Artificialisation des sols : le SDT va être actualisé !

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Le ministre de l’Aménagement du territoire Willy Borsus l’a annoncé en séance au Parlement de Wallonie : le SDT va être actualisé. « Le schéma de développement territorial est apparu aux yeux des experts et à mes yeux comme une pièce maîtresse s’agissant, singulièrement, d’intégrer des trajectoires d’artificialisation des sols et « d’inflexion des trajectoires » d’artificialisation des sols. »

Le 5 octobre dernier, en Commission d’Aménagement du territoire du Parlement de Wallonie, les députées Véronica Cremasco (Ecolo, par ailleurs présidente de ladite commission) et Marie-Martine Schyns (cdH) interrogeaient le ministre sur le schéma de développement du territoire (SDT) et les enjeux du Stop Béton, ainsi que sur le suivi du Stop Béton. Bien que l’expression Stop Béton n’ait pas toujours bonne presse, force est de constater qu’elle circule partout.

La séance publique de la commission du 5 octobre 2021, qui couvre également les autres matières dont le ministre Borsus a la charge – Économie et  Agriculture, Commerce extérieur, Recherche et Innovation, Numérique, IFAPME et Centres de compétences – peut être consultée dans son intégralité ici : nautilus.parlement-wallon.be/Archives/2021_2022/CRAC/crac32.pdf

Le passage en question commence à la page 18.

Voici la question orale de Véronica Cremasco, qui comprend trois aspects.

« – Monsieur le Ministre, l’année passée, vous nous annonciez des propositions de rentrée pour accélérer le Stop béton. Je reviens sur le Stop béton. Tout cela est sans surprise. Le 21 août dernier, vous répondiez à une question d’une journaliste sur le sujet : « nous avons le schéma de développement territorial, qui doit faire l’objet d’une adaptation. » C’était un peu plus surprenant. En tout cas, j’étais un peu plus surprise de voir le schéma de développement territorial, le SDT, ressurgir dans l’encadrement du Stop béton. Non pas que je l’aie oublié, mais il était un petit peu mis en réserve jusque là. Dès lors, peut-on en déduire que vous privilégiez l’utilisation du schéma de développement territorial pour fixer des trajectoires de réduction de l’artificialisation des sols jusqu’à en 2050 ? Je vous avouerai que ma question est vraiment très précise.

« Ces trajectoires, dont on discute beaucoup dans cette commission, vont-elles être fixées [dans un objectif] de réduction de l’artificialisation des sols dans le SDT ? Je mettais l’échéance de 2050, puisque c’est l’échéance totale du Stop complet à l’artificialisation des sols. On ne peut plus construire sur terrain « vierge ». Quel rôle le SDT doit-il jouer, selon vous, dans la mise en place de la politique de réduction de l’artificialisation des sols ? En quoi cet outil est-il adapté à l’enjeu du Stop béton, et pourquoi le privilégier ? Je vous disais que c’était un tout petit peu plus étonnant. En tout cas, cette piste ne me semblait pas mise aussi clairement dans la place que suite à vos propos du 21 août dernier.

« Dans la presse, vous dites également vouloir accélérer la trajectoire de désartificialisation. Je voulais vous interroger, Monsieur le Ministre, parce que l’on en parle peu. Autant on parle du Stop à l’artificialisation, autant on parle peu de la désartificialisation des sols, c’est-à-dire le moment où ils ont été construits, ils ont été perméables et où on les désartificialise. Je pense qu’il y a certains endroits où cela peut se révéler être une solution, parce que l’on a fait des erreurs historiques – mon objet n’est pas de rechercher une responsabilité à ce stade –, mais effectivement pour l’aménagement du territoire et pour avoir un bon équilibre entre les zones bétonnées et pas bétonnées, pour faire dans la caricature, il faudra peut-être désartificialiser. Je crois que l’on en a peu parlé et c’est le deuxième volet de ma question. Des données de désartificialisation vont-elles être intégrées dans le schéma de développement territorial ? Cette notion va-t-elle être considérée ? Enfin, quelle procédure d’adaptation du SDT comptez-vous mettre en place et évidemment les éléments de calendrier, puisque nous sommes toujours très attentifs à connaître l’agenda ? »

Et voici la question de Marie-Martin Schyns, qui pointe la frénésie d’urbanisation actuelle.

« – Monsieur le Ministre, ce n’est pas la première fois que l’on vous interroge sur ces problèmes liés à l’artificialisation des sols, sur la manière d’implémenter ce principe du Stop béton, objectif prévu aux échéances 2025, 2030, qui devrait contribuer à réduire la pression sur la nature, sur l’environnement.

