Le 20 juillet dernier, le Parlement de Wallonie votait le Code de développement territorial (CoDT). Contre toute attente, après avoir mis le feu aux poudres et précipité la fin des débats en commission, le permis parlementaire (PeP) n’y figurera pas ! Une décision politique sage au vu des lacunes juridiques de ce mécanisme décrié depuis toujours par IEW.
Dans les précédents épisodes de votre feuilleton préféré…
Après le tristement célèbre décret d’autorisation régionale (DAR), le PeP rejoint le panthéon funéraire des pamphlets législatifs. Brève remise à jour des derniers événements : le 26 mai dernier suite à une divergence de vue fondamentale au sujet du permis parlementaire, les représentants de l’opposition claquent tour à tour la porte de la commission. S’en suit un marathon nocturne au terme duquel la majorité vote le CoDT. Passage au Parlement quelques jours plus tard pour une validation définitive. Enfin, le croit-on, car il n’en sera rien. En effet, le Parlement décide de soumettre plusieurs amendements à l’analyse de la section de législation du Conseil d’État ! L’un d’entre eux, déposé par l’opposition, sollicite ni plus ni moins le retrait du permis parlementaire. Le 7 juillet, le couperet tombe : le Conseil d’État considère que l’amendement proposant l’omission du permis parlementaire s’avère « adéquat » car le mécanisme méconnaît une directive européenne[[Directive 2014/52/UE du Parlement et du Conseil du 16 avril 2014 modifiant la directive 2011/92/UE concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement.]] en matière d’évaluation des incidences environnementales.
Quel scénario le réalisateur du développement territorial allait-il privilégier ?
Le suspense est à son comble les jours qui suivent : toute la question était de savoir la manière dont le Parlement allait accueillir ce coup de semonce du Conseil d’État. Deux options pouvaient s’envisager :
un passage en force balayant d’un revers de la main les observations du Conseil d’État ;
une prise en considération de l’analyse de la juridiction administrative et une suppression du permis parlementaire.
La sagesse, diront les plus optimistes – l’impossibilité de faire autrement, diront les plus réalistes – l’a finalement emporté et le PeP fut retiré du CoDT. Maintenir un dispositif bancal juridiquement aurait généré très vraisemblablement de multiples recours. Rappelons qu’une dizaine de recours furent introduits en son temps contre le DAR.
Issue heureuse ou mélodramatique : les avis divergent forcément
Ne soyons pas dupes, la suppression du PeP reste probablement en travers de la gorge de bon nombre de responsables politiques ! Ils auraient tellement aimé pouvoir entériner cette procédure qui évince le Conseil d’État. Comme ce fut le cas au lendemain de l’annulation du décret DAR par la Cour constitutionnelle en 2012, cette décision a pour certains un goût de cendre.
De son côté, IEW se réjouit de cet épilogue. Dans ses différents avis et amendements, la Fédération avait remis en cause la validité juridique du PeP et sollicité sa suppression. En 2016, IEW avait également attiré l’attention sur le non-respect du permis parlementaire au regard de la directive 2014/52/UE. L’IVG proposée dans une précédente newsletter a donc bien été pratiquée même si l’analyse du Conseil d’Etat a visiblement trouvé plus d’échos auprès des autorités que celle de la Fédération.
La saison 2 à peine terminée, la saison 3 s’annonce déjà !
Depuis le premier avant-projet de décret qui remonte désormais à fin 2007, voilà bientôt 10 ans que ces mécanismes de ratification législative d’abord (DAR), d’autorisation législative ensuite (PeP) défraient la chronique politique, juridique et médiatique. Dès lors, faut-il voir dans le retrait du permis parlementaire la fin d’une saga digne des plus grands films ? Il n’en sera rien. La sagesse des autorités wallonnes semble visiblement avoir ses limites. On nous annonce déjà, de manière à peine voilée, un DAR ter, un PeP bis. Les autorités mèneront prochainement un benchmarcking pour voir si l’herbe est plus verte ailleurs.
Nul doute que l’Exécutif wallon nous sortira un troisième lapin de son chapeau gouvernemental. De quelle(s) malformation(s) souffrira-t-il cette fois ? 2 bouches, 3 oreilles, 5 pattes ? L’avenir le dira. Le cinéaste wallon prépare donc la saison 3 sans avoir encore compris que seules les séries à succès font l’objet de plusieurs saisons. Tel n’est évidemment pas le cas de ce qu’on appelle communément les « navets ».
La partie politico-juridique est donc loin d’être terminée. La Fédération restera attentive à la version ter, quater, quinquies voir plus s’il y a lieu. En effet, un mécanisme dont l’objectif unique tend à éviter les recours au Conseil d’Etat pose toujours question en termes de bonne gouvernance et, même si les années passent, l’indignation ne s’estompe pas.