La Déclaration de politique régionale (DPR) accorde une place particulièrement importante au chapitre relatif à l’agriculture et l’alimentation. Il est cependant assez difficile d’y trouver tant une analyse approfondie des enjeux qu’un projet clair pour l’agriculture wallonne. Certaines mesures ou orientations sont a priori intéressantes mais les éléments contextuels laissent entendre que l’ambition potentielle n’est pas assumée ou que les moyens risquent de manquer.
Quelques arbitrages pour la prochaine PAC
Dans le cadre de sa stratégie régionale de la PAC 2021-2027, la DPR annonce certains arbitrages clairs, positifs pour l’agriculture et l’environnement :
- une meilleure redistribution des aides directes via une augmentation du régime de paiements redistributif pour les premiers hectares ;
- l’intention d’utiliser de façon « ambitieuse » les éco-schemes qui permettent de mobiliser des moyens du 1er pilier de la PAC pour soutenir des pratiques favorables à l’environnement ;
- l’instauration d’un soutien couplé pour les cultures de protéagineux (légumineuses) et d’une prime à l’herbe ;
- l’ambition d’atteindre au moins 30 % de surfaces en agriculture biologique d’ici à 2030 et l’ élaboration d’un plan stratégique en ce sens.
Néanmoins, la DPR n’aborde pas le principal problème : une réduction très substantielle des moyens pour la prochaine PAC, principalement des budgets affectés au 2ᵉ pilier. Certes, l’utilisation d’éco-schemes (premier pilier) peut compenser pour partie cette diminution mais l’enjeu n’est pas le business as usual mais bien d’en faire davantage au regard des indicateurs environnementaux. L’une des options les plus réalistes serait de revoir à la hausse le niveau de base des bonnes pratiques agricoles et environnementales (la conditionnalité) mais ce mot est absent du texte de la DPR.
Des agriculteurs mieux conseillés pour réduire l’utilisation des pesticides
La DPR prévoit le développement d’un système de conseil agricole indépendant et agréé et, en corollaire, la scission des activités de vente et de conseil pour les pesticides et les engrais. Ce projet devrait constituer une réelle politique de rupture, avec un double bénéfice économique et environnemental. Or, cette mesure ne semble pas liée à une réelle ambition de réduire la dépendance de l’agriculture wallonne aux pesticides. La DPR ne prévoit pas d’objectif en terme de réduction des pesticides et entend atteindre l’objectif de réduction à travers la stratégie nationale de la prochaine PAC et les mesures classiques : formation, recherche et encadrement. La mise en place d’un tel système de conseil est portant une réelle opportunité pour revoir en profondeur l’articulation entre ce service de conseil et la recherche et l’encadrement et d’aller un cran plus loin en organisant l’accompagnement de la transition vers des systèmes agroécologiques / biologiques pour des agriculteurs qui le souhaitent.
Vers plus d’autonomie fourragère des élevages wallons
Si l’objectif est clair, la DPR ne donne aucune indication sur ses ambitions1 et les moyens à mettre en œuvre pour y arriver à l’exception d’une volonté de créer de la valeur en incitant les naisseurs à s’inscrire dans un système naisseurs-engraisseurs. Rien n’est dit à propos du maintien de l’aide couplée existant actuellement et incitant à produire au-delà de l’autonomie fourragère. Relevons néanmoins une mesure concrète plus indirecte, l’aide couplée aux protéagineux annoncée dans la prochaine PAC qui permettra de produire en Wallonie des substituts au soja.
Vers une agriculture s’inscrivant dans l’économie circulaire
Le gouvernement entend également ré-inscrire l’agriculture dans la boucle de l’économie circulaire. Les propositions, là aussi, sont plutôt générales et ne permettent pas de mesurer l’inflexion envisagée. Ainsi, le gouvernement entend soutenir les pratiques agricoles réduisant les émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre et les pratiques permettant d’augmenter le captage carbone et d’améliorer le cycle des éléments nutritifs. Il encouragera également la biométhanisation et la production d’énergie par l’agriculture, à l’échelle locale à travers des aides. Difficile de percevoir une inflexion claire eu égard à ce qui se fait déjà…
Globalement, peu d’éléments relèvent la nécessité d’assurer la transition vers un autre modèle agro-alimentaire pour faire face conjointement aux crises climatique et de la biodiversité, à l’impossibilité de concilier la durabilité et la production pour un marché mondialisé et la diminution progressive attendue des subsides PAC. La transition de nos systèmes agricole et alimentaire se fera donc à la marge, principalement soutenue par les dynamiques citoyennes et les politiques volontaristes en lien avec l’alimentation.
1 quel niveau de réduction des importations de soja ou quel niveau d’autonomie pour l’élevage wallon ?