« On constate, pour le moment, sur le terrain, qu’il y a, à l’inverse peut-être de Stop béton, une forme d’empressement à consommer les terrains à bâtir encore disponibles et qu’il y a aussi une impuissance des autorités face à ce phénomène. Le Gouvernement avait pris des engagements par rapport à cette lutte contre l’artificialisation des sols. Le Gouvernement a constitué un groupe d’experts qui a planché sur divers scénarios pendant de nombreux mois. Ce n’est pas la première fois que je le demande, je reviens avec cette demande. Il n’y a pas encore au Parlement de présentation des conclusions de ce groupe de travail. Vous nous aviez dit que vous ne vouliez pas vous enfermer dans une certaine temporalité, puisque l’objectif est appelé à se décliner sur l’ensemble de la législature.

« Maintenant, il nous paraît quand même essentiel de pouvoir, après deux ans, avoir des précisions sur le travail stratégique fin et structuré – je reprends les paroles qui étaient les vôtres lors d’une dernière commission – que vous avez mené et sur les avancées qui relèvent de votre responsabilité. Monsieur le Ministre, quelles sont les conclusions du groupe de travail ? Quelles sont les solutions retenues et de quelle manière seront-elles mises en œuvre ? Comment les communes, qui sont en première ligne par rapport à cet enjeu, seront-elles associées ? Enfin, quand pourra-t-on avoir une présentation de ces conclusions en commission pour assurer toute la transparence voulue ? »

Soulignant la pertinence et la légitimité des deux questions sur « cet important sujet », le ministre Willy Borsus répond qu’avec l’administration et son équipe, il a pu analyser les différentes conclusions du rapport du groupe d’experts.

« J’ai l’intention de venir prochainement à la table du Gouvernement en proposant à mes collègues l’ensemble de la déclinaison des conclusions de ce groupe d’experts et d’un certain nombre de mesures qui en découlent.

« Comme vous l’évoquez, Madame Cremasco, le schéma de développement territorial est apparu aux yeux des experts et à mes yeux comme une pièce maîtresse s’agissant, singulièrement, d’intégrer des trajectoires d’artificialisation des sols et « d’inflexion des trajectoires » d’artificialisation des sols. Je précisais à ce propos, lors de mes dernières interventions : « Afin d’aider les décideurs à atteindre les objectifs de réduction de l’artificialisation et de l’étalement urbain visés dans la DPR, le groupe « données » a créé un outil d’aide à la décision qui est déclinable sur l’ensemble du territoire. Cet outil – que j’ai eu l’occasion de voir en démonstration – permet de déterminer, au niveau de la Wallonie et des bassins, des trajectoires de réduction de l’étalement urbain et de superficie urbanisable, et ce, jusqu’à une échéance à fixer qui peut être 2050. Cet outil n’a pas pour ambition de fournir une réponse et encore moins une réponse unique, mais bien de pouvoir tester une série de modèles, une série de modalités de réduction de l’artificialisation de l’étalement urbain en y confrontant les spécificités territoriales wallonnes et en proposant des hypothèses d’identification des centralités urbaines ou des centralités rurales ou semi-rurales que le SDT propose de renforcer. »

« Par ailleurs, comme je m’y suis engagé cet été, je vais donc proposer l’actualisation de la révision du SDT. À cet effet, les marchés publics tendant à la désignation des auteurs de projets en vue de l’actualisation du SDT et de son rapport sur les incidences environnementales ont été lancés et publiés cet été. Les marchés ne sont pas encore attribués, parce que la procédure de marché public doit être scrupuleusement respectée, mais ils le seront très prochainement.

« Dans le cadre de cette actualisation, en concertation avec mon administration, il est convenu – dans ma proposition – de ne pas remettre en cause les 20 objectifs de développement territorial approuvés par le Gouvernement en juin 2017, mais d’en actualiser certains contenus.

« Premièrement, l’intégration dans les différents objectifs, et en particulier, dans l’objectif référencé PV.3, objectif de « soutenir une urbanisation économe en ressources », donc d’inclure la trajectoire de réduction de l’artificialisation et/ou de l’étalement urbain et de fixer cette trajectoire de superficie artificialisable jusqu’à 2050 par bassins. Ces trajectoires seront établies sur la base des outils proposés par le groupe de travail des experts « données » – vous saviez que nous avions échangé, Madame Schyns, concernant ces différents groupes d’experts et leur structure – mis en place par décision du Gouvernement wallon du 21 janvier 2020 ;

« Deuxième élément d’actualisation : l’intégration des volets territoriaux du projet d’actualisation du Schéma régional de développement commercial dans les différents objectifs et en particulier dans l’objectif appelé DE.1 qui est en fait l’objectif « Assurer l’accès à tous à des services, à des commerces ». Troisièmement, une nouvelle définition des pôles sur la base des travaux de l’IWEPS et aussi en vue de répondre aux remarques du Conseil d’État puisque, j’avais eu l’occasion de vous en parler, un recours est en cours concernant le SDT. C’est un recours qui a été diligenté par la ville d’Andenne singulièrement concernant la définition des pôles et le fait que – je vois que ceci provoque une réaction dans le public – Andenne n’était pas reprise en tant que pôle. Je rappelle donc que notre démarche doit, par ailleurs, intégrer le fait que le SDT fait l’objet d’une contestation au Conseil d’État et d’une contestation relativement avancée.

