La COP 28 va débuter ce 30 novembre, sous l’égide des Émirats arabes unis, qui en sont les hôtes. La justice climatique et les droits humains sont profondément liés – l’un ne va pas sans l’autre.
Carte blanche -Par 11.11.11, Amnesty International Belgique, Associations 21, Bond Beter Leefmilieu, Canopea, Coalition climat, CSC-ACV, CNCD-11.11.11, FGTB- ABVV, FUCID, Groot Ouders voor het Klimaat, Réseau IDée, Reset Vlaanderen.
lors que des milliers de délégué·es se rendront de partout dans le monde à la COP 28, il est essentiel que la communauté internationale profite de l’occasion pour exiger des améliorations en matière de droits humains aux Émirats arabes unis, tout en s’engageant pour l’ambition climatique en actant la sortie des énergies fossiles.
Alors que Dubaï fait tout pour promouvoir l’image d’une destination sûre, opulente et attractive, et tente d’attirer des touristes de par le monde, de nombreuses personnes y subissent des violations quotidiennes des droits humains. En effet, les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique sont littéralement inexistants aux Émirats arabes unis. Les autorités punissent notamment d’une peine d’emprisonnement ou de la peine de mort des « infractions » portant atteinte à « l’unité nationale » ou aux « intérêts de l’État », définies en termes flous, ce qui bâillonne toute expression critique. Par ailleurs, le régime émirien n’hésite pas à espionner et surveiller massivement les personnes critiques, que ce soit dans leur pays ou à l’étranger, une surveillance généralisée que le régime a même reconnue. Il n’est pas improbable de penser que les personnes participant à la COP puissent également faire l’objet de surveillance illégale.
Les violations des droits humains ne concernent pas seulement les personnes critiques envers le régime, mais également les femmes, les personnes LGTBQIA+ et les personnes migrantes. Ainsi, les migrant·es, qui constituent 88 % de la population, ne disposent pas de protection juridique ou sociale, ce qui expose ces personnes à l’exploitation.
Par exemple, des cas avérés d’exploitation lors de l’Expo City Dubai n’ont ainsi pas reçu de réparation de la part des autorités. Les personnes migrantes employées dans l’économie domestique sont systématiquement obligées de travailler 72 heures par semaine.
Par ailleurs, la liberté syndicale et le droit à la négociation collective sont inexistants aux Émirats arabes unis. En conséquence, le pays obtient une très mauvaise note dans l’Indice des droits des travailleur·euses 2023 de la Confédération syndicale internationale, ce qui en fait l’un des pires pays au monde en matière de droits du travail.
Quant aux représentations LGBTQIA+, elles sont tout simplement interdites. La loi prévoit par ailleurs une peine de six mois à trois ans d’emprisonnement pour toute relation homosexuelle entre hommes ou toute relation hors mariage pour une femme.
Il faut libérer les prisonniers d’opinion
De nombreuses voix critiques se retrouvent ainsi derrière les barreaux. En 2012, le procès collectif et d’une iniquité flagrante des « 94 Émirien·nes » a abouti à la condamnation de 63 d’entre eux/elles à des peines d’emprisonnement allant de 7 à 10 ans, alors que ces personnes ne faisaient que réclamer des réformes et la démocratie. À l’heure actuelle, au moins 55 hommes sont toujours détenus arbitrairement, plusieurs mois ou années après la fin de leur peine.
En mars 2017, Ahmed Mansoor, l’un des plus éminents défenseur·es des droits humains et la dernière personne à critiquer ouvertement et librement les autorités depuis les Émirats, a été arrêté puis condamné à 10 ans de prison.
Alors que la COP 28 approche, les autorités n’ont libéré aucun des 26 prisonniers d’opinion aux Émirats arabes unis, dont 24 font partie des « 94 Émirien·nes ». Nous demandons à la Belgique d’user de tous les moyens diplomatiques pour obtenir la libération des prisonniers d’opinion et des personnes détenues arbitrairement, avant que la COP ne débute.
Des conflits d’intérêts toujours non réglés entre entreprises fossiles et présidence de la COP 28
À l’aube d’un rendez-vous international essentiel pour la lutte contre le dérèglement climatique, comme de nombreuses organisations engagées dans la justice climatique, nous sommes préoccupé·es par le fait que la COP 28 soit présidée par Sultan Ahmed Al Jaber, qui, outre son rôle de président de la COP 28, est le CEO de l’une des plus grandes entreprises fossiles des Émirats arabes unis. Plusieurs médias ont récemment mis au jour des éléments qui semblent confirmer que les conflits d’intérêts sont permanents : l’accès aux emails de la COP 28 par le personnel de l’entreprise pétrogazière, le greenwashing sur Internet, une campagne numérique via des faux comptes, etc.
À l’heure où les événements météorologiques extrêmes se multiplient et où de nombreuses vies sont en jeu, la nomination d’un président d’une entreprise pétrolière constitue un conflit d’intérêts patent. Une problématique qui dépasse la nomination de Sultan Al Jaber. En effet, les lobbys fossiles prennent de plus en plus d’ampleur sans aucun contrôle sur les espaces internationaux censés décider de la fin de l’extraction des énergies fossiles. Une tendance qui va en s’accroissant comme on a pu le constater lors de la COP 27, où plus de 600 d’entre eux étaient présents, un chiffre record. C’est pourquoi nous demandons que soient mis en place des mécanismes évitant à l’avenir les conflits d’intérêts.
Une sortie des énergies fossiles, sans faux-semblants
Le dérèglement climatique constitue une menace sans précédent pour les droits humains ; il menace le droit à la vie, le droit à l’alimentation, le droit à un environnement sain, etc. C’est pour cela que nous avons besoin d’urgence que l’Accord de Paris – le seuil critique fixé à 1,5 ºC par rapport à la température moyenne de l’ère préindustrielle – soit respecté et de sortir de notre dépendance mortifère aux énergies fossiles. Le monde entier sera impacté par les décisions qui seront prises ou pas à la COP 28. Depuis les deux dernières années, l’enjeu central de la sortie des énergies fossiles hante les COP, sans aboutir.
En effet, depuis la COP 26, les États se sont engagés à diminuer la production de charbon sans capture du CO2, un engagement qui n’a toujours pas été concrétisé. À la COP 27, pour la première fois, 80 États parties à la convention se prononçaient en faveur d’une sortie progressive des énergies fossiles : gaz, pétrole et charbon. Il y a quelques mois, le président de la COP 28 a déclaré que la fin de l’ère des énergies fossiles était inévitable. Les déclarations publiques se multiplient en faveur d’objectifs chiffrés en matière de renouvelable et d’efficience énergétique. La COP 28 ne sera crédible à nos yeux que si elle est capable de répondre au défi du siècle en prenant au sérieux la sortie des énergies fossiles – une sortie complète excluant les mécanismes de capture de carbone.
Nous attendons de cette COP qu’elle aboutisse à une sortie juste des énergies fossiles, en commençant par les émetteurs historiques qui doivent au plus vite opérer une transition énergétique seule à même de nous permettre de réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre. La COP 28 doit s’engager pour le développement des énergies renouvelables, en garantissant aux 800 millions de personnes dans le monde sans accès à l’énergie d’y avoir accès.
Nous, signataires de cette carte blanche, attendons des autorités belges et européennes qu’elles ne dissocient pas le respect des droits humains des engagements climatiques. Il n’y aura pas de justice climatique sans respect des droits humains et vice versa. C’est pourquoi les prisonniers d’opinion doivent être libérés et la COP 28 se doit d’acter enfin la sortie des énergies fossiles.