La Silver Economy, ou l’économie des seniors, désigne le marché des produits et services liés au vieillissement de la population. Si l’évolution des besoins de cette tranche d’âge influence depuis plusieurs années le développement économique, les projets en termes de logements semblaient jusque-là ne pas prendre en compte les spécificités liées à l’allongement de la vie. Un nouveau projet d’urbanisation situé à Lessive, « Les Jardins des paraboles » est en cours d’élaboration. Et le promoteur le crie haut et fort : sa démarche intègre complètement les besoins de la « Silver Economie ».
Depuis plusieurs années, le vieillissement de la population belge atteint des niveaux « inhabituels ». Alors qu’il s’observe depuis le 19e siècle, c’est surtout dans les années 2000 que l’effet « papy boom » se fait sentir avec l’arrivée dans la cinquantaine des enfants nés du « baby boom » d’après-guerre. Cette évolution démographique a bien entendu des répercussions importantes en termes de besoins de logements, de services, de mobilité, bref, sur la manière dont nous devons aménager notre territoire.
Le secteur économique est sans doute l’acteur qui a le mieux compris et anticipé cette évolution. Sans préjuger de leur pertinence, le moins que l’on puisse dire est que les innovations dans les prestations et l’accompagnement liés à l’allongement de la vie de la population foisonnent. Dernièrement, l’intercommunale de développement économique de la province de Namur, le BEP, a emboîté le pas aux acteurs privés avec le développement d’un parc d’activités de 13 hectares situé à Bouge, entièrement consacré à la thématique de la santé, et plus précisément aux services et produits en lien avec le vieillissement. Ce parc se dénommera Care-Ys. Les démarches administratives sont toujours en cours mais l’intercommunale compte bien pourvoir mettre les premières parcelles à disposition d’entreprises à partir de 2022.
Dans la région de Rochefort, le projet d’urbanisation « Les jardins des paraboles » franchit une étape de plus en se pliant entièrement aux exigences liées au vieillissement de la population. Présenté à la presse il y a quelques mois le « village-service » comprend des logements correspondant à l’évolution des besoins de toute une durée de vie : appartements pour jeunes ménages, maisons familiales, résidence-service, maison de repos. Il occuperait 50 hectares autour de l’ancien site de télécommunication de Belgacom, dans le village de Lessive. Les paraboles seraient maintenues et plusieurs anciens bâtiments seraient recyclés dans le projet.
Le concepteur entend garantir une accessibilité physique et financière aux habitants, puisque la totalité des logements sera adaptée aux personnes à mobilité réduite (plain-pied, largeur des portes et passages, …) et les unités d’habitation seront proposées uniquement à la location. Les déplacements sur le site se feront via modes doux. Pour garantir une mixité générationnelle, une école et une crèche prendront place dans les anciens locaux de la station, qui sont dans un excellent état de conservation. Une des innovations du projet est sans nul doute d’avoir prévu une offre de logements diversifiée de manière à ce que les habitants de ce nouveau quartier puissent y rester en ne déménageant que de quelques centaines de mètres en fonction de l’évolution de leurs besoins.
Le projet affirme pouvoir créer des emplois, un aspect à ne pas négliger dans une région où le taux de chômage était à 12,6% en 2016. Il veut maintenir et valoriser le patrimoine.
On ne peut cependant s’empêcher de se poser quelques questions.
D’abord, sur la localisation excentrée, ensuite sur l’étendue impressionnante du nouveau quartier. Est-ce une nouvelle « petite » ville ? Quels services publics y seront réellement développés ? Comment ce nouveau quartier de quatre cents logements, soit mille habitants et usagers, compte-t-il s’intégrer dans une commune qui compte actuellement 275 habitants ? Comment le promoteur va-t-il justifier la mise en œuvre d’un tel projet sur un site situé en Zone d’activité économique mixte (ZAEM) au plan de secteur ? Comment vont être traités les 43 hectares de zone Natura 2000 inclus dans le projet ? En vieillissant, le quartier présentera-t-il toujours un attrait qui donnera envie à ses habitants d’y déménager en circuit fermé, plutôt que d’aller voir ailleurs ? Croisons les doigts pour que le charme agisse. Je m’interroge néanmoins sur le mode de gestion qui sera appliqué à l’offre et à la demande locatives, par rapport aux besoins réels exprimés par les locataires.
Loin de moi l’idée de jeter la pierre à un promoteur qui a la bonne idée de présenter autre chose qu’un lotissement de maisons unifamiliales ou des blocs d’immeubles à appartements en crépi blanc. Ce projet propose une réponse au défi démographique qu’est le vieillissement de la population, et à un enjeu sociétal, le désir croissant des personnes âgées de rester le plus longtemps possible dans leur maison – ou, à tout le moins, dans leur localité.