« Le troisième élément c’est donc une nouvelle définition des pôles sur base des travaux de l’IWEPS et aussi en vue de répondre aux remarques du Conseil d’État et l’intégration de ceux-ci dans les différents objectifs et en particulier dans l’objectif qualifié de SS.3, qui est le suivant : « S’appuyer sur la structure multipolaire de la Wallonie ». Voilà donc des éléments, notamment, d’actualisation du contenu et 20 objectifs de développement territorial que je me permettrai de proposer dans les trois semaines qui viennent, environ, à mes collègues du Gouvernement.

« Les mesures, par ailleurs, de gestion et de programmation seront quant à elles complétées par une série d’autres choses :

– d’une part, des mesures plus opérationnelles ;

– d’autre part, la programmation d’actions régionales comme des révisions du plan de secteur, de sites à réhabiliter, et cetera.

– une meilleure opérationnalisation de la stratégie régionale par le balisage des actions communales en vue d’encadrer les outils locaux et les permis.(…)

– le renforcement des mesures d’aménagement préventives, bien sûr, permettant alors de lutter contre les phénomènes climatiques et leurs conséquences. Je pense bien sûr aux inondations, mais aussi à d’autres éléments liés à la résilience du territoire.

« L’actualisation du SDT implique également l’actualisation des cartes et l’amélioration de leur expression graphique. »

Avant de poursuivre…

Avant de poursuivre, notons au passage que l’avis rendu en 2018 par IEW sur le SDT portait précisément sur les mesures choisies pour opérationnaliser les 20 objectifs du SDT, entre autres les mesures destinées à limiter l’étalement urbain. Notre fédération avait par ailleurs sévèrement critiqué la cartographie et le rapport sur les incidences environnementales.

Retour en séance

« il y a, en ce qui concerne la façon d’artificialiser, des espaces d’évolution considérable »

Willy Borsus

Le ministre Borsus continue sa réponse : « Les experts ont, par ailleurs, analysé tous les outils du Code [de Développement Territorial] et ont fait une série de recommandations pour chacun d’entre eux. Comme je vous l’ai dit il y a quelques minutes, notre analyse en est presque aboutie et donc, à brève échéance, nous allons avoir l’occasion de débattre de tout cela avec nos collègues du Gouvernement.

« Je suis évidemment disponible pour avoir l’occasion, dans la foulée, d’avoir un débat avec vous, ce que vous n’auriez pas manqué de me demander et, si vous voulez mon point de vue, légitimement de me demander.

« Je tiens aussi à mentionner le lien avec l’Union des villes et communes puisqu’il y a un représentant de l’Union des villes et communes qui a participé au comité d’accompagnement des travaux de ce fameux groupe d’experts. Tout cela va nous permettre alors, dans le cadre bien précis de la DPR, que je ne dois pas vous rappeler, d’avancer dans une forme d’optimisation spatiale.

« Par ailleurs, j’ai effectivement évoqué, Madame la Présidente, vous l’avez mentionné, la désartificialisation de certains espaces. Je pense qu’en effet, indépendamment de tout ce que je viens de mentionner, de la trajectoire, de désartificialisation, et cetera, il y a, en ce qui concerne la façon d’artificialiser, des espaces d’évolution considérables pour permettre de limiter évidemment l’artificialisation d’une parcelle qui est partiellement bâtie, d’une part, avec la végétalisation, la perméabilisation des sols, le recours à certains matériaux filtrants, et cetera. Il y a d’autre part des actions concernant des espaces qui sont aujourd’hui artificialisés, qui permettraient de faire évoluer ceux-ci de manière à ce qu’une partie de la superficie concernée puisse elle-même être déperméabilisée pour une partie d’entre elles, voire désartificialisée pour une partie d’entre elles. Je compte donc aussi initier des travaux et fixer un cadre à cet égard.

« Voilà ce qu’il me semble opportun de partager avec vous pour tenter de répondre au mieux, au maximum, et de façon très précise, je l’espère, à vos questions. »

Voyons à présent les répliques des députées.

