Agrocarburants: l’honneur du Parlement européen

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Ce mardi 24 février 2015, les membres de la Commission Environnement (ENVI) du Parlement européen ont voté sur la réforme de la politique européenne relative aux agrocarburants. Ils se sont notamment prononcés pour limiter à 6% l’utilisation des agrocarburants basés sur l’utilisation des sols qui sont pris en considération dans les 10% d’énergie renouvelable à atteindre dans le secteur des transports en 2020. Ils ont également approuvé la prise en compte des émissions liées aux changements d’affectation indirects des sols (ILUC pour indirect land use change[[Par effets indirects, on entend les changements d’affectation des sols produits dans un territoire B du fait que le territoire A remplace des cultures existantes, destinées à l’alimentation humaine ou animale, par des cultures destinées à la production d’agrocarburants. La demande de nourriture restant constante, de nouvelles terres doivent être libérées dans un autre territoire (B en l’occurrence).]]) dans la directive relative à la qualité des carburants (FQD pour fuel quality directive). Une clause prévoit également d’intégrer les ILUC dans toute la législation européenne après 2020[[L’utilisation des agrocarburants est régulée à travers deux directives européennes dont l’horizon temporel est 2020. La directive énergies renouvelables (RED pour renewable energy directive) fixe un objectif de 10% d’énergie renouvelable dans le transport. La FQD impose une réduction de 6% de l’intensité carbone des carburants. Dans les faits, ces deux objectifs ont amené les Etats européesn à rendre obligatoire les agrocarburants et à les subsidier. Les deux directives incluent des règles de calcul des émissions directes liées aux carburants, mais ne prennent pas en compte les ILUC.]]. Ce vote freinera le développement des agrocarburants dont les émissions de gaz à effet de serre sont supérieures à celles du diesel et de l’essence.

Deux points particuliers méritent d’être relevés. Un, l’objectif de 6% ne concernera pas uniquement les agrocarburants issus de cultures de végétaux propres à la consommation humaine ou animale, mais également ceux issus de cultures purement « énergétiques ». Cette décision reconnait l’utilisation des sols (et non le type de culture) comme le facteur environnemental déterminant. Deux, le Parlement a également renforcé les critères de durabilité pour les carburants dits « avancés », principalement fabriqués à partir de déchets et résidus, en obligeant notamment au respect de la priorité dans l’utilisation des déchets : d’abord réutiliser ou recycler avant de brûler.

Le vote de ce 24 février est à la fois un vote moral et un vote courageux. Moral car il intègre la recommandations notamment relayées par Hilal Elver et Olivier De Schutteur (l’actuelle rapporteuse spéciale des Nations Unies sur le droit à l’alimentation et son prédécesseur) qui, dans une carte blanche publiée la veille du vote, rappelaient l’obligation de destiner en priorité la nourriture à l’alimentation de populations aujourd’hui en état de sous-nutrition. Courageux car le rapporteur Nils Torvalds va devoir maintenant défendre la position du Parlement face à la présidence lituanienne du Conseil européen, Conseil dont la position en première lecture (en juin 2014) était en retrait total sur tous les points cruciaux sur les plans social et économique.

Au sein du Conseil, certains Etats ont, jusqu’à présent, joué un rôle de pur relai d’intérêts corporatistes et financiers à court terme, mettant impudiquement de côté toute considération relative aux impacts environnementaux et à la souveraineté alimentaire des populations impactées par le développement des agrocarburants (principalement dans les pays du sud). Puisse un sursaut moral les faire quitter ce rôle qui, au vu des souffrances humaines – largement documentées[[Voir par exemple l’analyse d’Oxfam : http://www.oxfam.org/fr/rapports/les-semences-de-la-faim]] – induites par le développement des agrocarburants, peut être qualifié d’odieux.