, de nombreuses études ont mis en évidence les impacts négatifs d’un excès de viande sur la santé, avec notamment une augmentation du risque de maladies cardiovasculaires et de cancer colorectal. De plus, la qualité nutritionnelle des produits animaux peut varier fortement en fonction des pratiques d’élevage : le lait et la viande issus d’élevages bio nourris à l’herbe présentent des teneurs plus élevées en oméga-3 et en vitamines. Il est donc préférable d’en consommer moins, mais mieux !
Mobilisons-nous !
L’élevage industriel est révélateur de toute une série de dominations systémiques : domination des humains sur les autres animaux et la nature en général, mais aussi domination des acteurs industriels au détriment des petits producteurs qui peinent à obtenir une rémunération juste pour leur travail et des consommateurs et consommatrices en situation de précarité qui n’ont souvent pas la possibilité de se tourner vers des alternatives saines et durables, plus chères et/ou plus difficiles d’accès en termes d’horaires et de localisation.
L’accès à une alimentation saine et durable est un droit qui devrait être garanti pour tous et toutes. Mais malheureusement, le modèle agricole intensif est encore largement soutenu par la Politique Agricole Commune, les aides octroyées étant majoritairement fonction de la surface, les subventions dédiées à l’agriculture biologique et aux mesures agro-environnementales représentant une très faible part du budget total.
Le 8 novembre, une coalition d’organisations environnementales et paysannes organise une manifestation à Bruxelles pour exiger un avenir où :
- Tout le monde aura accès à de la nourriture saine et de qualité
- Les agriculteurs et agricultrices recevront des prix équitables pour des aliments durables
- Les responsables politiques placeront les intérêts des agriculteurs, agricultrices, citoyens et citoyennes avant les intérêts des grandes industries
- Produire avec la nature deviendra un choix facile
- Les régimes alimentaires seront locaux, bénéfiques pour le climat et respectueux des droits des animaux.
Venez nombreux et nombreuses !
Vous souhaitez également organiser une projection du film « Bienveillance paysanne » pour mettre en débat ces questions ? N’hésitez pas à contacter Les Films de l’Anse.
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