Véronica Cremasco :

« – Monsieur le Ministre, je ne regrette pas d’avoir [posé] la question : que d’informations précises et notamment par rapport au SDT. J’ai envie de dire que l’on attendra avec impatience la nouvelle définition des pôles liée à la contestation du document devant le Conseil d’État, parce que je pense que l’on est plusieurs ici à savoir que ce n’est pas gagné, ou en tout cas facile. La discussion n’est pas simple. Néanmoins, vous avez tout mon encouragement. Très sincèrement, puissiez-vous y arriver. (…)

« Comme je le disais à l’entame de ma réplique, je ne suis pas déçue d’avoir posé la question. Ensuite, par rapport à la désartificialisation, autant c’est intéressant de le mettre dans la place, autant il ne faut pas en user et en abuser, parce que c’est un peu faire et défaire, même si c’est toujours travailler. Il ne faudrait pas que cela empêche une réflexion sur le fait que le moindre centimètre carré qui est pris à la nature, après les conséquences pour le désartificialiser soient énormes. Qu’on l’insère dans une réflexion globale. Nous attendrons donc, dans les trois semaines, comme vous disiez, pour revenir. Merci de partager tout cela avec nous. »

Marie-Martine Schyns :

« – Je reviendrai vers le ministre pour avoir plus de précisions sur les délais. J’ai bien noté que, d’ici trois semaines, il allait faire des propositions d’éléments à intégrer dans le SDT, pour l’actualiser. D’ici trois semaines, les propositions arrivent en gouvernement, puis, si j’ai bien compris, il y a quand même un marché public en cours pour que cette actualisation soit opérée. Dans quel délai cela pourra-t-il s’opérer, on ne le sait pas.

« Ma demande ici est claire, c’est qu’en parallèle au cheminement, qui est le vôtre et celui du Gouvernement, il puisse y avoir ici une présentation des conclusions des différents groupes d’experts dans cette commission. Je me tourne alors vers Mme la Présidente, puisque j’ai noté, Monsieur le Ministre, que vous étiez favorable, et que vous trouviez légitime, après un premier passage en gouvernement d’ici trois semaines, que notre commission puisse entendre ces experts.

« Je pense intéressant aussi que, lors de cette rencontre, l’Union des villes et communes puisse être représentée, puisque je posais une question vraiment spécifique sur « comment les communes sont-elles intégrées dans la réflexion puisqu’elles sont en première ligne ? ». Vous m’avez répondu : « L’Union des villes et communes est bien présente. » Je réitère donc ma demande et je ne doute pas que la présidente pourra la relayer. Que l’on puisse, dans les deux mois qui viennent, recevoir le groupe d’experts, les conclusions, et que quelqu’un de l’Union des villes et communes soit présent également. Je vous remercie. »

Véronica Cremasco, Présidente de la Commission, reprend place au fauteuil présidentiel :

« – Madame Schyns, je relaierai bien volontiers, d’autant plus que Monsieur le Ministre, pour reprendre ses termes précis, a dit que notre demande était légitime. Je vous propose que, à l’aune du marché public et du délai, vous proposiez deux mois comme délai, Madame Schyns. On pourrait ouvrir la discussion… »

Marie-Martine Schyns :

« – Si c’est en gouvernement dans trois semaines, d’après ce que le ministre dit, que l’on puisse alors, début novembre, juste après le passage en gouvernement, avoir cette rencontre avec le groupe d’experts, voire que l’on assiste à une simulation à laquelle M. le Ministre a pu assister aussi : la simulation du fameux outil d’aide à la décision. Cela pourrait être intéressant. »

Si la curiosité vous pousse à lire la suite du compte rendu de la séance parlementaire, vous verrez qu’il est ensuite question d’inondations, d’aléa d’inondation, de gestion des permis dans l’urgence. Le serpent se mord indéfiniment la queue.

Il serait grand temps que les choses bougent dans notre région pour enfin prendre à bras-le-corps le problème de l’artificialisation des sols. Je ne saurais trop remercier les parlementaires de remettre ce sujet inlassablement sur la table. Cette fois, il y a du neuf. Rendez-vous est pris en novembre, pour scruter les ordres du jour du Gouvernement wallon et vérifier que les étapes se déroulent selon le calendrier annoncé par le ministre Borsus.

Vous avez déjà signé le Manifeste « No Nature, No Future » ? Bravo.

Toutes les informations sont ici : https://nonaturenofuture.be/

Ce Manifeste cosigné par WWF, Natagora et IEW s’adresse au Gouvernement wallon. Arrêtons de bétonner. Cessons de dénaturer l’agriculture. Rendons à la nature ses fonctions régulatrices des catastrophes climatiques. Nos revendications sont concrètes et directement applicables.

La nature a un rôle primordial à jouer dans la gestion des événements climatiques extrêmes. Défendons-la !

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