Après Standard & Poor’s et Moody’s, c’était au tour de l’agence de notation Fitch de dégrader la note de la Belgique. Les sentences de ces agences de notation appréciées par différentes instances financières dont le FMI semblent faire loi et, la majorité papillon, obéissante, s’apprête à développer des mesures d’austérité additionnelles, au grand dam des organisations syndicales et d’autres acteurs de la société civile qui estiment que, une fois de plus, ce sont les citoyens dans leur ensemble, de manière indifférenciée, qui vont payer le prix d’une crise dont ils ne sont que très peu responsables.
D’après les tenants de l’austérité radicale, l’assainissement des finances publiques est en effet un mal nécessaire si l’on veut relancer la croissance. Le monde des affaires s’en trouverait rassuré et par là les taux d’intérêt stabilisés. En réalité, comme on le verra plus loin, cette théorie économique datant de l’ère de l’avant Grande Dépression des années 1930 est aujourd’hui considérée comme inadéquate, voire obsolète pour résoudre les crises actuelles.
Et de fait, ils sont de plus en plus nombreux, économistes, universitaires, etc. qui dénoncent ces politiques d’austérité budgétaire. Ces politiques, affirment-ils, seraient même irresponsables d’un point de vue strictement économique (mais aussi social) dans la mesure où elles ne permettent pas aux pays de sortir de la récession. Pis encore, cette austérité ne devrait pas, d’après l’économiste Jeff Madrick, “résoudre la crise financière mais l’aggraver, et des millions de personnes vont souffrir inutilement”.
Ces économistes « contestataires » affirment que l’Europe, en agissant de la sorte, ne tire clairement pas les leçons du passé, à commencer par celles de la Grande Dépression des années 1930 mais aussi, plus récemment, celles de l’échec des politiques d’austérité menées par certains de ses États-membres (Grande Bretagne, Irlande et Espagne). Elle fait également fi de l’enseignement de John Maynard Keynes en vertu duquel les gouvernements, en proie à des récessions économiques, devraient soutenir la croissance économique par leurs dépenses et réductions d’impôts, et non l’inverse. Au contraire, des mesures d’austérité radicales n’ont pour effet que d’affaiblir la conjoncture économique, ce qui entraîne, en cascade, de nouvelles décisions allant dans la direction de coupes dans les dépenses publiques et un relèvement des impôts. Le Prix Nobel de l’économie Joseph Stiglitz ne dit pas autre chose : “bien que l’austérité soit néfaste, la réponse politique est d’en exiger toujours plus”. Et de proposer, considérant les politiques d’austérité comme “clairement insoutenables”, de miser sur l’investissement public, dans un cadre mieux régulé et plus transparent.
De leurs côtés, les « économistes atterrés »( « atterrés de voir que ces politiques – la lutte contre le déficit public, (qui) a déjà des conséquences sociales très négatives dans de nombreux pays européens – sont toujours à l’ordre du jour et que leurs fondements théoriques ne sont pas remis en cause« ), viennent de sortir un ouvrage (« Changer d’économie ! Nos propositions pour 2012« ) faisant la part belle à des propositions économiques alternatives dans différents domaines (fiscalité, politique économique européenne, protection sociale, finance, banques). Au rang de ces mesures, citons : la priorité aux transports collectifs et au ferroviaire, la réduction du temps de travail et des inégalités, la suppression des niches fiscales, l’augmentation des impôts sur les plus riches, la réhabilitation de la notion de service public et la recréation d’un pôle bancaire et financier public pour financer les collectivités locales et les PME et pour engager la reconversion écologique et sociale de l’économie.
Ce sont là des propositions intéressantes qui gagneraient à prendre en considération de manière plus conséquente encore les enjeux environnementaux dont l’urgence n’est plus à démontrer et qui ouvriraient la voie d’une véritable transition économique vers une société à bas carbone. Le contexte actuel, tant sur le plan économique qu’environnemental, constitue notamment une opportunité réelle de revoir les budgets et accroître les recettes, par exemple en réorientant, voire en supprimant, les subventions dommageables à l’environnement. Outre le fait de dégager des moyens supplémentaires et de réduire les coûts environnementaux indûment pris en charge par la collectivité, ces mesures encourageraient consommateurs et producteurs à agir en faveur d’une utilisation plus efficace des ressources. Mais ce n’est là qu’une piste parmi d’autres dans l’ensemble des mesures innovantes qui permettraient d’enfin changer le système à dominante libérale qui, de crise en crise, révèle ses limites aujourd’hui atteintes.
En savoir plus :
(ré)écouter l’interview « Changer d’économie ! » des économistes atterrés sur France Inter