Ce samedi 16 février, on fêtera le troisième anniversaire de l’entrée en vigueur du Protocole de Kyoto, en vertu duquel les pays industrialisés se voient contraints de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Cet anniversaire prend cette année une valeur particulière car 2008 marque le début de la phase effective de réduction, qui courra jusqu’en 2012. A cette occasion, Inter-Environnement Wallonie, fédération des associations environnementales, s’est penchée sur les engagements pris par la Belgique pour atteindre l’objectif de réduction qui lui est fixé. Résultat : il est probable que notre pays ne respectera pas son quota sans recourir massivement à l’achat de « permis de polluer ». IEW regrette vivement cette démarche gagne-petit qui permet peut-être de sauver les apparences mais compromet gravement l’avenir.
Conclu en 1997 et entré en vigueur le 16 février 2005 après sa ratification par les 157 pays signataires, le Protocole de Kyoto impose aux pays industrialisés de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre pendant la période 2008-2012 d’une moyenne de 5,2% par rapport au niveau de 1990. Dans ce cadre, la Belgique est tenue à une diminution de 8%.
A l’occasion de cet anniversaire et à l’aube de la période d’engagement, Inter-Environnement Wallonie a souhaité analyser la situation et les tendances afin d’évaluer si la Belgique est sur la bonne voie pour atteindre son objectif.
Les autorités belges se montrent optimistes, affirmant que notre pays respectera ses engagements. Une analyse plus fine conduit toutefois à nuancer cette assertion. Pour atteindre ses 8% de réduction, la Belgique prévoit en effet de réduire ses émissions nationales de 4,2 millions de tonnes-équivalent CO2 (MtCO2eq) et de recourir à l’achat de quotas à l’étranger à hauteur 7 MtCO2eq, ce qui signifie que près des deux tiers de l’effort (62,5%) sera couvert par cet artifice.
Une telle situation est contraire au principe de supplémentarité consacré par le Protocole de Kyoto et selon lequel les mécanismes de flexibilités ne peuvent être utilisés que pour « compléter » les réductions obtenues via les politiques et mesures internes. A l’heure actuelle, on est plutôt dans le cas inverse : la Belgique « complètera » l’achat de quotas par des réductions sur le territoire national !
Autre constat préoccupant : au regard des politiques et mesures mises en place ou « planifiées » par les Autorités, il apparaît que celles-ci prévoient une diminution des émissions domestiques (donc une réduction réelle, sans recourir à l’achat de quotas à l’étranger) de l’ordre de 5,6% entre 1990 et 2020.
Si on se rappelle que le GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts sur le changement climatique) estime dans son dernier rapport d’évaluation que les pays industrialisés devront réduire leurs émissions de 25% à 40% d’ici 2020 et de 80% à 95% d’ici 2050 afin de maintenir une probabilité acceptable de limiter le réchauffement sous les 2°C[[Pour rappel, cet objectif de 2°C a été endossé à plusieurs reprises par les instances européennes, notamment le Conseil européen lors du Sommet de Printemps 2007.]], ces deux éléments apparaissent pour le moins préoccupants…
En effet, le niveau des réductions à atteindre à moyen et long terme, démontre on ne peut plus clairement que les efforts que nous ne consentons pas aujourd’hui devront l’être demain. La stratégie appliquée actuellement par nos responsables aura donc pour conséquence de reporter l’essentiel des efforts sur les générations futures, ce qui apparaît à la fois peu responsable et non compatible avec les principes de développement durable. C’est d’autant plus regrettables que des efforts constants au cours du temps sont à la fois plus acceptables et faciles à mettre en ½uvre que des mesures radicales devant produire des effets optimums en un minimum de temps.
Par ailleurs, les pays ayant réussi à anticiper cette inévitable mutation se retrouveront incontestablement en position de force par rapport à ceux obligés de s’adapter dans l’urgence.
Face aux appels de la communauté scientifique et de la société civile, nos responsables politiques ne peuvent plus fuir leurs responsabilités. Inter-Environnement Wallonie appelle donc les partis politiques qui seront très prochainement amenés à négocier l’accord du gouvernement « définitif » à prendre des engagements fermes pour faire de la politique climatique une réelle priorité durant la nouvelle législature, à engager notre pays à réduire en interne ses émissions d’au moins 25 à 30% entre 1990 et 2020, conformément aux recommandations du GIEC, et à tout mettre en ½uvre durant la prochaine législature pour y parvenir. Car paradoxalement, avec sa politique de gagne-petit, la Belgique risque de perdre gros…
En annexe :
La note complète « Belgique et Protocole de Kyoto : état des lieux et perspectives »